Privilège de lage, je suis un des rares par ici à avoir lu les cahiers du foot à leur débuts. J y remets quasiment plus les pieds. De temps en temps, comme aujourdhui, juste pour choper la mauvaise nouvelle. Le forumiste Enzo el principe est décédé (il était supporter de lOM, journaliste aussi - La minute de silence samedi au stade était pour lui). Il animait à lépoque le forum de lOM mais était aussi responsable de merveilleuses fulgurances comme ce texte magnifique sur Maradona.
Je ne le connaissais que via la toile mais je crois que cet amoureux de lOM et du football méritait un hommage
.
![Bye2 Bye2](https://www.opiom.net/forums/images/smileysOpiom/bye2.gif)
Son texte pris sur les CDF.
" Oraison funèbre pour un petit gros et des lambeaux denfance LENFANT TRANSFORME EN OR TRANSFORME EN PLOMB. Diego, cest Rimbaud, un sale gosse, cest limmédiateté et le génie du geste, ce nest plus la vision mais la voyance, linvention dun jeu que les autres narrivent pas même à imaginer et sûrement pas à reproduire. Diego, cest Rimbaud, cest les voyelles, lalphabet primal du foot : A, milieu du nom et milieu du terrain, Armando, passerelle oubliée entre un nom et un prénom offerts à luniversalité ; E, strié comme des barreaux, échelle dascension sociale, cadenas des défenses assassines, rayures du maillot ; I élancé comme la corde raide, paroi à risques, terrain de jeu des funambules, paille étoilée recouverte de la poussière dange ; O, rotondité, ventre, ballon, le corps et la balle, une même boule, le cercle parfait ; U, courbes et demi-tours, dribbles chaloupés, amours de coup-francs qui caressent les cheveux des défenseurs et viennent se lover dans les lucarnes. Diego, cest ce traître de Rimbaud, qui a décidé un jour, encore enfant, darrêter de jouer au foot ou de jongler avec les mots.« Mais je vois déjà la mort qui sapproche, avec sa gueule moche de grenouille bancroche. » Tas raison, Boris.Mais cest quoi ce bordel ?? Cest quoi, ce lundi pluvieux de bouse qui nen finit plus de sétirer de tristesse. Cest ça, lex-meilleur joueur du monde, ou ce quil en reste ?? Cet obèse, ce pantin boursouflé avec sa démarche pathétique et ses yeux bouffis, ce petit gosse perdu au milieu dun terrain bien trop grand pour lui et qui chiale à nen plus finir. Et pourtant, ça doit bien être lui, parce quils sont tous là autour à essayer de le consoler, à le prendre par les épaules, à lentourer de regards et de gestes daffection
La drôle de troupe, pour un enterrement de première classe. Quelques artistes, Francescoli, Valderrama, Higuita
des caractériels, Stoichkov, Canto
et plein dautres convives, et ces joueurs argentins appelés à lui succéder, à porter le célèbre maillot rayé de ciel et de nuages trop large pour eux et qui nen reviennent pas davoir joué avec lui
avec son ombre. Alors cest bien vrai, ce délire, cest pas des conneries ?? Un jour Dieguito aura 41 ans et il arrêtera de jouer au football ?? Un jour nous serons adultes et nous commencerons à vieillir, en même temps que lui ?? Franchement, je navais pas bien réalisé, jusquà ce je voie les images et que je lise les déclarations. Enzo, prince de lélégance, jusque dans ses larmes, quil laisse couler discrètement au bord du terrain : « Cétait tellement important quon puisse faire quelque chose susceptible de le rendre heureux ». Platoche : « Je crois quil a enfin réalisé quil ne rejouera plus jamais autre chose que des petites parties entre amis. Jusque là, je sais quil était convaincu de revenir et cétait déraisonnable. Cet espoir irréaliste le maintenait dans un état de dépression. Je crois quil a franchi un pas important en comprenant que sa vie devait continuer autrement. Il ma dit quil viendrait à la FIFA nous donner un coup de main et jen suis très heureux. Jespère quil ira au bout de cette intention. Ce serait bon pour le jeu, bon pour Maradona
» Sans déconner, Michel, tu comprends vraiment rien à rien
enfin, si tu comprends tout, mais tes juste un punaise denfoiré dadulte. Où tas vu que les enfants grandissent, quils deviennent raisonnables ?? Ty crois vraiment deux secondes, à ce tableau : Diego en train de faire de la diplomatie et des manuvres politiciennes dans les couloirs des grandes instances sportives, Diego qui serait soudain capable de nager dans un aquarium de grands requins avec sur le dos lun de ces tristes pardessus grisâtres de dirigeants qui semble tant te plaire ?? Tu me débectes, tiens, avec ta soif de pouvoir, tes ambitions, ton intelligence, ton influence, ta rationalité, ta stature de héros national propre sur lui
ça te sert à quoi tout ça, si tes même capable de consoler un gamin qui pleure ? Si tas aucune réponse à lui apporter ??Diego pleure sur sa mort. punaise, qui cest qui nous a fait croire que les enfants ne peuvent pas mourir, et leurs rêves non plus. En perdant le terrain, Maradona, qui était le jeu, son incarnation même, perd tout. Sa raison de vivre, son sens et son essence. Le foot a fait Diego, et il le lui a bien rendu. Diego est un enfant mal élevé, un enfant pas élevé du tout. « El pibe de oro », le gamin en or, ne sest jamais appartenu. Accaparé par le don, et par les apprentis montreurs dours, dès ses premières années. Contrairement à dautres singes savants, lenfant malicieux est resté un prodige. Il est devenu le plus grand joueur du monde. Le seul à faire vaciller la statue brésilienne sur son socle. Je sais, il y a plusieurs meilleurs joueurs du monde, mais on sen fout, on en a rien à foutre de savoir qui est le meilleur des meilleurs
Les légendes ne font pas la course, les dieux ne sabaissent pas à tracer des frontières sur leur Olympe. Vous croyez quil nest pas venu ?? Bien sûr, quil était là, dans les tribunes. Le roi Pelé. Heureux comme un aîné qui voit son frère en majesté arborer un large sourire, qui se soucie finalement si peu que ce gamin turbulent et capricieux ne puisse pas sempêcher de temps à autre de se monter sur la pointe des pieds, de gonfler le torse et de sauter ridiculement sur place en lui gueulant à la figure quil est le plus grand, quil est plus grand que le plus grand, quil est le rois des rois.Chamailleries de gosses. Diego est un enfant, et le restera à jamais. Et ne venez pas me parler de la morale. On ne demande pas un gamin qui samuse dêtre un champion exemplaire. Jemmerde la morale. Jai pas envie den discuter, pas envie dêtre objectif. De toute façon, les choses sont injustes, nous ne serons bientôt plus des enfants et déjà Diego a 41 ans et pleure sur sa bedaine. Pleure sur sa vie qui senfuit. Dieguito nexiste que par le terrain. Cest moche, un gamin avec un gros ventre. Les enfants sont joueurs et cruels, comme Diego. Maradona marque des buts de la main, Maradona a des mauvaises fréquentations, Maradona laisse traîner son nez dans la poudre, Maradona a une tête de petite frappe, Maradona porte une boucle doreille et des chemises de mauvais goût, Maradona a une grosse tête, Maradona dit nimporte quoi, Maradona na aucune conscience politique, Maradona ressemble au petit peuple fanatisé et aux groupes de supporters violents qui ladorent, Maradona a eu de la chance de bien savoir jouer au foot, sinon
Diego est un petit rondouillard, un gamin au bon cur et aux mauvaises manières. Un prototype de petite frappe en devenir des faubourgs populeux de Buenos Aires. Diego va mal tourner, c est sûr, va devenir un petit voleur de collier à larraché des rues de Naples, un obscur traîne-semelles qui traficote dans les ruelles sombres de Barcelone. Diego sans le foot, cest un garagiste sud-américain plein de tatouages qui fume comme un pompier et fait du recel. Peut-être pire. Diego est un personnage secondaire dun roman de Gadda ou de Montalban. Diego est à jamais dans le cur des va-nu-pieds napolitains et des crève-la-faim des barrios argentins, parce quil est eux et quils sont lui. Diego est un enfant surdoué qui joue au foot. Diego fait des gestes inutiles parce quils sont beaux et quand il fait des gestes utiles ils sont beaux quand même, même ses adversaires sarrêtent pour le regarder jouer. Diego marque des buts comme dans la cour de lécole, en dribblant et en ridiculisant tous ses adversaires. Ils peuvent lui dire merci, les Anglais, davoir marqué ce but de la main. Sinon on naurait jamais retenu et parlé que de lautre, le but le plus humiliant jamais encaissé par une grande puissance européenne dans lhistoire de la coupe du monde. LAngleterre à terre, en morceaux, fendue en deux de tout son long par la virtuosité technique sud-américaine. Diego a rendu leur fierté à tous les culs-terreux de Napoli et a fait enrager tous les barons dItalie en leur apprenant à placer Naples sur une carte. Diego a gagné un Mondial à lui tout seul. Diego a été obligé de ravaler ses larmes parce que lAllemagne et larbitre qui a sifflé un penalty imaginaire lui ont volé son graal. Diego virevoltant a été exclu de la CM 94 pour dopage à la cocaïne, la pire punition que des adultes peuvent infliger au seul joueur que cela fait forcément pleurer à chaude larmes, comme le gamin pris en faute quil est.Je sais, je sais, il y a des gens qui trouvent cela honteux, immoral, « les gens » sont comme ça. Ils oublient vite leurs propres turpitudes et la vie qui va son cours, ils ont besoin dexemples pour les aider à croire. Ils oublient que Diego est resté un gamin, un sale gosse des rues. Maradona na tué personne dans un accident de voiture, Maradona na pas été inculpé dans un procès pour viol ou pour ratonnade, comme dautres qui continuent darpenter les terrains, ou comme dautres encore anonymes, et qui nont jamais vu un crampon de leur vie. Maradona ne se dope pas avec une armée davocats et de médecins, Maradona na jamais pris de cours de communication pour mieux parler aux journalistes, comme tous ces fantoches, ces imposteurs, ces usurpateurs sans talent qui pullulent sur tous les terrains. Ce soir je suis triste et le foot memmerde. La vie de Diego dépassent le simple cadre du ballon rond, elle nous renvoie à nos propres jugement de valeurs ; il y est question de talent, de destin, de jugement moral, déducation, de fric, dhypocrisie sociale, de grandeur, de déchéance. Pour moi, ses faiblesses contribuent à sa grandeur, elles lui donnent lépaisseur humaine qui en fait plus quun joueur de foot. Elle le font chair, une légende, une rock star, un phénomène de société bien vivant. Ou si peu désormais. Il me fait penser à Marlon Brando (pas le joueur de lOM, lautre), aussi énorme sur ses photos, le même naufrage. Et lui, pourtant, qui nest quun virtuose du foot, un gamin perdu et inconscient qui na jamais traversé le miroir. Celui sur lequel on étale les lignes de poudre, celui dans lequel chacun tente aussi de se voir si beau et de projeter à un moment son propre reflet, puis juge, comprend ou condamne, brûle ou essaie de sauver ce qui peut lêtre de nos rêves denfance, les siens, les nôtres.Je peux vous le dire, parce que Diego, cest mon pote. Vous me croyez pas ?? Si, si, cest mon pote, depuis tout petits, depuis la cour de lécole. On a grandi ensemble, et je me suis aperçu alors que malgré toute mon admiration et la lumière quil dégage, il avait une face sombre. Diego, cest forcément un ami, cest forcément quelquun de notre tribu à tous. Cest un génie. Mais il est encombrant. Il fonctionne à laffection. Il prend de la coke. Il grossit. Il va sattirer des ennuis à force de faire des conneries. Cest pas un violent, ni un destructeur, cest plutôt le genre qui sautodétruit. Diego, cest celui qui nous rappelle quon peut parfois, souvent, aimer les gens sans les comprendre, sans pouvoir les aider. En plus, depuis hier soir, Diego est un gamin inconsolable, à qui tout le monde essaie de parler comme à un adulte. « Tu prendras soin de toi, Diego, hein ?? Tu essaies de pas trop faire de bêtises, et puis fais gaffe, ces gens qui traînent autour de toi là, ils me plaisent pas trop
oui, je sais, je les connais, mais quand même, justement. Et puis fais un peu attention à ta santé, punaise ! » Et lui tout prêt à vous répondre avec un sourire rassurant de gamin incorrigible, qui a envie quon lui foute la paix. Diego, jai bien peur que ce soit un ami de longue date dont on entendra parler de moins en moins souvent, et jamais pour de bonnes nouvelles. Hier je lai perdu de vu, le petit gros, et il a emporté quelques lambeaux de mon enfance, de ce quil en reste. Quel est le traître qui nous a fait croire que les enfants ne peuvent pas mourir, et leurs rêves non plus. Fait caguer . Et bien sûr, il continue de pleuvoir. Evidemment