Un petit complément que j'avais posté sur OMForum, avec une spéciale kacdédi pour Beepees :D :laclasse:
J'en avais déjà parlé au Vieux_Buk :winkv: je vous conseille fortement de plonger (sans masque et sans tuba) dans l’univers de Dennis Lehane (auteur de Mystic River, qui a été adapté par Clint Eastwood au ciné)
![Beer Beer](https://www.opiom.net/forums/images/smileysOpiom/beer.gif)
Dennis Lehane a été unanimement salué par la critique américaine comme l'un des auteurs majeurs de la nouvelle génération du roman noir. Certains le comparent même à James Ellroy.
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Un dernier verre avant la guerre :read:
Amis depuis l'enfance, Patrick Kenzie et Angela Gennaro sont détectives privés. Ils ont installé leur bureau dans le clocher d'une église de Boston. Un jour, deux sénateurs influents les engagent pour une mission apparemment simple : retrouver une femme de ménage noire qui a disparu en emportant des documents confidentiels. Ce que Patrick et Angela vont découvrir, c'est un feu qui couve "en attendant le jet d'essence qui arrosera les braises". En attendant la guerre des gangs, des races, des couples, des familles.
Thriller urbain, roman engagé, un dernier verre avant la guerre est la première enquête du couple Kenzie-Gennaro, les deux héros meurtris de Dennis Lehane. Ils ont, selon les mots de Jean-Pierre Perrin dans libération, "Le désespoir terriblement drôle et l'humour ravageur prêt à fleurir sur la moindre cicatrice".
Si le point de départ est classique, si l’on “retrouve” le “privé” avec ce qu’il a de mythique : lucide, désabusé, aux réparties à l’humour qui tue, on est pris par le récit car Dennis Lehane sait raconter une histoire. Il sait l’ancrer dans le quotidien, il sait montrer, sans insiter lourdement, les conflits entre Blancs et Noirs, il sait donner de l’épaisseur à ses personnages. Et petit à petit il nous plonge dans la réalité d’un monde sans pitié.
Et puis il y a les “héros” : Patrick Kenzie et son associée Angela Gennaro, lui qui souffre encore des blessures morales et physiques que lui a infligées son père, elle qui continue à aimer son mari qui la bat régulièrement, mais leur travail les rapprochent et ils se sentent attirés l’un vers l’autre. Cela peut paraître conventionnel, mais là encore le talent de Dennis Lehane fait merveille et “fait passer” ce côté “sentimental” avec doigté.
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Ténèbres, prenez- moi la main :read:
«Viens, m'ont dit les Ténèbres, viens avec nous.» Mais j'étais faible, je pourrissais et je n'avais même pas la force de m'agenouiller. «Ténèbres, leur ai-je répondu, prenez-moi la main. Emmenez-moi loin de cet endroit.» Et les Ténèbres m'ont emmené.
Une nuit, la psychiatre, Diandra Warren reçoit un appel anonyme et menaçant qu'elle croit lié à l'une de ses patientes. Quand arrive au courrier une photo de son fils Jason sans aucune mention d'expéditeur, elle prend peur et demande de l'aide à Patrick Kenzie et à Angela Gennaro.
Les deux enquêteurs acceptent de surveiller discrètement Jason tout en cherchant à identifier l'auteur des menaces. Mais la piste ne mène nulle part.
Ils s'apprêtent à classer l'affaire lorsqu'une fille du quartier est retrouvée crucifiée sur un terrain vague. C'est le début d'une série de meurtres particulièrement odieux, qui semblent reproduire ceux qui furent commis vingt ans plus tôt par un tueur aujourd'hui incarcéré.
Patrick et Angie ne se doutent pas qu'ils vont déterrer des secrets qui bouleverseront leur vie et celle de leurs proches.
Voilà la deuxième aventure de Patrick Kenzie et Angela Gennaro, les deux héros de Un dernier verre avant la guerre, qui devront aller à la rencontre de l'inacceptable, jusqu'au dénouement terrible et poignant, aussi imprévisible que l'automne à Boston où même le temps semble contaminé par le mal ambiant.
De la peur à la compassion, de la répulsion à l'amour, on passe par toutes les couleurs de l'émotion dans ce roman dont les échos résonnent encore longtemps après la dernière page.
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Sacré :read:
Kenzie et Angie ont des bleus un peu partout. Trop d'enquêtes qui tournent mal, trop d'histoires d'amour qui s'en vont en eau de boudin. Ils ont décidé de raccrocher; mais lorsque Trevor Stone, veuf et rongé par un cancer, les supplie de retrouver sa fille disparue, ils acceptent de repartir en chasse. La belle Désirée s'est-elle laissé berner par une secte? Est-elle désespérée par la mort de sa mère? Denis Lehane revisite Chandler et Hammett avec un talent certain. Mais son roman n'est pas un simple hommage à ses pairs, il plonge dans un univers de faux-semblants où les hommes sont aussi pourris que les femmes dès qu'il s'agit d'argent et de morale détournée. Il nous avait épaté avec son précédent polar Un dernier verre avant la guerre, il confirme son talent et son sens du désespoir poussé à l'extrême.
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Gone, baby, gone :read:
Dennis Lehane est un pessimiste à la puissance dix. Un romancier qui voudrait croire en la justice, en un dieu logique et raisonnable, mais se trouve confronté à un monde pourri, à des hommes sans morale, à des parents indifférents. Dans ce quatrième volet des aventures d'Angela Gennaro et de Patrick Kenzie, couple de détectives à Boston, Lehane s'attaque aux disparitions d'enfants à travers l'histoire d'Amanda, quatre ans. La mère d'Amanda est une droguée, une dealeuse qui s'occupe peu de sa fille. Le soir de sa disparition, elle s'était rendue dans un bar avec une amie, laissant la fillette seule une bonne partie de la nuit. Commence pour les enquêteurs une plongée dans l'horreur, celle des truands, des junkies et des pédophiles. Le romancier parvient à mener de front l'histoire personnelle de ce couple d'enquêteurs et leur recherche de la vérité. Angie et Patrick s'aiment, parlent d'avoir un enfant au moment même où ils se retrouvent face à la mort de gamins enlevés, vendus, violés. Mais Lehane ne se contente pas de raconter des histoires de pédophiles ou de mauvais parents comme on peut en lire dans le polar actuel. Il réfléchit, pose des questions, avance des arguments à travers ses deux héros qui veulent le triomphe de la loi tout en sachant que le bien et le mal ne se répartissent pas si facilement. Respectant les codes du polar - enquête et résolution de l'affaire -, il va beaucoup plus loin en décrivant les rouages d'une société où les dés sont pipés dès le début. Ce roman noir est le plus abouti des livres de Dennis Lehane qui avait offert l'année dernière le superbe Mystic River. Il ne laisse aucune chance au bonheur. Voici un livre qu'on garde longtemps en mémoire, le coeur en berne.
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Mystic River :read:
Ils sont trois garçons, Jimmy, Dave et Sean. Un après-midi de bagarre, en 1975, deux hommes aux allures de flics embarquent Dave. Quatre jours plus tard, Dave réapparaît. Ce n'est plus un petit garçon mais une bête fauve en sursis. Quinze ans plus tard, les trois hommes se fréquentent encore vaguement: Jimmy, ex-chef de bande et taulard, Dave, base-balleur raté, et Sean Devine, policier alcoolique. La fille aînée de Jimmy est massacrée, un soir. C'est Sean qui découvre le cadavre. L'enquête lui est confiée. Jimmy décide de faire justice lui-même. Sean avance inexorablement vers l'assassin. Quant à Dave, il accumule gaffe sur gaffe. Dennis Lehane a construit ce beau roman à l'aide de personnages rongés par l'enfance, l'origine sociale et la spirale souffrance-défaite. Il décrit admirablement l'explosion de l'émotion dans un quartier populaire. On avance dans cette jungle au souffle suspendu, soulevant à chaque pierre un n½ud de vipères.
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Shutter Island :read:
1954. Le marshal Teddy Daniels et son adjoint Chuck Aule débarquent sur une île transformée en hôpital psychiatrique pour criminels dangereux. L'une des «patientes» a disparu, mais il semblerait qu'elle n'ait pu quitter ces lieux, trop escarpés, trop éloignés de la terre ferme. Cette jeune femme a tué ses trois enfants dans un accès de folie et sa photo montre une beauté incandescente aux yeux écarquillés par la peur. Les deux policiers comprennent très vite que leur enquête ne ressemblera à aucune autre. Médecins trop affables, aides soignants silencieux, infirmières fuyantes, on leur cache des choses. Les médecins sont-ils groupés ici pour tenter des expériences inavouables comme les nazis? Teddy Daniels ne cesse d'empiler de fausses réponses à ses questions, passant de l'inquiétude à l'angoisse puis à la terreur.
Ce roman tortueux entraîne le lecteur vers des pistes aussi déroutantes que tragiques. Dennis Lehane mène ce thriller de façon magistrale, jouant sur les peurs ancestrales, sur les terreurs mentales et les cauchemars les plus familiers. Après Mystic River puis Gone, baby, gone, il renouvelle encore le monde du roman noir, fouillant dans l'âme humaine plus profondément. Ici, il ne s'agit plus de découvrir un criminel mais de comprendre comment les hommes peuvent dériver, refuser de voir la réalité, exsuder leurs peurs enfantines. Cela commence par une aventure presque familière pour s'achever dans le ventre du monde, un huis clos infini. Voici un auteur qui déroute et cherche toujours à s'étonner lui-même lorsqu'il écrit sur l'être humain, grattant au plus profond de son subconscient.
Désolé, c'est un peu long, mais à la hauteur de mon coup de coeur pour cet auteur :thumbup2: J'ai dévoré ses 6 bouquins à la chaîne, et j'espère que vous en ferez de même