Affaire Tuzzio
Première journée d'audience. mercredi 21 mars.
TGI de Marseille, 6e chambre Correctionnelle.
Pierre Dubiton : « Je suis le dindon ! »
L'ancien directeur financier de l'OM est le personnage principal de cette affaire, avec l'agent de joueur Gilbert Sau. Du moins d'après le Parquet. Il semble reconnaître ses torts. Mais n'oublie pas d'accuser les autres acteurs de la vie du club.
En 2001, Pierre Dubiton revient à l'OM. RLD, malade et souffrant, lui donne un mandat administratif et financier. C'est à dire qu'il est seul au club à pouvoir de signer les documents et de débloquer les fonds pour les mouvements de joueurs ou entraîneurs, au nom de l'Olympique de Marseille. Pour Pierre Dubiton, ce privilège, après l'avoir flatté, se révèle cadeau empoisonné. Bernard Tapie n'a plus le droit de gérer un club de football. Le directeur financier arrive à Marseille « où rien ne se passe comme ailleurs... Les frères Angeloglou sont en vacances, comme tous les Parisiens. Il y a comme une sorte de démission du chef d'entreprise. Je suis venu car l'OM est au bord de la catastrophe sportive. RLD veut Tapie. Le maire a demandé à ce que j'assiste pour gérer l'entreprise ». Stratégiquement, Dubiton qui n'est « pas le copain de Tapie » auquel [il] n'adresse pas la parole, est en place afin de maîtriser la boulimie de son directeur sportif.
Quand Tapie II arrive, il ne veut « plus un seul joueur de l'ancienne équipe ». C'est du moins ce que Pierre Dubiton pense pouvoir réaliser. Mais la réalité s'avèrera bien différente.
« Un pêché d'orgueil »
De son propre aveu, il n'interviendrait pas dans les négociations financières ; qu'elles portent sur les salaires ou le montant des primes et transferts. Il recevait des contrats dont les termes étaient déjà négociés. « Je passe mon temps à téléphoner à RLD ». « Je signe ce qui me paraît correct. Tout ce qui me paraît douteux, je refuse de m'engager et je téléphone à Robert avant. Ayant un passé de militaire, j'ai un certain respect de la hiérarchie. Je ne fais pas n'importe quoi avec l'argent de l'actionnaire » martèlera-t-il, comme pour combler sa solitude sur le banc étroit des accusés.
De fait, il apparaît que Bernard Tapie joue un rôle prépondérant dans les négociations. C'est lui qui va chercher Leboeuf à Chelsea, avec l'aide de Gilbert Sau. Pour combler le manque à gagner entre Marseille et Londres, BT a une petite idée. « Son statut de résident étranger devrait permettre de trouver une solution » Que voulait-il dire par là ?
Dubiton a déclaré avoir informé RLD qu'il « ne fallait pas faire Leboeuf car lui coûterait plus de 60 MF sur ses deniers personnels ».
RLD en a tellement marre d'avoir BT au téléphone, qu'il aurait ordonné à Dubiton de « faire le joueur ». « RLD me dit : voilà le mandat (administratif et financier) et débouse-toi avec Tapie. »
Il balancera Ceccaldi, qu'il traîtera de « stalinien qui a monté le dossier ». Il défendra un peu Gilbert Sau, à qui iil refuse de tout faire endosser. Par exemple,à propos du « rapatriement » de Tuzzio du Servette vers l'OM, transfert qui permettra de payer un complément de salaire occulte à Frank Leboeuf, « Est-ce que vous pensez que Gilbert Sau a toutes les compétences pour être le mandataire de l'OM et imposer des conditions ? Il n'y a personne au-dessus ? C'est l'autre (Tapie) qui organise tout. C'est pas Sau le patron ! Le patron, c'est RLD. Et RLD a peur de Bernard Tapie. Quand Tapie appelle RLD, il le mange ».
Le 19 mars 2007, un fax de soutien un peu tardif, est envoyé à Dubiton par Christophe Bouchet : « J'ai appris récemment que vous seriez le seul dirigeant de l'OM prévenu lors de l'affaire Tuzzio. J'ai informé moi-même le Parquet de ce dossier. Je sais que vous êtes le signataire exclusif de la plupart des documents, mais pas l'initiateur de toutes ces affaires »...
Alors Dubiton a joué son rôle de bouc émissaire à fond. Dubiton encaisse les coups. Mais il veut en donner. Parfois trop. Par exemple en début d'audience, où il s'est énervé et s'est fait presque menaçant envers le Ministère Public. Il fait son show habituel en racontant ses origines, insistant sur son bénévolat. Bénévolat sans doute relatif, à en croire Christophe Bouchet, dernier ex-président de l'OM : Dubiton aurait obtenu des notes de frais en dehors de toute convention, grâce aux frères Angeloglou, à hauteur de 120 000 pour « mise à disposition » de sa personne. « Si j'avais demandé le triple, ils me l'auraient accordé » se défendra-t-il.
Pour les documents qu'il a signés, il reconnaît ses torts. Mais son intentionnalité de participer aux ABS reste loin d'être démontrée. D'autant que certaines absences se sont déjà faite cruellement ressentir...
Les absents ont-ils toujours tort ?
A part les deux joueurs, Tapie, RLD, Ceccaldi, Bouchet et Bargas sont les grands absents de ce procès.
Les deux premiers en raison d'une enquête de police qui semble les accuser. Tapie semble gérer, de fait, les négociations ; comme Gilbert Sau pourtant prévenu. RLD, bien que délégant ses pouvoirs, signe les chèques, et avalise sinon ignore des opération occultes. Quelle réelle différence avec le procès des comptes de l'OM de la période Rolland Courbis, dont l'appel sera jugé le 18 juin prochain ?
Bargas, Leboeuf et Tuzzio sont les destinataires principaux des fonds et ne sont pas prévenus.
Ce matin, la défense a attaqué avec force virulence l'instruction du dossier, qu'ils estiment bâclée voire sélective. La véhémence avec laquelle l'avocat de Pierre Dubiton, Maître Dupont-Moretti a assailli le Ministère Public et au Président Turbeaux a eu le don d'énerver les intéressés. Au point de suspendre l'audience et de menacer d'une plainte auprès du bâtonnier.
L'évocation par l'avocat de Dubiton d'une rencontre entre ce dernier et Marc Cimamonti, le vice-procureur de la République, et celle de liens supposés étroits entre le Procureur Jacques Beaumes et RLD, résonnait comme une tentative de jeter d'emblée le discrédit dans le prétoire. Les échanges ont été très vifs. L'audience s'annonçait houleuse. Mais la défense, à la reprise, semblait avoir mis de l'eau dans son vin. Sans doute pour ne pas braquer le MP et le président de manière irréversible.
La citation à parquet est contestée, l'instruction aussi, on réclame la citation de Fransioli ancien directeur financier, on dénonce un réquisitoire non-signé.
L'avocat de Bargas, agent de Tuzzio lors du transfert vers Genève, parlera « d'apnée juridique, pour des raisons obscures ».
Maître Dupont-Moretti, avocat de Pierre Dubiton, parlera d'un « dossier carencé ».
Le Ministère Public a estimé qu'il était « seul juge sur le choix de poursuivre les prévenus. Il a décidé qu'il n'était pas nécessaire d'utiliser un juge d'instruction, ni mettre des mesures restrictives sur la liberté de sprévenus. Si RLD, Tapie et Ceccaldi n'ont pas été cités, c'est que les charges sont insuffisantes à un renvoi en Correctionnelle. On me fait le reproche d'voir eu des doutes. Et bien c'est pour cela que je n'ai pas poursuivi. Prouvez, monsieur Dubiton, que vous avez bien rencontré Marc Cimamonti ! Quand à l'absences de comptes à l'OM, on a les contrats entre les parties. C'est suffisant. »
Les bonnes phrases...
Me Dupont-Moretti, avocat de P. Dubiton
« On n'est pas dans un vol de mobylette, là ! Si dans une affaire comme celle-là on ne saisit pas un juge d'instruction... »
« On juge les comptes de l'OM mais on ne dispose pas des comptes de l'OM... Si on les apporte, ce sera dans une brouette »
« Monsieur le Président, je n'ai pas 4 ans, cessez ces méthodes caporalistes ! »
Le président V. Turbeaux lui répond : « Ecoutez, je ne suis pas Napoléon Bonaparte et vous n'êtes pas Joséphine de Beauharnais ... »
- Quand le Ministère parle, on la boucle, monsieur Dubiton. »
Vincent Turbeaux
P. Dubiton : « Bernard Tapie a profité des largesses qu'offait l'OM pour compenser son bénévolat !
« Un jardin? », réplique le Président.
- Le Pdt : »Vous savez que Gilbert Sau est agent de joueur ? »
Dubiton : « Je l'ai assez payé pour le savoir... »
« Je ne mens jamais. Je préfère mourir que de mentir. » P. Dubiton
« C'est Ceccaldi, comme le stalinien qu'il est, qui a monté le dossier »
- Au sujet de RLD, Dubiton ose la métaphore animalière : « un chat noir c'est un chat noir, c'est pas un lapin qui court dans la nuit ».
![[Image: 35d0nio.jpg]](http://i12.tinypic.com/35d0nio.jpg)