Hu hu, y'a El Gringo qu'a ses vapeurs, c'est qu'il va nous mouiller sa liquette, le madré Poitevin... Et Sarko en Zorro, c'est à hurler de rire...
L'appel à l'aide de Jean-Pierre Raffarin à Nicolas Sarkozy
LE MONDE | 23.03.04 | 14h16
Un "conducteur " et un "moteur". C'est avec ces termes que Jean-Pierre Raffarin a présenté à son équipe, lundi 23 mars, l'attelage qu'il compte former avec Nicolas Sarkozy pour tenter d'éviter un naufrage électoral au second tour des élections régionales et cantonales. Le premier ministre a reçu à déjeuner, lundi à Matignon, le ministre de l'intérieur. Au cours de leur tête-à-tête, il lui a offert ce rôle, au moins jusqu'à dimanche prochain, voire au-delà.
Secoué par l'ampleur de la défaite, M. Raffarin est apparu catastrophé devant ses proches, dimanche soir. Lui qui avait espéré limiter les dégâts en se jetant dans la campagne dans la dernière semaine et qui misait encore, avant les résultats, sur un échec relatif qui ne compromettrait pas son avenir à Matignon, a vu subitement ses calculs déjoués. Désormais, l'inquiétude l'a gagné. Les prévisions de la majorité évoquent cinq ou six régions perdues dimanche prochain - dont la sienne, Poitou-Charentes, où la gauche a obtenu son meilleur score (46,29 %).
Face au désastre annoncé, M. Sarkozy apparaît aujourd'hui comme l'ultime recours d'une droite sous le choc et d'un premier ministre en danger. Pour se sauver, le chef du gouvernement est prêt à lui abandonner - provisoirement au moins - les rênes de la majorité. Il en serait l'élément "moteur" pour que M. Raffarin puisse encore espérer la "conduire" après le 28 mars, si leur tandem est parvenu à endiguer la poussée de la gauche. Leurs entourages respectifs laissent entendre que cet accord tactique est approuvé par Jacques Chirac ; l'un comme l'autre évoquent les coups de téléphones répétés - dimanche soir et lundi matin - du chef de l'Etat aux deux intéressés, sans en livrer la teneur.
L'enjeu principal est en Ile-de-France. Porte-parole du gouvernement, M. Copé y livre bataille pour enlever le conseil régional au socialiste Jean-Paul Huchon, qui a modérément bénéficié de la vague nationale favorable à la gauche. "Une victoire en Ile-de-France ne compenserait pas la défaite, explique-t-on à Matignon. Mais ça atténuerait l'impression générale..." Au soir du premier tour, M. Sarkozy s'était volontiers attribué le succès relatif de M. Copé - dont il présidait le comité de soutien, et qui avait mis en évidence son nom sur les bulletins de vote -, victorieux de la primaire qui l'opposait à André Santini (UDF). D'un même élan, le ministre de l'intérieur se félicitait du faible score des nationalistes aux élections territoriales en Corse, où le candidat de l'UMP est en tête ; de la performance de tous les représentants de l'UMP aux élections cantonales dans son département des Hauts-de-Seine ; enfin, du tassement général du Front national.
Le ministre de l'intérieur ne mégotera pas son soutien aux candidats qui le réclament pour la campagne du second tour (...) "Il a toujours été loyal à l'égard de sa famille politique, dit-on dans son entourage. S'il peut être utile d'ici au second tour, il fera le boulot..."
L'appel à M. Sarkozy ne va pas sans contreparties. Contre son secours, M. Raffarin est disposé à lui laisser plus de place encore dans le futur gouvernement. Au risque de son propre étouffement ? Il fait le pari que le ministre de l'intérieur a besoin de fonctionner "en équipe" pour donner la mesure de "son talent" - et, sans doute aussi pour donner des gages de loyauté aux chiraquiens, qui voient toujours en lui un traître en puissance. N'ayant plus guère le choix, le premier ministre paraît en fait résigné à s'effacer, pour apparaître comme un simple "chef d'équipe au service de l'action gouvernementale", prévient-on parmi ses proches. Convaincu de la nécessité de poursuivre les réformes sur un rythme accéléré, M. Raffarin serait prêt à "payer le prix de l'impopularité".
De fait, le premier ministre a aussi abdiqué toute ambition sur la présidence de l'UMP. Il y a quelques semaines, il avait cru comprendre que M. Chirac souhaitait qu'il succède à Alain Juppé pour ne pas laisser le champ libre au vorace M. Sarkozy. Mais le vote de dimanche a sonné le glas de ce projet.
Pour le parti comme pour le gouvernement, le chef de l'Etat ne décidera qu'après le second tour. Si M. Raffarin évite le désastre électoral, il pourrait, malgré tout, prolonger son mandat à Matignon, au moins de quelques mois. Mais dans ce cas de figure, comment être sûr que M. Sarkozy se satisfasse toujours du second rôle, lui qui aurait été le sauveur ? "On joue le jeu jusqu'à dimanche soir, après on verra", confiait lundi un de ses proches. Le ministre de l'intérieur estime avoir déjà servi plusieurs fois de bouée de sauvetage à M. Raffarin. Il juge être l'un des seuls à avoir rempli la feuille de route du gouvernement, sur le front de la sécurité. Et il a accepté de seconder le premier ministre quand celui-ci était en difficulté : dans les négociations avec les syndicats d'enseignants sur le dossier de la décentralisation par exemple, lorsqu'il remplaça au pied levé le ministre de l'éducation nationale discrédité, avant l'été 2003.
Cette fois, M. Raffarin s'en remet totalement à lui. Mais il est peu probable que le ministre de l'intérieur se résigne à jouer encore une fois les faire-valoir. Discret hors la tribune des meetings, refusant toute interview depuis plusieurs semaines, il semble au contraire déterminé à faire comprendre au chef de casting, Jacques Chirac, qu'il est temps de lui confier le rôle-titre.
Hervé Gattegno et Christophe Jakubyszyn