05-01-2012, 12:05
Le Red Star, Club mythique du foot français s'il en est, fut fondé sous la Troisième République par Jules Rimet, le Papa de la Coupe du Monde. Ca c’est pour l’histoire. Le Red Star avec son illustre logo branché tout droit sorti d’une bouteille de San Pellegrino qui, contrairement aux croyances, devrait sa belle étoile écarlate plus à Buffalo Bill qu’à la couleur politique de sa commune. Ca c’est pour la légende. Le Red Star, ses supporters banlieusards à la gouaille argotique farouchement inspirée du Dard, sa buvette enfumée aux relents de poulet-frites et de Gitanes papier maïs qui sentent bon l’humanité populaire. Ca c’est pour le cliché. Le Red Star, l’autre Paris, pari du passé avec son palmarès d’avant-guerre, et son historique stade Bauer évincé en 48h chrono au profit du Stade de France pour accueillir l’événement. Ca c’est pour dire qu’on a changé d'ère. Le Red Star dont l’étoile épinglée au fronton pourrait être l’autre face vermillon de celle qui orne l'emblème olympien; un peu comme si on était né sous la même étoile, tel le soleil commun à deux terres de foot pas si lointaines. Ca c’est pour le rapprochement universel des peuples et l'allusion obligatoire à l’idole Roger Magnusson qui porta les deux maillots. Ca c’est pour les connaisseurs.
J’en étais là de mes notes pour l’édito des 32ème de la CDF quand la sonnette de mon appartement émit une plainte continue et stridente tout à fait insupportable.
punaise Bouli, je vais te tuer, il l’a coincée, pensais-je en me précipitant vers la porte pour enguirlander mon voisin et mettre fin à ce supplice auditif.
-Vous êtes ? demandai-je, surpris, à l’illustre inconnu adossé au chambranle extérieur de mon entrée.
- Séraphin Lampion. Enchanté ! Répliqua joyeusement un type dans la pénombre du palier tout en me tendant une main aussi ferme qu’une poignée de nouilles cuites.
-Enchanté moi aussi, dis-je. Mais auriez-vous l’obligeance de ne pas rester en appui sur cet interrupteur qui n’est autre que la clarine de mon logis. Un, vous allez la flinguer, deux je vais devenir fou.
-Pardon mais je cherchais la minuterie.
-Elle n’est pas nominative dans cet immeuble, rétorquai-je un brin agacé en pointant l’étiquette autocollante un peu jaunie certes, mais bien visible au dessus du bouton poussoir.
-Oui bien sûr désolé… je suis Séraphin Lampion donc, et je voudrais vous présenter mes calendriers … Mais là on y voit goutte !
Sur ce, ni une, ni deux, le Monsieur Lampion s’introduisit chez moi par l’entrebâillement de la porte avec la dextérité d’une anguille.
- Faudra penser à changer votre minuterie. Et c’est un Lampion qui vous le dit… Hi Hi Hi gloussa-t-il.
-Je me tue à vous dire que ce n’est pas la minuterie…
-Alors voilà, s’exalta-t-il, en ouvrant illico sa mallette en skaï. Je tiens là, le nec plus ultra du désopilant en matière de ballon rond. Ce sont des calendriers dans la lignée d’un site à l'humour à la limite du footballistiquement correct. Voyez plutôt.
-C’est rigolo ça dis-je, en désignant sur le pourtour du calendrier, l’image d’un Père Noël hilare et soulagé après sa tournée du réveillon, tondeuse en main et rasé de frais, se mirant dans le rétroviseur de son traîneau.
- Non, rien à voir, ça c’est une pub pour un After Shave…
-Ah bon. Désolé ! Répondis-je tout à fait hypocrite.
-Faut bien vivre non ?
-C’est là, la limite à l’incorrect je présume.
-No limit, c'est ma devise!
-Moi, c'est l'Euro.
Monsieur Lampion m’expliqua donc la teneur comique du fleuron annoncé de l’incorrect footballistique. D’inénarrables inepties de footballeurs avaient malignement été compilées au jour le jour. Des perles d’inculture. Le flagrant délit de la bêtise en best of et édictées en maximes. Un florilège de stupidités proférées en une saison par ces nantis au QI hasardeux.
Comme il semblait qu'on pouvait tous se vautrer dans la facilité, l’image d’un véhicule médicalisé criblé de balles fut la première qui me vint en tête, je rajoutais celle du souverain à la vision monoculaire régnant sur des sujets atteints de cécité.
-Alors, c'est du lourd, non ?
-On est toujours le lourd d’un autre. Ironisai-je en feuilletant ce menu humoristique effectivement un peu lourdingue qui activa chez moi d’avantage une moue dubitative qu’un sursaut de mes zygomatiques.
Fin du fin, on voterait même pour le plus con d’entre les cons et décernerait par catégorie Le Nobel de l’abruti en short.
-Et chaque clic comptera!
-Tu parles ! Pensais je en détaillant les inserts publicitaires.
-Comique non ? M'interpella-t-il d'un ton enjoué.
-C’est une question ?
-Absolument et votre retour m’intéresse au plus haut point.
Retour plus qu’Avis. Voir Opinion. Le Non interrogatif en fin de phrase de manière à toujours répondre par une question. Lampion s’était présenté comme un chargé de communication. J’en reconnaissais les tournures acrobates de politesse commerciale. Je lui fis donc part de mon retour, au plus haut point de mon non retour, puisque je ne fusse parti nulle part, si ce n’est en digression.
-Vous êtes vous déjà figuré Zola, Nietzsche, Blaise Pascal ou Woody Allen par exemple jouer au foot ? Lui demandai-je candidement.
-Je ne vois pas le rapport.
-Drôle d’animal non ?
-Pardon ?
-Laissez tomber.
-Où ça ?
Je mis fin à ce dialogue de sourd et à l’antagonisme patent de nos humours pour revenir à nos moutons :
-Entre nous, repris-je, cela vous ferait rire à gorge déployée de voir un des fameux plumitifs que je vous ai cités s'emmêler les crayons en tentant un ciseau retourné, un tacle glissé ou une aile de pigeon, ...voire même une virgule. Ponctuai-je laconiquement et pas mécontent de mon trait d’esprit à deux balles.
-Ce n’est pas le sujet, mais remarquez que certains footballeurs sont parfois plus comiques encore dans cet exercice. Répondit-il fort à propos.
-Certes, mais ce n’est pas le sujet, je ne vous le fais pas dire (Si, un peu tout de même! NDLR).
Le sujet est, si j’ai bien compris, de se goberger de la réflexion incertaine et de la syntaxe douteuse de tous ces footeux décérébrés. Révélation astronomique au passage. Scoop sidérant. Passons. Sans compter que le procédé taxinomique de la citation imbécile est usé jusqu’à la corde. Celle des pendus au marronnier.
Bref, pour tout dire si on ne tient pas la preuve implacable d’un sens de l’humour subversif, on peut gager sur une poilade assurée à bon compte.
Le principe éculé du dîner de con en somme.
-N’exagérons rien. On peut rire de tout… Non ? Me rétorqua-t-il avec un sourire mielleux de VRP.
-Oui on peut rire de tout mais on n’est pas obligé.
Sur ce, je le raccompagnais vers ma porte prétextant qu’en ce qui nous concernait, le sens de l’humour prenait immanquablement cette direction.
Il tenta une fois encore de me convaincre des bienfaits drolatiques de son classement des aphoristes en crampons et me remémora les propos de l’entraîneur du TFC, propos en bois de croix qui, selon moi, donnaient plus à pleurer qu’ils ne prêtaient à rire.
A tout prendre, je préférais relire Les Mémoires de Casanova. Tête à queue mental et comble de l’ironie, l’image de mon ex et infidèle Pénélope m’assombrit furtivement le regard.
Sinon, je me rappelai subitement un dicton africain qui résumait assez bien le fond de ma pensée.
-Ok…. Comme vous semblez aimer les citations, Voilà qui pourra peut-être éclairer votre lanterne Monsieur Lampion :
"Celui qui rame dans le sens du courant fait rire les crocodiles! "
-Ca c’est Stéphane M’bia, je parie… Hi hi hi, se gondola-t-il aussi sec.
-...?
Je lui rendis pour toute réponse, l’expression d’un faciès atterré tel un buteur déconfit pris au piège du hors-jeu.
-Non, c’est pas lui ? Paniqua Lampion… Lacoste alors ! Ca ne compte pas pour le Van Nobel c’est pas du foot… Maazou peut-être. Non plus. Ne me dîtes rien ! Voyons voir. Je sais… Qui a pu sortir une ânerie pareille ?
Je l’interrompis en pleine réflexion pour lui rappeler à l’avenir d’éviter de prendre appui sur ma sonnette et refermai la porte d’entrée de mon antre.
« Pape Diouf !» hurla-t-il à travers le battant.
Après une profonde inspiration destinée à me regonfler de zénitude absolue, je retournais à mon ordi et me relançais sur la piste aux étoiles de Buffalo Bill.
EPILOGUE
Plus tard, alors que je prenais un petit apéro chez Bouli. Mon voisin m’apprit qu’il avait reçu lui aussi la visite du dit Séraphin Lampion.
Bouli s’inquiéta de n’avoir rien trouvé de très drôle dans son calendrier à part peut-être cette photo de la Mère Noël à poil, mais c’était une pub pour une crème épilatoire. Pas vu celle là moi, mais tout compte fait, on avait à peu près le même humour avec Bouli. Ce qui ne me fit pas sauter au plafond, je le confesse.
-Moi, des trucs à la con comme ça, j’en dis tous les jours ! Confia-t-il en toute franchise.
De là, à en faire un concours avec de surcroire une remise des prix du Nobel que je sais même pas qui c’est, ni dans quelle équipe il joue. Ce Nobel, il a dû en sortir des explosives entre parenthèses.
-Tu crois pas si bien dire Bouli. Pontifiai-je en piochant une saucisse dans le ramequin.
-C’est vrai quoi. Continua-t-il. C’est un peu comme si toi, tu répétais toutes mes conneries sur internet pour te moquer avec tes potos d’Opiom que tu sais même pas qui c’est… Tu ferais pas un truc pareil non?
-Penses-tu Bouli. Jamais de la vie ! Non… Jurai-je par mes grands dieux tout en m’étranglant avec une knaki-ball.
NB: Ce texte est une fiction tout droit sortie de mon mauvais esprit.Toute ressemblance avec un personnage existant ou ayant existé serait tout à fait fortuite et une drôle de coïncidence. Ou pas.
Fly