16-06-2011, 13:40
Un billet de foot-fiction pour rire avant l’été, avant peut être de pleurer d’avoir été.
Une pluie de papelitos et de cotillons bleu et rouge strie la nuit étoilée et les visages en larmes des supporters en délire. Image terrible que celle de Lionel Messi allongé sur le terrain organique les bras en croix. Son génie toujours intact n’aura pas été au diapason de son physique désormais incertain. Ses genoux de synthèse à base de kevlar et cellules souches de tendon de léopard n’auront pas suffis, ni permis aux blaugranas de rafler la Super Coupe, même la chirurgie de pointe a ses limites. Les jambes régénérées de l’ex dieu du football ne l’auront pas porté vers une dixième victoire de rang. Le FCB a été balayé par l’armada de jeunes prodiges sud-américains naturalisés qataris et achetés à prix d’or pour l’équipe de la capitale. A noter que seul le gardien de but, bi national sénégalais, pouvait présenter un passeport français dans la formation rebaptisée QSG par l’émir et avec le blanc seing de Jean Sarkozy, nouveau maire de Paris.
Qui n’a pas ri n’est pas Qatari. Eh !
Mais tout cela n’était qu’un détail de la belle histoire et en touchait une sans en faire bouger l’autre aux supporters de la Ville Lumière, tous fiers comme des bars sans tabac ni alcool. Ils ne se lasseraient pas de revoir en boucle les images du capitaine du QSG brandissant la nouvelle coupe aux grandes oreilles relookée par le mythique designer Stark. Seule les grandes anses avaient été conservées et rappelaient l’ancien trophée. Une relique conservée dans un coffre suisse du musée Sepp Blatter.
« La France exulte, son représentant dans la Coupe d’Europe de la super Champion’s League vient de lui rapporter le premier titre de cette nouvelle ère. Rappelons que le titre et la coupe glanés par la ville de Marseille au siècle dernier, (ce club s’appelait L’OM pas sûr que nos jeunes lecteurs s’en souviennent) ne peuvent en rien être comparable en terme d’aura et de palmarès et appartiennent désormais à l’histoire antédiluvienne de cette compétition, définitivement rangés aux oubliettes poussiéreuses de l’histoire. »
Mai 2022, Dépêche QFP
Richard Ducon envoyé spécial pour l’Equipe-Al Jazeera. Magazine du groupe Qatar Fondation Press Agency.
Va te faire...
Je viens de balancer mon vieil ipad7, à travers la pièce, son constituant souple bien que de conception ancienne dégouline sans dommage contre la baie vitrée.
Ma gorge est serrée. Je suis au bord des lames.
Je me rappelle qu’on avait ri au début, puis beaucoup moins quand la Super League avaient vu le jour. Une ligue fermée appelée de ses vœux par tous les grands clubs européens. Deux places avaient été royalement attribuées aux clubs français sous réserve de payer un droit d’entrée à 150 millions d’Euros. LE QSG n’avait eu aucun mal à payer son ticket. Le LOSC et L’OL avait fusionné en famille et grillé L’OM pour la seconde place qualificative. La holding OM Soccer dont avait hérité les frères Louis Dreyfus finit par faire faillite et le club fut vendu dans la foulée pour une bouchée de pain et une double pression à froid à un consortium régional de producteurs d’huile d’Olive.
Mon club adoré jouait désormais en Ligue française un équivalent de National européen. Cette année nous avions échappé de peu à la relégation en battant le Pool Breton Gymnase Club au MMA Vélodrome au deux tiers vide.
La majorité des supporters de la nouvelle génération s’étant rabattus depuis belle lurette sur le seul club français compétitif arborant une Tour Eiffel sur son blason. Juste une flamme avait été rajoutée au dessus de la dame de fer en référence aux forages du désert.
Des « Paris est magique » s’entonnaient régulièrement dans les rues jusqu’à sous mes fenêtres. Je me rappelle avoir eu mal au fondement plus d’une fois et haussé les yeux au ciel pour espérer un déluge de bouse. Une part de moi résistait encore à la Saint Germain mania, mais je sentais bien que la foi s’étiolait jour après jour tellle une ruine antique et qu’à mon cœur défendant, je pouvais tomber du coté sodomite de la force.
Quand je me sentais flancher, je relisais de vieux éditos d’Opiom stockés dans le Cloud, je parcourais le forum des temps immémoriaux où des smileys baveux ponctuaient les Comptes rendus de Match. Je me disais que Mama Cass ne m’aurait jamais pardonné et Ange Frana non plus.
-Resiste prouve que tu existes , le dernier édito signé Caveman datait de Juin 2014.
Keyser, transfuge opiomane avait rejoint les sites all stars à la gloire du QSG. Cétacé avait pris sa retraite, Elephant s’était tourné vers le mysticisme et projetait une carrière de moine Shaolin dans un monastère mixte, Haydjan avait perdu son sixième sens: le goût de rire, Espigoulien ne voulait plus entendre parler de foot et avait ouvert un blog de mots croisés, Le_filtre en guise de désintoxication avait décidé de supporter Evian, Oc n’avait pas voulu éponger les dettes et le forum avait fini par fermer.
Une poignée de notes de Seven Nation Army jouées au xylophone me sortirent de ces sinistres pensées.
Mon Ipad tout chiffonné se ralluma soudainement, sa matière souple translucide devint bleu fluo avant de se raidir et retrouver la forme plane et l’aspect d’une ancienne feuille de format A4.
Tiens donc, une Breaking News associée à L’OM?
C’est moi qui avais activé cette alerte des années auparavant. Elle n’avait guère servi tout ce temps et j’avais même failli oublier son existence. Je ne daignais pas me lever et par commande vocale, exigeais de mon appareil qu’il me lise l’info.
La voix féminine synthétisée de l’Ipad m’apprit que L’OM allait être racheté par un Groupe d’investisseurs Chinois.
Quoi ?
Je me redressais sur mes coudes, et demandais à la machine d’hausser le volume.
Une équipe de feu essentiellement composée de stars devrait voir je jour dès l’année prochaine. Zidane quitterait ses fonctions d’entraîneur du Réal Madrid et serait intronisé directeur Sportif. On ne donne pas cher de la place de Stephane Mbia actuel entraîneur de l’équipe. Le retour de "DD La Gagne" sur le banc est évoqué avec insistance. Les chinois réinjecteraient aussi de quoi réhabiliter le stade laissé à l’abandon depuis des années faute de crédits et d’affluence. Le nom vélodrome serait définitivement oublié pour un nouveau naming.
L’enceinte du Boulevard Michelet deviendrait selon les sources soit le "China Mobile Stadium" ou le "Tsingtao Aréna".
Le logo OM aussi serait repensé dans le style d’un idéogramme mandarin, la conservation in extenso du nom Olympique de Marseille et des couleurs originelles du club sont en discussion. La mairie est prête à un compromis pour retrouver la Super Ligue et redorer l’image de la Ville.
Je grimaçais à peine, curieux d’entendre la suite.
Grâce à ces providentiels investisseurs chinois, L’OM reviendrait donc sur l’avant-scène à l’horizon de la prochaine coupe du monde organisée dans l’Empire du Milieu. Un retour aux sources en quelque sorte (sic) pour ce Club. On attend beaucoup d’effervescence dans les prochaines heures du coté du centre d’entraînement Vincent Labrune, ex RLD, ex Commanderie les plus anciens s’en souviennent peut-être. Conclut malicieusement l’auteur du papier.
Mon Ipad retrouva la consistance et la couleur translucide de la gelée me signifiant qu’il s’était déconnecté et que je ne saurais rien de plus pour le moment.
Ni une, ni deux. J’ai sauté en l’air, couru dans l’appart comme un chiot en jappant ma joie, fouillé mon tiroir à la quête d’un vieux maillot floqué Lucho, j’ai ressorti l’écharpe du titre 2010 et mon mug à l’anse ébréchée, le logo OM était presque effacé. J’ai gueulé comme un veau et pour fêter ça, j’ai fourré un seau de knaki-ball lyophilisées dans le micro-régénérateur, sifflé deux gélules de bière malgré mon cholestérol et les 3 bips rapprochés de mon implant médical obligatoire qui me rappelait à la modération …
L’OM renaissait, tel le phénix. Moi aussi, et tant pis pour le nom du Vel' et toutes les chinoiseries. Je veux bien vendre mon âme au Diable. Et plutôt deux fois qu’une ! C’est moi qui fais une affaire ! Mon âme vaut plus que dalle. Mon âme a été broyée, roulée dans la farine et passée au chinois depuis des lustres. La gagne n’a pas de figure juste un poing vengeur. Je m’en fous de tout ça, je m’en bas les valseuses, je veux espérer de nouveau, respirer de nouveau, emplir mes poumons de l’odeur de la fierté retrouvée.
Je veux rêver, encore et encore, le rêve c’est ce qui reste quand on a tout perdu.
Le droit au rêve, c’est l’opium du peuple. bouse!
Alertée par mes cris, ma rousse Pénélope sortit de la salle de bains où elle se faisait une couleur, la troisième fois cette semaine, la phobie des cheveux blancs la gagnait même si les années n’avaient en rien fané sa beauté préraphaélite.
Je lui pris la taille et l'entraînai dans une valse guillerette au milieu du salon tout en lui expliquant la cause de ma soudaine euphorie.
Tout ça, pour elle, c'était du chinois.
Elle m’opposa une fin de non recevoir et un sourcil teint froncé en accent circonflexe.
Enturbannée dans une serviette éponge, elle me rappela sèchement que l’info du jour était que le gouvernement avait encore rallongé l’âge de la retraite. C’est pourquoi ma joie lui paraissait tout à fait obscène. Elle rajouta que si je reprenais une bière et des saucisses en poudre, la puce de mon implant médical l’enregistrerait et communiquerait illico les données au serveur du Comité de surveillance de Santé. Je pourrais dire tchao à ma couverture sociale et à mon boulot. Fin de la valse, elle me planta au beau milieu du parquet flottant autonettoyant et tourna les talons avant de faire volte-face.
-"Encore une chose", précisa-t-elle en frictionnant sa tignasse de feu. "Si l’OM et les soirées foot revenaient dans notre vie, je partirais avec le premier pékin qui passe."
Je souris, décidément le bon temps était revenu, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes…
En cas de morsure de vipère, sucez-vous le genou, ça fait marrer les écureuils