27-01-2012, 19:04
Rattraper le temps perdu à l’instar d’Ulysse retrouvant Pénélope, grignoter son retard comme Bouli un seau de Knakis, remonter la pente à l'image d' un grimpeur au régime sans selle, prendre le bon wagon pareil au dératé en correspondance, aligner des points pour en découdre selon le paradoxe du retoucheur, retrouver les sommets tel l’ascensionniste voyant la pointe de l’Annapurna au bout de ses doigts gelés… La tâche est immense que de laver l’affront de cet été indien où l’OM laissa tant de plumes.
Toujours rien. Bon ? Je continue :
Pur-Sang olympien au galop ne saurait cabrer ! Le cheval de remonte passe cette fois par la route de Lorient et il faudrait éviter toute vilaine chute après Lille. Blague à part il s’agit de bien rester ferré car L’Ille et Vilaine n’est pas un havre de paix et il serait fâcheux d’y lâcher les rênes…
C’est bizarre quand même ?
Oui c’est vraiment bizarre autant qu’étrange car je concocte l’édito du match contre les Rennais et rien ne vient troubler la pérégrination de mon inspiration aux accents chevaleresques qui trotte placidement sur quelques rives bercées par le ressac atlantique.
Pas de voisin aux ingressions intempestives.
Pas de Pénélope aux textos ravageurs pour ma faculté d’oubli. Mon chat, Luis Oscar, n’a pas rendu ses croquettes à la morue sur le tapis du salon. Pas de match télévisé pour squatter ma part de cerveau disponible.
Voilà que tout ce calme apparent m’interpelle.
Je quitte mon clavier pour toiser la ville par la fenêtre. L’après-midi se meurt doucement. Les lueurs naissantes des rues partent en chapelet scintillant sous le crachin d’hiver. Rien à signaler à l’horizon. La démarcation rose pâle du ciel se dégrade bientôt en indigo sombre. Un soir comme un autre sur la planète Terre.
Pourtant, allez savoir pourquoi, je me surprends à méditer sur le sens de la vie. Et pour tout vous dire je me sens un petit peu con d’avoir comme préoccupation impérieuse la victoire de l’OM à Rennes.
C’est vrai quoi !
bouse, l’essentiel est ailleurs, me dis-je en mordillant les peaux mortes de mon pouce et en retenant une première envie d’uriner.
« Tdfghzjkdlsmqu ? ZZz » » ??», s’exclama l’avatar extra-terrestre au visage blafard et à l’œil carré qui se colla subitement à ma vitre.
La créature avait surgi de nulle part et semblait ne faire qu’un avec son astronef extra plat. Je ne sus que répondre devant cet étrange dialecte et concurremment une chute de tension me glaça le sang et les os dans un spasme sans cri.
C’est au bord de l’apoplexie que je fus happé en passe-muraille de mon bas étage, enlevé au nez et à la barbe de toutes lois gravitationnelles, satellisé et propulsé vers des altitudes troposphériques.
Je m’envolais par delà les nuages, ma peur avec.
Faut dire, c’est beau la terre d’en haut.
La belle bleue tournait sur elle même, l’océan cobalt ressemblait à une peau d’orange, le relief des montagnes à du kraft froissé, les forets à du chou-fleur aplati, sur son hémisphère boréal les rayons obliques du soleil laissaient des anneaux concentriques se déformant en ellipses de feu devant mes yeux ébahis. Puis, après un volte-face gracieux vers la nuit astrale, je vis devant moi la lune en son croissant d’argent et la voie lactée comme un lâcher de cendres. Mon corps avait la densité d’un cumulo-nimbus et mon esprit baguenaudait délicieusement dans ce roulis cosmique.
Je tanguais à la belle étoile
Je valsais dans l’apesanteur céleste
Je me berçais d’illusions astronomiques dans un vortex sans fin
Sans fin…
Enfin presque j’ai eu envie d’uriner.
Le quart de seconde de stupéfaction passé, c’est sans grand plaisir que je me retrouvais le menton planté sur mon clavier.
Les lettres : « Tdfghzjkdlsmqu ? ZZz » » ??» s'affichaient clignotantes sur ma page de traitement de texte, une fenêtre inopinément ouverte avec Google Earth qui tournait en boucle sur un coin d’écran, mon bureau sans dessus-dessous et la lampe de bureau au bras articulé de traviole se reflétant en anneaux concentriques dans une flaque de café renversé, tout comme le cendrier dont les restes en suspension voletaient en tous sens sous mon œil hagard.
J’émergeais de ma position fœtale et me redressais péniblement à la réalité, tentant de plier mes doigts exsangues restés coincés en tétanisante posture.
Non, non, non … ! Susurrai-je dans le vide. Je ne voulais pas redescendre, j’étais bien là haut dans mon échappée sidérale, sans poids ni lois, sans tracas ni conscience, dans ce demi-sommeil du juste planant au dessus du monde.
Mais toutes les choses ont une fin* surtout les bonnes.
Me revoilà chez moi, ma moquette fume à cause d’un mégot mal éteint, mon ordi bugue à cause d’un café corrosif, mon jean à 200 boules est foutu à cause du même café, mon mug est un peu plus ébréché à l’anse, j’ai la joue marquée comme par un moule à gaufre, j’ai plus de Doliprane, des fourmis mangent ma main droite ankylosée et des étoiles pointues se plantent dans mon cerveau soudain pris pour cible par un inconscient ninja dépressif, sans compter le fait que je doive impérativement aller aux toilettes.
Joli classement somme toute.
Je suis dépité. Je voudrais remonter là haut, faire la navette, redevenir un ballon sonde, partir en super constellation pour oublier encore une fois.
Oublier que des enfants se flinguent les bronches à délaver mon jean ultra-tendance, qu’on trouve des kalachnikovs au coin de ma rue, que les pôles fondent aussi vite que mes économies, que je dois voter aux présidentielles, que Miss France est contre la misère, l’hypocrisie et le racisme, sans oublier la guerre et la faim dans le monde, que Bouli se goinfre de saucisses un étage plus bas, que Pénélope n’est pas revenue, que L’OM doit gagner à Rennes...
Après j’ai laissé pisser.
Je veux rester remonté. S’il te plait monsieur, dessine moi un rêve.
Fly
* Sauf la banane qui en a deux. On sait. Merci Haydjan.
En cas de morsure de vipère, sucez-vous le genou, ça fait marrer les écureuils