13-11-2008, 12:14
A lheure de la diversité où le noir dispute au jacquard la tendance et où la statistique ethnique fait débat, il est curieux de constater que la nomination naguère de Pape Diouf à la tête de notre club de cur na pas suscité grande passion.
Un homme de couleur à Marseille, même dans un poste élevé cela ne soulève pas de polémique.
Mais pour quelle raison ?
« Allez à Marseille. Marseille vous répondra.
Cette ville est une leçon. L'indifférence coupable des contemporains ne la désarme pas. Attentive, elle écoute la voix du vaste monde et, forte de son expérience, elle engage, en notre nom, la conversation avec la terre entière » écrivait Albert Londres en 1926.
On y voit de tout à Marseille et on y croise le monde. Ce qui transpire le plus de cette ville cest ce va-et-vient incessant entre départ et arrivée, ceux qui arrivent semblent chasser de la place ce qui sont en instance de partir. Peu importe les destinations, le principal est que la circulation ne cesse jamais.
Marseille ou lOrient à domicile !
Marseille, est unie depuis des siècles à ces voyageurs et commerçants qui ont bâti le destin de la cité phocéenne dans la Méditerranée. Cette présence est marquée par l'arrivée, sur ses débarcadères, d'hommes et de femmes venus dun peu partout dans le monde : d'Afrique noire, d'Extrême-Orient, du Levant, du Maghreb, des Caraïbes...
Dans le regard des Marseillais, cette réalité balance en permanence entre attirance et invasion, entre fascination et exclusion. Toutes les identités sentrelacent, toutes les objections prennent forme, tous les rêves s'annoncent dans cette « capitale de l'Empire colonial ».
On a le sentiment que Marseille a été, et reste, cette ville ouverte sur les cultures du monde : une ville cosmopolite sans équivalent en Europe.
Fernand Braudel évoquait la Méditerranée comme un continent dont les berges sont solides et les populations nomades.
Et sans remonter à la fondation mythique de Marseille, songeons au siècle dernier où les populations ont fait quelques allers et retours entre les deux rives de notre Mare Nostrum.
A Marseille on assimile sans être assimilé selon la recommandation de Léopold Ségar Senghor senrichir des autres tout en conservant sa propre identité.
Treize églises arméniennes, vingt-cinq synagogues, des églises grecques, orthodoxes russes, des pagodes sans omettre bien évidemment les cultes protestants et catholiques, Marseille est une sorte de patchwork culturel, cultuel et ethnique.
LOM en est sans doute le plus beau vecteur et pas seulement en raison de la couleur de la peau de son président. Des quartiers Nord déshérités aux opulentes villas surplombant les Corniche, les curs battent à lunisson.
Au sein du Vélodrome, même si les statuts sociaux, pouvoir dachat oblige, segmentent un tantinet, on côtoie un bariolage social, cultuel et culturel.
Cette capacité dassimilation les supporters marseillais la possèdent de manière innée, sitôt le contrat signé et quimporte lorigine, le nouveau est affranchi et accède sans transition au rang qui lui est dû.
Inversement, à son départ, la dissimilation est rapide et son prestige peut seffondrer comme un château de carte par jour de fort mistral.
Le club nétant que le microcosme de cette ville qui assimile létranger et lui confère une nouvelle identité commune.
On rencontre paradoxalement quelques difficultés à se reconnaître chez autrui, létranger, celui qui nest pas marseillais, on soutient lEquipe de France du bout des lèvres, sauf si elle possède dans son effectif quelques locaux et les victoires ou les défaites des autres équipes françaises nous laissent indifférents. Dans le Sud lidentité est concentrique : on est du quartier avant dêtre Marseillais et Marseillais avant dêtre Français.
Dans tous les cas il faut des intégrés ou désintégrer ? Cest le choix cornélien qui interrogera les Marseillais à la veille de recevoir les supporters de lAtlético
Raout ou bouillabaisse culturelle ?
Sur OpiOM pas question de dérives sectaires ni de maçonnerie, hormis pour quelques bâtisseurs de la vallée de lHuveaune, les nouveaux arrivants adoptent la culture dominante en contractant les attitudes et les coutumes nouvelles, mais ce transfert de rites ne s'opère cependant pas à sens unique : chaque immigrant apporte certains éléments de sa culture au pays d'accueil, la Fumerie.
L'assimilation se réalise généralement par mutations graduelles, en de multiples étapes ; elle est consommée lorsqu'il devient impossible de différencier les nouveaux membres de leurs prédécesseurs.
Il en va ainsi dun groupe de jeunes gens se disputant un ballon et qui constitue une équipe de foot.
Lintégration sera dautant plus rapide que le groupe nétablira pas de frontières étanches, on se montre souple sans trop baisser léchine, on nomet la fermeté tout en restant sensible, on ne néglige pas lécoute tout en poursuivant ses convictions.
Cest au capitaine de mener léquipage hétéroclite, alors il lui faut sans cesse panacher, fusionner, amalgamer Tant que Mama nordonne à son bel Albanais : « Arrête de mixiter, grand fou ! »
Chez les Olympiens comme chez les opiomanes on intègre : du Parisien, du Lyonnais, du talentueux forte tête comme de laigri désenchanté. On écoute lexpérimenté, sans lui piquer sa place dans le car, on sémerveille de la juvénile fraîcheur du nouvel arrivant, même si certaines de ses attitudes glacent.
Parfois avant les matchs on fait une mise au verre, daucuns appellent ça un raout, toute une clique en colloque, un amalgame de mordus, un séminaire sans Mama où limportant cest larrose et la doctrine collégiale : « Jy libère bécots ! », on se congratule, on se frotte dans un apéro de bipèdes où les verres de contact chers à lami Blondin confortent lopiomane dans son double foyer. On est vanné mais pas fatigué, on se moque des absents en chambrant le vain, on asticote le gros poisson, on ne prend pas la mouche plutôt du bon taon.
Le crime de Lorient ? Express !
A limage de leur attaquant vedette, les merlus nen finissent pas de ramer, hélas cette attitude nest pas aussi élogieuse que le geste de leur buteur.
Un départ poussif, une mauvaise pioche, des blessés à la pelle, des seconds couteaux à lappel Le sphinx morbihannais ne peut savourer paternellement la réussite de sa progéniture, il doit calfater le navire qui prend leau.
Alors, il innove, il fait avec les moyens du bord, il place un arrière gauche en attaque, un milieu avant centre, on prétend même quil aurait repris le footing
Sera-ce facile pour autant ?
Sans doute oui, si on sappuie sur un passé très récent où notre Olympique a acquit une nouvelle dimension, chassant ses vieux démons porteurs dune fébrilité néfaste.
Lensemble est dorénavant serein, le calme olympien, en grande partie grâce à une nouvelle organisation bien assimilée.
Une assimilation enfin digérée, il faudrait vraiment quon soit noir pour quil en soit autrement.