Ah ! non ! c'est un peu court, jeune homme !
On pouvait dire... oh ! Dieu !... bien des choses en somme... En variant le ton - par exemple, tenez :
Agressif : " Moi, monsieur, si j'avais un tel nez, il faudrait sur-le-champ que je me l'amputasse ! "
Amical : " Mais il doit tremper dans votre tasse ! Pour boire, faites-vous fabriquer un hanap ! "
Descriptif : " C'est un roc !... c'est un pic !... c'est un cap ! Que dis-je, c'est un cap ? C'est une péninsule ! "
Curieux : " De quoi sert cette oblongue capsule ? D'écritoire, monsieur, ou de boîte à ciseaux ? "
Gracieux : " Aimez-vous à ce point les oiseaux que paternellement vous vous préoccupâtes de tendre ce perchoir à leurs petites pattes ?
Edmond Rostand, poète dramatique, naît à Marseille le 1er avril 1868, dans une famille provençale, cultivée et aisée, qui tire son revenu de la banque. Son père est un polygraphe, journaliste et économiste…être né dans un tel milieu vous destinait à une carrière de notaire ou d’avocat. Allez donc savoir pourquoi ce poète génial que l’on comparaissait en son temps à Hugo avait en tête la disgrâce héroïque de son héros ridicule et de ses dialogues déconcertants !
Nous sommes en 1897, a l’apogée du romantisme quoi de plus actuel que de traiter d'un sacrifice amoureux. Roxane est douce et sentimentale, elle a pour héros l'écrivain et homme d'armes Cyrano de Bergerac. Audacieux pour manier l'épée mais timide en amour, Cyrano est hanté par la disgrâce que lui confère son nez anormalement long ; persuadé de n'être jamais aimé, il aide son jeune ami Christian à conquérir Roxane, la femme dont lui-même est amoureux. Séduite par les lettres de Cyrano et par le visage de Christian, qu'elle croit appartenir au même homme, la jeune femme épouse Christian. Ce n'est que bien des années après la mort de ce dernier qu'elle apprend la vérité des lèvres de Cyrano agonisant.
C’est la définition même du romantisme que réinvente Rostand « Le sacrifice pour la cause perdue »…Une obsession qui hanta tout le XIX ème siècle, depuis St Hélène.
Mais on ne se bat pas dans l'espoir du succès ! Non, non c'est bien plus beau lorsque c'est inutile
Lors même qu'on n'est pas le chêne ou le tilleul, ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul !
La critique eut beau indiquer les faiblesses de la pièce – faiblesses pourtant très apparentes – son succès, durable et d’une ampleur rarement égalé dans les anales du théâtre, ne s’est toujours pas démenti jusqu’à nos jours.
Le rôle principal fut tenu par de nombreux acteurs célèbres tels que Benoît Constant Coquelin dans une adaptation cinématographique de la pièce. Ce triomphe durera quinze mois : 400 représentations,
La gloire : le 01 janvier 1898 il reçoit la légion d’honneur, il est élu à l’Académie des sciences morales et politiques. En 1900 la pièce suivante : l’aiglon, drame en six actes et en vers, permet au public d’applaudir Sarah Bernhardt dans le rôle du jeune duc de Reichstadt et Lucien Guitry dans celui de Flambeau, et connut un triomphe analogue bien que la critique – à juste titre – se montrât encore plus sévère. L'Aiglon était le surnom donné au duc de Reichstadt, fils de Napoléon ; d'une nature fragile et d'un tempérament rêveur, le jeune homme, décrit par Rostand, se montre incapable de faire aboutir la conspiration visant à lui rendre le trône impérial de son père.
Cette double réussite auprès du public fut beaucoup dans l’élection du poète à l’Académie-Française en 1904. Il succéda à Henry de Bornier, dramaturge en son temps célèbre pour le triomphe de la fille de Roland drame patriotique en vers.
Atteint d’une pneumonie qui mit ses jours en danger et compromit gravement sa santé, Edmond Rostand se retira dans sa maison d’Arnage à Cambo-les-bains dans le pays basque, et ne put être reçu sous la coupole que le 4 juin 1904.
Dans les années qui suivirent, la production de Rostand se ralentit beaucoup. Il vit toujours à Cambo, et y a pratiquement achevé Chantecler dès 1905. Mais il est tourmenté de scrupules et ne la donne à Coquelin que fin 1908. La mort de ce dernier retarde encore la pièce. Ce n’est que le 7 février 1910 que les parisiens purent entendre Chantecler avec Lucien Guitry, pièce inclassable dont les personnages sont des animaux, aussi humains, bien entendu, qu’ils pouvaient l’être chez La Fontaine ou dans le roman de Renart. La pièce surprend, et il s’en faut qu’elle fasse l’unanimité. Les réticences du public et de la critique atteignent Rostand déjà affaibli par la maladie.
L’activité littéraire d’Edmond de Rostand s’achève pratiquement. Toutefois, il entame une trilogie qui doit réunir Don Juan, Faust et Polichinelle : le premier donnera lieu en 1922 à un poème dramatique la dernière nuit de Don Juan (écrit en 1911)
L’écrivain offrira encore, dans ces dernières années, un beau cantique de l’aile (1922) dédié aux aviateurs, et les poèmes patriotiques du vol de la marseillaise (1919). Les v½ux qu’y forment Rostand seront exaucés puisqu’il verra la victoire française de la 1ère guerre mondiale trois semaines avant de disparaître d’une grippe espagnole qui ravage Paris le 2 décembre 1918.