Sortie de virage pour les Boys
vendredi 18 avril 2008
Lampleur prise par la fameuse banderole du Stade de France rendait lissue inéluctable. Comme prévu, la ministre de lIntérieur a annoncé aujourdhui la dissolution des Boulogne Boys. Mais est-ce la solution miracle annoncée ?
Suspectés, malgré leurs dénégations, dêtre les auteurs de la banderole «
Pédophiles, chômeurs, consanguins : bienvenue chez les Chtis », les Boulogne Boys ont, sans surprise, été dissous. Après avoir pris en compte les accusations pesant sur eux (la banderole, les injures racistes lors dun récent déplacement à Marseille et divers faits de violence) et les arguments quils ont présentés pour se défendre, la commission consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives a rendu mercredi un avis favorable à la dissolution du groupe, que Michèle Alliot-Marie a entérinée dès jeudi après-midi.
Un acte censé démontrer sa «
détermination » et sa volonté de «
combattre toutes les formes dinsécurité et de violence dans le sport ». Frédéric Thiriez sest aussitôt félicité de cette «
politique de fermeté du ministre de lIntérieur, seule réponse face à des comportements inacceptables ». La dissolution des Boulogne Boys apparaît ainsi comme une décision de bon sens. Elle pose pourtant de vrais problèmes.
Les Boys ne sont pas les plus durs
Les habitués du Parc le savent. Contrairement à ce qui est souvent affirmé, les Boulogne Boys ne sont pas les éléments les plus durs du Kop. Les Boys sont systématiquement mis en avant simplement parce quils forment lassociation principale du Kop et que leur style de supportérisme à litalienne (banderoles, tifos) est beaucoup plus spectaculaire que celui des autres occupants de la tribune. Les individus les plus violents et les plus ouvertement racistes se trouvent dans la mouvance indépendante.
Doù la ligne de défense des Boys. «
On admet quon a des failles mais on est là pour supporter le PSG, pas pour la violence, affirme Pierre-Louis Dupont, leur président.
Et on pense que cest mieux pour tout le monde davoir un groupe qui gère la tribune, même sil nest pas parfait, plutôt que des électrons libres. Sans association, il ny a plus dintermédiaires et plus dinterlocuteurs pour le club, la Ligue et la police. Même si on ne représente pas toute la tribune, on peut faire passer des messages modérateurs à lensemble du Kop ».
Et après ?
Ce raisonnement, les Boys sont loin dêtre les seuls à le tenir. La semaine dernière, Jean-Philippe dHallivillée, responsable sécurité du PSG, a estimé dans
le Parisien quune dissolution des Boys «
compliquerait [la]
gestion des tribunes ». En off, des acteurs de terrain disent la même chose. Que vont devenir les membres des Boys ? Certains dentre eux ne risquent-ils pas de grossir les rangs des bandes dindépendants et daccroître ainsi les problèmes de violence et de racisme ?
Les Boys avaient donc de solides arguments pour se défendre mais aussi de sérieux talons dAchille. Il leur était notamment reproché de ne pas toujours assumer leurs responsabilités et de se défausser sur les indépendants avec lesquels ils nauraient de surcroît pas pris suffisamment de distance. A leur décharge, les rapports de force instaurés par les plus durs du Kop ne leur rendaient pas la vie facile. Au lieu de dissoudre les Boys, naurait-il pas mieux valu les aider à avoir une activité associative positive ?
Une mesure uniquement médiatique ?
Si la dissolution des Boys est uniquement un coup médiatique et quelle reste sans lendemain, elle ne fera probablement guère avancer la lutte contre le hooliganisme. Elle posera même peut-être de nouveaux problèmes. En revanche, si ce nest que le premier acte dune action publique cohérente et constante, elle peut ouvrir une nouvelle ère. Mais les prétendues mesures miracles ne suffiront pas.
Au lieu de se focaliser sur les fumigènes et de privilégier les interdictions administratives de stade prononcées par les préfets (qui posent de sérieux problèmes de respect des libertés publiques), il faudra en passer par une répression judiciaire, ferme mais juste, des délits avérés des supporters. Et cette répression ne devra pas être la seule réponse. Le modèle anglais, souvent montré en exemple, est loin de se limiter à elle. Il paraît aujourdhui incontournable de faire enfin des états généraux du supportérisme réunissant tous les acteurs (police, justice, clubs, ligue, mairies, préfectures, ministères, mais aussi associations de supporters) pour construire ensemble une politique de long terme.
Par Nicolas Hourcade, sociologue
http://www.sofoot.com/article-104915-sor...ofoot.html