13-05-2011, 23:17
acte 1 : an orient, en oxydant
acte 2 : occis dans le Lorient express
Le front posé contre la vitre glacée, je regarde les gouttelettes se former, et se diriger vers mes yeux, à l’horizontale. Le vert breton en toile de fond, j’hume les senteurs de milliers de vies qui ont marqué cet espace de moleskine, antédiluvien, qui constitue la cabine transformable de ce train d’un autre siècle. « E péricoloso sporgersi »… j’avais oublié cet petit écriteau, maintenant que les vitres sont soudées dans nos TGV. Je suis seul dans ce box, et pose une énième fois mon regard sur ce billet de retour, et son frère, jumeau identique, qu’une inspiration incontrôlable m’a fait acheter, à plusieurs centaines de kilomètres de là…
Il s’est écoulé un certain temps, depuis notre dernière rencontre… en fait, je dois ma présence dans ce train à une émission de foot radiophonique, au rappel de la prochaine journée… j’ai soudain revu niang et ducasse, et surtout, la douleur est revenue, comme tout le reste, brutale, annihilant brutalement le semblant de vie que j’avais à grand peine reconstruit…
J’ai arrêté mon auto dans le parking de la gare saint charles, et sauté dans le premier train… courbis disait hier que lorsqu’une occasion se présente, savoir la saisir était la marque des « grands »…. Je veux grandir, je dois grandir… car je suis mort il y a presqu’un an… l’adulte que je refuse d’être doit apparaitre, ou laisser la place définitivement….
J’ai téléphoné, depuis l’entrée du wagon resto, et expliqué à son répondeur à la voix chantante que j’arrivais, armé de deux billets retour, et que je repartirai le lendemain, avec ou sans elle… avec elle… que vivre comme ça, sans lui dire à quel point j’ étais malheureux, et sans essayer une dernière fois, cela m’était impossible… bien sûr, je lui ai laissé mon numéro, et dit de n’appeler que si elle voulait repartir avec moi, que je n’avais plus la force de rester distant, et poli face à cette injustice qui me prive du bonheur, et de la vie…
Si elle a un minimum de jugeotte, elle évitera soigneusement son téléphone pendant les prochaines 24 heures. Mon coeur me dit qu'elle en a, mais que la raison n'a rien à faire ici.. c'est de l'alchimie, une affaire que rien ne peut dépeindre, autrement que par des termes ayant trait à l'irrationnel, à l'ésotérique... un lien invisible, magnifié par le temps et l'absence, et l'envie de le voir grandir...
En fait, on retombe encore dans le quantique : comme au début d'un match de foot, à ce moment là, toutes les solutions, toutes les hypothèses sont encore envisageables… le oui et le non cohabitent, ainsi que toutes les nuances disponibles ou envisageables… le OU est roi, l’OM peut encore être champion. Sauf que le moins que l’on puisse dire est que la solution ne dépend pas que de nous…
Tout au plus peut-on mettre les conditions de notre côté… en l’occurrence, l’entraineur de Marseille aura été inspiré d’être plus prévoyant et organisé que votre serviteur…
Du raffut, provenant de la coursive, m’arrache à mes pensées. Un golgoth passe en trombe, poursuivi par une bigoudène qui le supplie : «arrête Bouli, c’est du kouign amann, lâche le serveur, il n’a pas voulu t’étouffer… » . j’ai pas vu le serveur. Juste un pied défiant la gravité au bas de la porte fenètre, et un nouveau voisin dans mon box. Je ne l’ai pas vu ni entendu entrer, celui-là. Et ne le connait ni des lèvres, ni des dents. Il me regarde en faisant craquer les semelles en cuir d’un mocassin qui doit bien coûter un an de salaire… il a un sourire amusé, qui bien qu’énervant, reste avenant. Sauf que l’avenant, je l’ai pas dans mon contrat..
Et comme il se doit, au moment où je retourne avec délectation à ma future mélancolie, il commence.. et continue… blablabla… un bavard tranquille… intéressant, semble-t’il… il me parle d’un club, d’une idée directrice, et de pas mal d’autres trucs, mais je ne lui ai laissé que la façade, le reste prépare, enfin essaie de préparer le dialogue éventuel, si Elle appelle…
Et au fil de réponses évasives, et sous une pression habile, je me retrouve à déblatérer ma vie à cet inconnu.. il est fort… je me braque en plein élan, il enchaine comme si de rien n’était.. :
« si je devais faire preuve de pertinence, que diriez-vous de ceci : vous étes le roi des occasions ratées ! »
« pardon ? »
… une cascade de situations passées forment une sarabande instantanée, mettant la barre sur le T de sa démonstration … vraiment fortiche… mais je vais le mouch…
« Oh le C.n ! »
Mon inconnu vient de poser un revolver, un pistolet, enfin, un truc pas cool du tout sur la tablette entre nous, et laisse le silencieux dépasser du foulard, pour que le doute ne soit pas permis… de doute, je n’en ai pas, je suis dans la nasse, et je vois le pécheur… l’ accent me parle d’un coup, ce gars-là maitrise la langue de Molière, mais c’est un amerloque…
Je louche sur l’arme au ricain, mes pensées en mode braise, et le regarde interrogateur…
Il a les bras croisés, me jauge tranquillement.puis, sereinement, comme si un rendez-vous galant méritait d’y mettre les formes, il se lève et va fermer les rideaux du box, en me tournant le dos… je suis plein d’une glace liquide qui s’écoule dans mes veines… impossible de bouger…un aperçu de l’Effroi qui me laisse pantelant. Il se retourne, me regarde franchement, souriant de toutes ses dents… Il éclate de vie, la mienne a ouvert la fenêtre et roule sûrement dans le bas-côté avec ce qu’il me restait de rêves et d’énergie…
je vais mourir…
Il attrape le flingue, qui l’a attendu sagement devant mon nez tout ce temps… m’adresse un clin d’œil, sourit tristement, en disant sur un ton mielleux qui semble attendre une confirmation :
« convaincu ? encore une de ratée, mon ami… la dernière… »
Pop, pop….
Je suis allongé par terre, mes pensées continuent, malgré la moitié de ma tête étalée sur la moleskine… je plonge, les limbes m’accueillent tendrement, mais un truc cloche… là, mon téléphone… il clignote , face à moi… c’est Elle… c’est pas possible, pas comme ça..
Je vais la manquer, encore…
Et je ne risque pas de la retrouver au Walhalla, je suis mort sans arme à la main… pertinent ce gars, vraiment…
Tant qu’à tomber, la prochaine fois, ce sera les armes à la main….
Comme l’OM, peut-être, demain…
A suivre ?
dougue
acte 2 : occis dans le Lorient express
Le front posé contre la vitre glacée, je regarde les gouttelettes se former, et se diriger vers mes yeux, à l’horizontale. Le vert breton en toile de fond, j’hume les senteurs de milliers de vies qui ont marqué cet espace de moleskine, antédiluvien, qui constitue la cabine transformable de ce train d’un autre siècle. « E péricoloso sporgersi »… j’avais oublié cet petit écriteau, maintenant que les vitres sont soudées dans nos TGV. Je suis seul dans ce box, et pose une énième fois mon regard sur ce billet de retour, et son frère, jumeau identique, qu’une inspiration incontrôlable m’a fait acheter, à plusieurs centaines de kilomètres de là…
Il s’est écoulé un certain temps, depuis notre dernière rencontre… en fait, je dois ma présence dans ce train à une émission de foot radiophonique, au rappel de la prochaine journée… j’ai soudain revu niang et ducasse, et surtout, la douleur est revenue, comme tout le reste, brutale, annihilant brutalement le semblant de vie que j’avais à grand peine reconstruit…
J’ai arrêté mon auto dans le parking de la gare saint charles, et sauté dans le premier train… courbis disait hier que lorsqu’une occasion se présente, savoir la saisir était la marque des « grands »…. Je veux grandir, je dois grandir… car je suis mort il y a presqu’un an… l’adulte que je refuse d’être doit apparaitre, ou laisser la place définitivement….
J’ai téléphoné, depuis l’entrée du wagon resto, et expliqué à son répondeur à la voix chantante que j’arrivais, armé de deux billets retour, et que je repartirai le lendemain, avec ou sans elle… avec elle… que vivre comme ça, sans lui dire à quel point j’ étais malheureux, et sans essayer une dernière fois, cela m’était impossible… bien sûr, je lui ai laissé mon numéro, et dit de n’appeler que si elle voulait repartir avec moi, que je n’avais plus la force de rester distant, et poli face à cette injustice qui me prive du bonheur, et de la vie…
Si elle a un minimum de jugeotte, elle évitera soigneusement son téléphone pendant les prochaines 24 heures. Mon coeur me dit qu'elle en a, mais que la raison n'a rien à faire ici.. c'est de l'alchimie, une affaire que rien ne peut dépeindre, autrement que par des termes ayant trait à l'irrationnel, à l'ésotérique... un lien invisible, magnifié par le temps et l'absence, et l'envie de le voir grandir...
En fait, on retombe encore dans le quantique : comme au début d'un match de foot, à ce moment là, toutes les solutions, toutes les hypothèses sont encore envisageables… le oui et le non cohabitent, ainsi que toutes les nuances disponibles ou envisageables… le OU est roi, l’OM peut encore être champion. Sauf que le moins que l’on puisse dire est que la solution ne dépend pas que de nous…
Tout au plus peut-on mettre les conditions de notre côté… en l’occurrence, l’entraineur de Marseille aura été inspiré d’être plus prévoyant et organisé que votre serviteur…
Du raffut, provenant de la coursive, m’arrache à mes pensées. Un golgoth passe en trombe, poursuivi par une bigoudène qui le supplie : «arrête Bouli, c’est du kouign amann, lâche le serveur, il n’a pas voulu t’étouffer… » . j’ai pas vu le serveur. Juste un pied défiant la gravité au bas de la porte fenètre, et un nouveau voisin dans mon box. Je ne l’ai pas vu ni entendu entrer, celui-là. Et ne le connait ni des lèvres, ni des dents. Il me regarde en faisant craquer les semelles en cuir d’un mocassin qui doit bien coûter un an de salaire… il a un sourire amusé, qui bien qu’énervant, reste avenant. Sauf que l’avenant, je l’ai pas dans mon contrat..
Et comme il se doit, au moment où je retourne avec délectation à ma future mélancolie, il commence.. et continue… blablabla… un bavard tranquille… intéressant, semble-t’il… il me parle d’un club, d’une idée directrice, et de pas mal d’autres trucs, mais je ne lui ai laissé que la façade, le reste prépare, enfin essaie de préparer le dialogue éventuel, si Elle appelle…
Et au fil de réponses évasives, et sous une pression habile, je me retrouve à déblatérer ma vie à cet inconnu.. il est fort… je me braque en plein élan, il enchaine comme si de rien n’était.. :
« si je devais faire preuve de pertinence, que diriez-vous de ceci : vous étes le roi des occasions ratées ! »
« pardon ? »
… une cascade de situations passées forment une sarabande instantanée, mettant la barre sur le T de sa démonstration … vraiment fortiche… mais je vais le mouch…
« Oh le C.n ! »
Mon inconnu vient de poser un revolver, un pistolet, enfin, un truc pas cool du tout sur la tablette entre nous, et laisse le silencieux dépasser du foulard, pour que le doute ne soit pas permis… de doute, je n’en ai pas, je suis dans la nasse, et je vois le pécheur… l’ accent me parle d’un coup, ce gars-là maitrise la langue de Molière, mais c’est un amerloque…
Je louche sur l’arme au ricain, mes pensées en mode braise, et le regarde interrogateur…
Il a les bras croisés, me jauge tranquillement.puis, sereinement, comme si un rendez-vous galant méritait d’y mettre les formes, il se lève et va fermer les rideaux du box, en me tournant le dos… je suis plein d’une glace liquide qui s’écoule dans mes veines… impossible de bouger…un aperçu de l’Effroi qui me laisse pantelant. Il se retourne, me regarde franchement, souriant de toutes ses dents… Il éclate de vie, la mienne a ouvert la fenêtre et roule sûrement dans le bas-côté avec ce qu’il me restait de rêves et d’énergie…
je vais mourir…
Il attrape le flingue, qui l’a attendu sagement devant mon nez tout ce temps… m’adresse un clin d’œil, sourit tristement, en disant sur un ton mielleux qui semble attendre une confirmation :
« convaincu ? encore une de ratée, mon ami… la dernière… »
Pop, pop….
Je suis allongé par terre, mes pensées continuent, malgré la moitié de ma tête étalée sur la moleskine… je plonge, les limbes m’accueillent tendrement, mais un truc cloche… là, mon téléphone… il clignote , face à moi… c’est Elle… c’est pas possible, pas comme ça..
Je vais la manquer, encore…
Et je ne risque pas de la retrouver au Walhalla, je suis mort sans arme à la main… pertinent ce gars, vraiment…
Tant qu’à tomber, la prochaine fois, ce sera les armes à la main….
Comme l’OM, peut-être, demain…
A suivre ?
dougue
Rhoooo, ce qu'il vient de réaliser...il y a du Waddle dans ce garçon. @cétacé