22-11-2010, 10:41
Cest donc avec un gros quart dheure davance que je poussais les portes de lEden. Lendroit était plutôt hype, style déco industrielle, béton ciré et colonne en briquettes new-yorkaises, un alignement de suspensions diffusait un halo jaunâtre sur les tables en alu brossé, contrastant avec la lumière cotonneuse bleu-cyan des néons du bar qui occupait tout lhorizon du fond de salle.
Sans doute une allégorie à lazur céleste, pensai-je, louant limagination débordante des décorateurs dintérieur, et cherchant une place de libre.
Lendroit était pas mal bondé, mais à la faveur du départ opportun de deux jeunes punkettes aux crêtes indigo, je dénichai une table pour deux.
Lune dentre-elles ne put sempêcher de me toiser de pied en cap et sous ses sourcils percés danneaux enchevêtrés (une bonne dizaine dolympiades en comptant les narines), son regard en disait long sur le fossé des générations.
Son jugement définitif sur ma ringardise ne faisait pas un pli.
Le préjugé étant un travers très bien partagé, jimaginais plus tard la rebelle chef de produit chez Jacob Delafon, boudinée dans un tailleur Kookaï, au volant dune Micra mandarine métallisée, une Bluetooh greffée à loreille en train de louer la qualité de leurs pissotières dautoroute.
Je masseyais.
Lambiance sonore était celle dun hall de gare et je mattendais à tout moment à une annonce pour un train en partance. Un train que jaurais pris dare-dare si je navais pas rendez-vous avec Pénélope.
Un garçon dans un tee-shirt officiel Eden-Café aux motifs de circuit imprimé en surpiqures se faufila entre les tables avec la grâce dun papillon argenté.
Il acheva son slalom par un arrêt précis, pieds en T, devant moi.
Je vis alors quil portait des rollers enjolivés dailes chromées aux chevilles et appréciai tout autant sa dextérité que lidée rigolote danges messagers du paradis transformés en robots glisseurs.
Je lui signifiai cependant que jattendais quelquun.
Lange mannonça mécaniquement que je devais commander quand même.
Son annonce navait rien dangélique et me trouva fort marri. Je persévérai et lui proposai de revenir.
Le serveur bloqué ne voulut rien savoir.
Je fis remarquer au garçon de café droïde version bêta que la règle de politesse consistant à attendre son convive pour commander me semblait élémentaire.
Il se retrancha derrière les consignes venues den haut.
Je moffusquai en imaginant lEden moins bas de plafond.
Il me rétorqua quà partir du moment où jétais assis, je devais commander. Jeus la désagréable impression de converser avec une machine rudimentaire dont lI.A tenait sur deux lignes de programme.
Un dialogue de sourd sengagea entre lengin à roulette et moi qui déboucha au final sur la commande dun verre deau.
- Avec ou sans bulles ?, répondit R2D2 avec lamabilité habituellement attribuée à lhuis des geôles.
-Plate avec cent bulles.
- Avec et Sans??? (ERROR FATAL ERROR FATAL ERROR .FATAL) Le droïde bugga sévèrement.
Je lui expliquai que je souffrais arithmomanie sur létat des substances aqueuses gazéifiées et que sil ne pouvait me garantir une quantité exacte de bulles multiple de 100, joptai pour « sans ». Sans hésiter.
Le garçon haussa ses yeux lunettés au ciel et enregistra plate sur son pavé tactile quil portait en bracelet et déguerpit en back-slide suivi dun U-Turn absolument parfait pour se remettre dans le bon sens.
Je larrêtais net dun « Hep ! » bien timbré. Il évita de justesse un de ses collègues à roulette qui apportait des cocktails à la table voisine et revint vers moi.
- des glaçons », ajoutai-je.
R2D2 se piqua de faire un peu dhumour en me demandant si javais un nombre précis en tête, 2, 4, 6 peut-être ! Je rétorquais que mon arithmomanie ne concernait pas leau réfrigérée.
La réponse était donc peu importe. Je pouvais même accepter un chiffre impair. Il hocha la tête poliment comme prévu dans son cervelet cybernétique et repartit en marche arrière dans son style agile toujours aussi exaspérant.
Alors quil amorçait son demi-tour avec grâce, je le hélai de nouveau.
Cette fois leffet de surprise joua à plein et il névita pas le choc avec son confrère à roulette.
Ce dernier partit en toupie avec son plateau à cocktails, déclenchant un arrosage automatique au Bloody Mary.
- Et avec du pastis ! », lançai-je.
R2D2 maculé de tomate me jeta un regard laser qui transperça mon indifférence.
Pénélope était en retard et cela ne métonna guère. Je pensais furtivement que javais oublié de poster mon édito sublime.
Mais javais encore le temps.
Dehors il pleuvait des cordes pour se pendre.
Javais déjà descendu deux pastagas et un ramequin dolives vertes fourrées aux anchois
Une punaise denvie de fumer me tenailla le cortex, mais je ne pouvais stratégiquement pas lâcher la table.
LEden était plein comme un uf.
Et nonobstant la météo inadaptée à la clope sur le trottoir, mon nouvel ami R2D2 nattendait que de me voir déguerpir pour refourguer ma place.
Jessayai doublier le manque en baladant mon regard de table en table parmi la foule anonyme.
Une pérégrination hypnotique bercée par un remix trip-hop indigeste tombée des nues de lEden.
Une ambiance lounge, concoctée par un DJ sous Xanax, une mélopée autocollante qui emmaillotait de son ouate le brouhaha des voix humaines.
Je ne saurais vous expliquer les circonvolutions de limaginaire, ni les chemins vicinaux empruntés par mes pensées inconscientes; toujours est-il que cette musique dascenseur, dotée de pouvoirs psychotropes malins, me montait à la tête alors que jattaquais mon troisième pastis.
Mon regard vague porté par lécume anisée se mit à surfer sur le rivage abracadabrant des mondes parallèles.
Sournoisement mais sûrement; jhallucinais.
Ce qui mamena naturellement à considérer ces visages inconnus comme autant davatars tout à fait familiers. Jaurais pu mettre un nom sur chacun dentre eux :
[FONT="]
La famille de la fumerie sétait donnée rencard sous mes yeux éberlués. [/FONT] Là-bas le type en polo Callaway qui expliquait à grand renfort de gestes tel un Gatsby magnifique comment déloger une balle de golf dune décapotable à coup de sand-wedge, cétait Oc ! Non loin de Paddy, son dernier mot au serveur débouté par Fanfarlo devant lImerle moqueur faute de Mr Grieves. De lautre coté dOld Trafford, se régalaient Kornog et Monsieur Kénavo découvrant une spécialité de Bouillabaisse. Le gars hilare qui sattablait avec sa petite famille sous des ponchos de fortune en sac poubelle et « trempé jusquà mes coroñes- dixit le papy. Cétait Haydjan pour sûr. Dans le clic clac, Kodiak, Lecquois ou quest-ce Kezako ? Il y avait aussi les K à part, Kdom93, Kokopelli, Kr1Dg1, qui lançaient des Paris avec Ricky, Raï et NilS. Puis aussi Le Filtre polarisant sur sa manette de PS3 fracassée un soir avec Lengaste, là-bas pas loin de Sally Marcel Freedom qui écrivait son nom sur le mur où se lamentaient Dragnir et Keyser consolés par 26 Mai 93 qui navait pas le choix dans la date, alors que F.Braudel de Pigeon restait dans les annales. Foutcheubol et Souley jusquau Ras le bol aussi par la musique lounge autant quAnikulapo pas prêt de virer son Kuti. Il y avait aussi Dougue qui courrait tel lHomme de Samatan et passait Razibus sans perdre son Benar vers la buvette du paradis où Dune pila des glaçons pour Darkfly51 et El Chi gnôle en main adossé à Cloison Plâtre. Diegogo home, Omer2, déjà ? Ou est-ce pour mieux Revenir13? Je vis Miki qui rit de Xigh, jouant du clavier qwerty de Macbou, un détail pour EFC très à laise au pied de la lettre. A létage Godfather like Usual conspuaient la carte et marquaient leur territoire tel Aboss. Mr Crapo samusait du nouveau Poulpazoïde dAqwarium flottant sur le verre de DeepBlue parti vers Mars. Puis déboula Tofinou, vous, eux, toi, et tous ceux qui en veulent Madhino, Omalaviealamaure, de la région de Mazargues à Peniscola, en passant par Kalamata, jusquà Stern et la bonne étoile que lOh Aime tend à Supernova. Ils sont tous là les enfants de Mama, les vieux de la vieille, Gamba, et Boban 13, Hellborg, Vinz et Vorondir, ça va sans dire, Ralphd, Talbs, XavierG et Markom, Cyrs arrêtant son Syrc, Jeroemba, Papaver, Baka for ever et Survivor, Caligula et sa sur, Jimmiz, Mathildien, le bon Olorin et sa dame elfique, et tous ceux que je ne cite plus pour lavoir beaucoup fait et ceux que je ne cite pas Pardon !, parce que le nombre de caractères dun édito est cyniquement compté et que ma mémoire à linstar du name-dropping a ses limites.
Elle mapparût dabord en effet kaléidoscopique par le jeu conjugué des reflets sur la vitre brillante de pluie et le lent pivot de la porte à tambour.
Elle se tenait dans le sas dentrée, au seuil de lEden, je laurais reconnue entre mille, dégageant la capuche de son manteau trop chic pour être imperméable.
Elle se risqua ensuite dun pas timide, considérant lendroit dun air de madone auréolée par londée. Elle secoua délicatement ses cheveux mouillés dans la lueur turquoise du bar et jeus la vision subliminale des ailes frissonnantes dun ange sébrouant dans lEden; un ange véritable. Pas un ersatz à roulette.
Le seul ange que nait jamais vu le paradis.
Cétait Elle.
Cétait
-« Pénélope saleté !, sécria le chur des opiomanes susnommés.
-« Non ! Non, déconnez pas !, clamai-je à la cantonade.
Je vous demande de vous arrêter ! Vous êtes lourds là ,», suppliai-je avant de mapercevoir que je parlais tout seul, seul debout parmi les tablées, soliloquant tel un demeuré sous le regard mi gêné mi goguenard de parfaits inconnus.
Pénélope repéra mes gestes sémaphoriques quelle imagina lui être destinés et se fraya un chemin jusquà moi.
-Je suis trempée, me dit-elle en arrivant à ma table.
Je ne pouvais rêver meilleure entrée en matière.
Sinon je vous passe les inévitables avant-propos de politesse chiants à mourir où il est question pêle-mêle de la santé de chacun, de la climatologie déglinguée, du tri sélectif, des copains mariés, des divorcés, du tri sélectif donc, de la couleur de son pull, de la blancheur grandissante de ma pilosité et du dernier Woody Allen.
Nous bouclâmes finalement le dernier cercle concentrique des civilités qui tournent autour du pot et en arrivâmes enfin à la confiture. Nous.
-« Jai bien aimé ce que tu mas envoyé. Merci, me dit-elle en ramenant ses cheveux derrière ses oreilles.
Je suis resté stoïque. Jai perdu mon regard dans le sien tout en sirotant un peu de pastis pour me donner un semblant de contenance. Mais soyons clair je ne savais pas du tout de quoi elle parlait.
« Ça ma touché vraiment continua-t-elle.
Je souriais, mais nen menais pas large.
Mon téléphone vibra dans ma poche intérieure et ce fût une espèce de petit miracle de diversion. Bouli mappelait.
Il tombait à pic celui là.
Je mexcusai auprès de Pénélope lui signifiant que je navais pas dautre choix que de répondre.
Je me levai et méloignai de quelques pas, le portable plaqué sur loreille droite, lindex enfoncé dans lautre.
-« Je voulais te demander un service commença Bouli
-« Cest quoi cette histoire! Tu ne mas pas tout dit ? Tu as répondu à Pé à Eve ?, le coupai-je.
Bouli mexpliqua quil avait juste renvoyé un morceau de musique en fichier MP3,
« Aint No Sunshine When Shes Gone La version Live de Bill Whiters au Carnegie Hall pas la reprise de Mickael Jackson époque Motown, précisa-t-il. Tu connais lhistoire de cette chanson lors de l'enregistrement, Withers travaillait à l'usine comme »
- « Stop Bouli. Jai compris.
Mais Bouli était intarissable lorsquil parlait de musique noire américaine des 70. Sa connaissance de la Soul était encyclopédique. Il continua son récit alors que je regardais Pénélope en coin, genre type agacé par son interlocuteur mais qui na pas le choix. Jen savais plus que nécessaire.
« Merci Bouli. Pardon ? Oui Eve2chezEve, elle est b intéressante. Bouli mannonça que lui et Dondon27 cétait comme un coup de foudre foudroyant. « Je suis content pour toi Bouli mais... Quoi encore ? Sil restait dans mon frigo des Knaki Balls de la dernière fois histoire de fêter ça ? Je crois bien oui mais fais gaffe à la date de Clic péremption. »
Bouli avait déjà raccroché. Question Knaki Balls, il était également intarissable le Bouli.
-Désolé, cétait ma mère !, soupirai-je tout en me rasseyant en face de Pénélope.
-Comment va-elle?
Il était hors de question de parler de ma mère. Jembrayai direct sur Aint No Sunshine quelle avait tant aimé. Me surprenant en mon for intérieur à féliciter Bouli pour cette initiative.
- Tu sais que lors du premier enregistrement de la chanson, Whiters bossait encore à la chaîne dans une usine fabricant des sièges de toilettes pour des Boeing 747.
Il avait initialement l'intention d'écrire davantage de paroles pour le passage où il répète l'expression « I know » vingt-six fois, mais les autres musiciens lui ont conseillé de laisser la chanson en l'état. Amusant non ?, dis-je, répétant sans vergogne lanecdote narrée par Bouli. Et tout à fait satisfait de mon petit effet.
Il y eût comme un blanc.
- Manque plus quun Jingle, dit-elle sans se départir dun sourire à tomber par terre. Tu me fais quoi là au juste? Le coup de lAnimateur radio, mélomane vintage tout content de son intro décalée?
Glups !
-Rassure-moi, tu ne chercherais pas à mimpressionner avec une répartie de disquaire?
Oups et Glups.
-On se dit un truc pour ce soir, si on essayait juste dêtre nous-même?, poursuivit-elle.
Le sens de la répartie de Pénélope était pour moi dun sex-appeal indiscutable, bien plus que son sourire ravageur, ses yeux vert-noisette en amande, ses boucles vénitiennes ou la perfection extraterrestre de sa rotondité mammaire. Enfin tout autant.
Illumination.
- Si je commandais du Champagne ça timpressionnerait plus?, proposai-je.
Elle me conforta par un sourire radieux et affirmatif.
Ouf.
R2D2 fût convoqué pour la mission. Je demandai la carte des champagnes. Le choix fût vite fait. Il ny en avait quun dispo daprès son bracelet tactile. Mais R2D2 tiqua et je pus aisément imaginer quelques diodes alarmées agiter son intellect binaire. La vérité cest que le droïde à roulette était terrorisé à lidée que je comptasse les bulles de Veuve Clicquot, il dégagea illico toute responsabilité quant à la probabilité dun multiple exact de 100 par bouteille. Je le regardai comme sil était tombé de la lune, faisant mine devant Pénélope de ne rien comprendre à ce que racontait ce pauvre garçon.
Elle eût du mal à contenir un début de fou rire.
Je laissai R2D2 délirer à pleins tubes sur larithmomanie gazéifiée relative au Champagne.
Cétait trop bon de la voir rire.
Et selon le précepte Femme qui rit
Ce fût une soirée délicieusement émoustillante, avec lâché de phéromones sauvages.
Nous sifflâmes deux ou trois Veuves avant de réclamer la note (multiple de 100 que je réglai dun il presbyte et aviné, mescrimant à insérer ma carte dans lavant-bras clignotant de R2D2 au détriment du sabot quil me tendait). Nous vidâmes les lieux, bras dessus bras dessous en riant aux anges. Jembrassais Pénélope à pleine bouche sous lenseigne lumineuse de lEden.
Une voiture en trombe sous les trombes déclencha un tsunami sur notre passage et nous rîmes de plus belle, inondés dun bonheur dégoulinant.
Nous pataugeâmes dans les flaques comme des enfants terribles. Nous piétinâmes dimprobables anguilles fluorescentes et autres serpents trop tentants reflétés par les néons du paradis.
Notre désir était si brûlant que même les gouttières débordantes ne purent le refroidir.
« Et si on » Le reste de la phrase expira dans mon oreille. Après elle grignota mon lobe.
Nous nous frottâmes lun à lautre avec lardeur des amants affamés sous londée redoublée. Ça devenait chaud bouillant. Une escadrille de canadairs naurait pas suffi à éteindre le feu rejailli de lancien volcan.
A la faveur de ma porte cochère, je la plaquai contre le digicode, soulevai son manteau et plongeai mes doigts dans sa
Arcbouté à la rampe de mon pallier, je fouraillai fiévreusement mes poches alors que Pénélope dévorait mon cou, cramponnée à la manière dun koala lubrique. Je réussis à extirper mes clés et ouvris la porte de lappart.
Chaque seconde séparé de ses lèvres devenait un supplice. Nous déboulâmes dans ma chambre à reculons, reconstituâmes cette créature bicéphale mi homme mi femme pour la énième fois depuis la nuit des temps, nos bouches toujours aimantées, nos corps toujours enlacés, nos poitrines toujours greffées, battant à lunisson dun même cur emballé.
Nous nous débarrassâmes à la hâte de nos manteaux trempés par des gestes emphatiques et maladroits dans la pénombre avant denvoyer valser nos oripeaux par dessus-tête.
Cest à moitié nu que nous atterrîmes dun plongeon dorsal sur mon lit où il était douillettement question de chavirer dans lextase dune étreinte siamoise.
En lieu et place de lamortissement moelleux de mon sur-matelas en plume doie et du nirvana annoncé, je tombais sur un os.
Un os tout dur et cagneux.
Un os qui bien sûr ne mappartenait pas, pas plus quà Pénélope.
Javais un gros genou en travers des lombaires.
Pénélope se tendit sur son string. Bouli se réveilla en sursaut et lâcha un son rauque dans sa tessiture proche de linfrabasse. Pénélope se mit à hurler en cachant ses seins. Bouli se redressa contre la tête de lit.
Je me dépêchai à tâtons de trouver linterrupteur du chevet et me rendis compte quune autre personne occupait ma couche. La lumière allumée me révéla la présence dune créature échouée et baveuse sur mon oreiller qui sappelait à coup sûr Dondon 27. Pénélope hurla de plus belle. Bouli tenta de mexpliquer. Dondon souleva une paupière adipeuse. Pénélope montait dans les tours. Bouli me regardait avec un air de veau désolé. Dondon émettait des borborygmes improbables dun monstre marin proche du morse. Je ne savais plus ou donner de la tête.
Le cauchemar absolu.
Pénélope recouvra à peu près ses esprits, et furax se leva dun bond pour se rhabiller. Je tentai de la retenir. Elle me traita de gros vicelard partouzeur zoophile.
Comme quoi je lui aurais tendu un piège dégoutant.
Je sentis le coup venir.
Lanticipation par recul express du buste me fit éviter de justesse la gifle de lange exterminateur.
Le coup ne fût pas perdu pour tout le monde. Bouli se mangea la tarte pleine poire.
Pénélope récidiva, comme je my attendais encore, rotation rapide du cou vers larrière et cest le morse à peine ranimé qui prit cher. Dondon, le regard révulsé et tournant, retomba comme une masse. Pénélope agacée et un peu trop pompette pour être efficace dans son dernier geste, préféra en rester là et déguerpit talons à la main. Quelques noms doiseaux fusèrent avant le Big Bang de la porte claquée qui sonna le glas dune renaissance sentimentale et dun rapport sexuel cosmique.
Un ange passe.
Je me retrouvai planté une fois de plus.
Dénudé dans mon lit, encadré par mon abruti de voisin et une espèce déléphant de mer aux ronflements insoutenables.
Jenrageai.
Je ne voulais plus personne chez moi, plus de Bouli, ni du monstre marin.
Nonobstant le fait quil était hautement question de récupérer lusage exclusif de mon lit à 4H du matin, je devais confesser quelle me flanquait un peu la pétoche la Dondon.
Allez Ouste ! Tout le monde dehors.
« Froid cest pas bon, tu comprends On a dû les manger chez toi les Knaki parce que mon micro-onde est HS.», mexpliqua Bouli, alors que nous évacuions la Dondon tel un sac de ciment, lui les jambes, moi les bras.
Elle pesait pas loin du double quintal. Un calvaire. Nous risquions le tour de rein en la déménageant de ma chambre. Bouli soufflait comme un buf.
« On a écouté un peu de musique sur ton ordi en grignotant à la cool punaise cest du lourd » Bouli fit une pause en sessuyant le front dans la manche de son tee-shirt à leffigie de Sly Stone.
Je lincitai vivement à reprendre le transport de la Dondon.
Il sexécuta en grimaçant « Le truc cest quelle aime vraiment bien ça les Knaki Balls, elle a quasi boulotté les 3 seaux le temps de dire Ouf Javais jamais vu ça de ma vie.
Puis elle est devenue blanche comme un bidet Cest à cause des saucisses que je me suis dit. Elle sest sentie mal la Dondon et après elle est partie dans les pommes vapeurs et elle est tombée comme une mouche. Paf ! »
Une mouche. Tu parles. Une espèce mutante alors, un spécimen échappé de lîle du Docteur Moreau, grommelai-je intérieurement. Enfin passons.
A bout de forces et faute de mieux nous la déposâmes en vrac sur le pallier, adossée au local à poubelles. Bouli se démerderait avec le SAMU qui nallait plus tarder et diagnostiquerait sans surprise une intoxication alimentaire.
Bouli mexpliqua en gros quil lui fût impossible de la porter tout seul jusquà chez lui, quil lavait alors traînée dans mon lit pour quelle récupère.
Idée Géniale. Sauf quelle sétait endormie et lui aussi. Il reconnut quil aurait dû regarder la date de péremption.
« Mais quand même On na pas idée de garder des trucs comme ça dans le frigo, cest dangereux. Cest comme une bombe à retardement de destruction des masses !» ajouta-t-il.
Je me contentai dun rictus amer et dopiner nerveusement du chef avant de rentrer chez moi passablement las et déjà un peu ailleurs.
-« Ah sinon Jtai pas tout dit poursuivit-il dun ton doucereux en me talonnant dans lescalier.
Il na pas eu le temps de finir. Je lui ai lancé lil du tigre:
-« Si là, tu as tout dit Bouli !
Jai pris un ton sec et cassant, léquivalent verbal dun tacle à la De Jong et je lui ai claqué ma porte au nez.
Une porte dont on avait pas mal brisé les gonds ce soir.
Ne pas se laisser abattre.
Le meilleur antidote au désespoir était encore la vanité. Cest pourquoi, malgré lheure tardive, je me décidai à poster mon édito sublime séance tenante.
Mon Foot Requiem.
Mon chef duvre. Jen attendais un peu de réconfort. Du smiley en jackpot, ébahi, baveux, ravi, en boule rieuse, ailé, hilare, applaudissant, chinois, leveur de pouce.
Bref je mimaginai rempli de la reconnaissance opiomane qui irait cicatriser mon cur fendu.
Retrouver un peu de fierté et peu importe quelle soit bien placée.
Le désespoir est cependant un combattant tenace, parfois il avait même un parfum de revenez-y.
Un parfum étrangement âcre alors que japprochai de mon bureau.
Bouli ne mavait pas tout dit.
Bouli était un impitoyable garant de désillusions.
Bouli était au désespoir ce que cerbère est à lenfer.
Lécran de mon portable affichait désormais un wallpaper aux motifs abstraits qui nétaient pas sans rappeler laction painting, une technique de projection de peinture très en vogue dans lart contemporain.
A y regarder de plus près, mon écran était constellé déclaboussures formant une pellicule opaque aux tons sanguins zébrée par des coulures de glaire séchée tirant sur le jaune duf pourri.
Les touches de mon clavier, elles, avaient totalement disparu sous un monticule informe de rejet gastrique. Un rendu sophagien que je naurai cru possible que par lautopsie de lintestin grêle dun brontosaure.
Un salmigondis immonde de bile grumeleuse où surnageait un ornement de boulettes rose pâle qui ressemblaient fort à des Knaki en première phase de décomposition digestive.
Jouvris la fenêtre et pris un grand bol dair frais qui soulagea un haut-le-cur spasmodique incontrôlable.
Je nosai plus regarder vers mon bureau.
De toutes les manières, mon ordi était mort. Dondon la tué. Il était la victime collatérale de guerres intestines, mort et enterré sous des bombes stomacales.
Adieu édito sublime, adieu smileys de bonheur qui embaument le cur.
Le désespoir avait lodeur du parmesan putréfié.
Je considérai lavenue détrempée où se reflétait le gyrophare tapageur du SAMU, linfortuné brancardier y chargeait le morse stéatopyge à grand peine; cela ne marracha aucun sourire. Je reportai mon regard dans le prolongement du trottoir désert jusquau quartier des bars de nuits où palpitaient encore de vagues lueurs.
Lenseigne de lEden séteignit brusquement dans lair humide tel un clin dil moqueur à mes amours reperdues.
Le ciel ne pleurait plus et la démarcation bleu-clair du jour naissant me rappelait nos grognards olympiens encore plus à lest, dans le froid moscovite.
De ma fenêtre, jy vis comme un rapport avec cette funeste histoire. Il sagissait de se sortir dune poule mal emmanchée et retrouver à lest, un peu dEden en huitième ciel.
Le poing serré sous la boutonnière, le maxillaire saillant, le regard tendu vers lhorizon blême, je les exhortai à la victoire et effacer de mes souvenirs cette cuisante Berezina.
Fly&Stone
Sans doute une allégorie à lazur céleste, pensai-je, louant limagination débordante des décorateurs dintérieur, et cherchant une place de libre.
Lendroit était pas mal bondé, mais à la faveur du départ opportun de deux jeunes punkettes aux crêtes indigo, je dénichai une table pour deux.
Lune dentre-elles ne put sempêcher de me toiser de pied en cap et sous ses sourcils percés danneaux enchevêtrés (une bonne dizaine dolympiades en comptant les narines), son regard en disait long sur le fossé des générations.
Son jugement définitif sur ma ringardise ne faisait pas un pli.
Le préjugé étant un travers très bien partagé, jimaginais plus tard la rebelle chef de produit chez Jacob Delafon, boudinée dans un tailleur Kookaï, au volant dune Micra mandarine métallisée, une Bluetooh greffée à loreille en train de louer la qualité de leurs pissotières dautoroute.
Je masseyais.
Lambiance sonore était celle dun hall de gare et je mattendais à tout moment à une annonce pour un train en partance. Un train que jaurais pris dare-dare si je navais pas rendez-vous avec Pénélope.
Un garçon dans un tee-shirt officiel Eden-Café aux motifs de circuit imprimé en surpiqures se faufila entre les tables avec la grâce dun papillon argenté.
Il acheva son slalom par un arrêt précis, pieds en T, devant moi.
Je vis alors quil portait des rollers enjolivés dailes chromées aux chevilles et appréciai tout autant sa dextérité que lidée rigolote danges messagers du paradis transformés en robots glisseurs.
Je lui signifiai cependant que jattendais quelquun.
Lange mannonça mécaniquement que je devais commander quand même.
Son annonce navait rien dangélique et me trouva fort marri. Je persévérai et lui proposai de revenir.
Le serveur bloqué ne voulut rien savoir.
Je fis remarquer au garçon de café droïde version bêta que la règle de politesse consistant à attendre son convive pour commander me semblait élémentaire.
Il se retrancha derrière les consignes venues den haut.
Je moffusquai en imaginant lEden moins bas de plafond.
Il me rétorqua quà partir du moment où jétais assis, je devais commander. Jeus la désagréable impression de converser avec une machine rudimentaire dont lI.A tenait sur deux lignes de programme.
Un dialogue de sourd sengagea entre lengin à roulette et moi qui déboucha au final sur la commande dun verre deau.
- Avec ou sans bulles ?, répondit R2D2 avec lamabilité habituellement attribuée à lhuis des geôles.
-Plate avec cent bulles.
- Avec et Sans??? (ERROR FATAL ERROR FATAL ERROR .FATAL) Le droïde bugga sévèrement.
Je lui expliquai que je souffrais arithmomanie sur létat des substances aqueuses gazéifiées et que sil ne pouvait me garantir une quantité exacte de bulles multiple de 100, joptai pour « sans ». Sans hésiter.
Le garçon haussa ses yeux lunettés au ciel et enregistra plate sur son pavé tactile quil portait en bracelet et déguerpit en back-slide suivi dun U-Turn absolument parfait pour se remettre dans le bon sens.
Je larrêtais net dun « Hep ! » bien timbré. Il évita de justesse un de ses collègues à roulette qui apportait des cocktails à la table voisine et revint vers moi.
- des glaçons », ajoutai-je.
R2D2 se piqua de faire un peu dhumour en me demandant si javais un nombre précis en tête, 2, 4, 6 peut-être ! Je rétorquais que mon arithmomanie ne concernait pas leau réfrigérée.
La réponse était donc peu importe. Je pouvais même accepter un chiffre impair. Il hocha la tête poliment comme prévu dans son cervelet cybernétique et repartit en marche arrière dans son style agile toujours aussi exaspérant.
Alors quil amorçait son demi-tour avec grâce, je le hélai de nouveau.
Cette fois leffet de surprise joua à plein et il névita pas le choc avec son confrère à roulette.
Ce dernier partit en toupie avec son plateau à cocktails, déclenchant un arrosage automatique au Bloody Mary.
- Et avec du pastis ! », lançai-je.
R2D2 maculé de tomate me jeta un regard laser qui transperça mon indifférence.
Pénélope était en retard et cela ne métonna guère. Je pensais furtivement que javais oublié de poster mon édito sublime.
Mais javais encore le temps.
Dehors il pleuvait des cordes pour se pendre.
Javais déjà descendu deux pastagas et un ramequin dolives vertes fourrées aux anchois
Une punaise denvie de fumer me tenailla le cortex, mais je ne pouvais stratégiquement pas lâcher la table.
LEden était plein comme un uf.
Et nonobstant la météo inadaptée à la clope sur le trottoir, mon nouvel ami R2D2 nattendait que de me voir déguerpir pour refourguer ma place.
Jessayai doublier le manque en baladant mon regard de table en table parmi la foule anonyme.
Une pérégrination hypnotique bercée par un remix trip-hop indigeste tombée des nues de lEden.
Une ambiance lounge, concoctée par un DJ sous Xanax, une mélopée autocollante qui emmaillotait de son ouate le brouhaha des voix humaines.
Je ne saurais vous expliquer les circonvolutions de limaginaire, ni les chemins vicinaux empruntés par mes pensées inconscientes; toujours est-il que cette musique dascenseur, dotée de pouvoirs psychotropes malins, me montait à la tête alors que jattaquais mon troisième pastis.
Mon regard vague porté par lécume anisée se mit à surfer sur le rivage abracadabrant des mondes parallèles.
Sournoisement mais sûrement; jhallucinais.
Ce qui mamena naturellement à considérer ces visages inconnus comme autant davatars tout à fait familiers. Jaurais pu mettre un nom sur chacun dentre eux :
[FONT="]
La famille de la fumerie sétait donnée rencard sous mes yeux éberlués. [/FONT] Là-bas le type en polo Callaway qui expliquait à grand renfort de gestes tel un Gatsby magnifique comment déloger une balle de golf dune décapotable à coup de sand-wedge, cétait Oc ! Non loin de Paddy, son dernier mot au serveur débouté par Fanfarlo devant lImerle moqueur faute de Mr Grieves. De lautre coté dOld Trafford, se régalaient Kornog et Monsieur Kénavo découvrant une spécialité de Bouillabaisse. Le gars hilare qui sattablait avec sa petite famille sous des ponchos de fortune en sac poubelle et « trempé jusquà mes coroñes- dixit le papy. Cétait Haydjan pour sûr. Dans le clic clac, Kodiak, Lecquois ou quest-ce Kezako ? Il y avait aussi les K à part, Kdom93, Kokopelli, Kr1Dg1, qui lançaient des Paris avec Ricky, Raï et NilS. Puis aussi Le Filtre polarisant sur sa manette de PS3 fracassée un soir avec Lengaste, là-bas pas loin de Sally Marcel Freedom qui écrivait son nom sur le mur où se lamentaient Dragnir et Keyser consolés par 26 Mai 93 qui navait pas le choix dans la date, alors que F.Braudel de Pigeon restait dans les annales. Foutcheubol et Souley jusquau Ras le bol aussi par la musique lounge autant quAnikulapo pas prêt de virer son Kuti. Il y avait aussi Dougue qui courrait tel lHomme de Samatan et passait Razibus sans perdre son Benar vers la buvette du paradis où Dune pila des glaçons pour Darkfly51 et El Chi gnôle en main adossé à Cloison Plâtre. Diegogo home, Omer2, déjà ? Ou est-ce pour mieux Revenir13? Je vis Miki qui rit de Xigh, jouant du clavier qwerty de Macbou, un détail pour EFC très à laise au pied de la lettre. A létage Godfather like Usual conspuaient la carte et marquaient leur territoire tel Aboss. Mr Crapo samusait du nouveau Poulpazoïde dAqwarium flottant sur le verre de DeepBlue parti vers Mars. Puis déboula Tofinou, vous, eux, toi, et tous ceux qui en veulent Madhino, Omalaviealamaure, de la région de Mazargues à Peniscola, en passant par Kalamata, jusquà Stern et la bonne étoile que lOh Aime tend à Supernova. Ils sont tous là les enfants de Mama, les vieux de la vieille, Gamba, et Boban 13, Hellborg, Vinz et Vorondir, ça va sans dire, Ralphd, Talbs, XavierG et Markom, Cyrs arrêtant son Syrc, Jeroemba, Papaver, Baka for ever et Survivor, Caligula et sa sur, Jimmiz, Mathildien, le bon Olorin et sa dame elfique, et tous ceux que je ne cite plus pour lavoir beaucoup fait et ceux que je ne cite pas Pardon !, parce que le nombre de caractères dun édito est cyniquement compté et que ma mémoire à linstar du name-dropping a ses limites.
Elle mapparût dabord en effet kaléidoscopique par le jeu conjugué des reflets sur la vitre brillante de pluie et le lent pivot de la porte à tambour.
Elle se tenait dans le sas dentrée, au seuil de lEden, je laurais reconnue entre mille, dégageant la capuche de son manteau trop chic pour être imperméable.
Elle se risqua ensuite dun pas timide, considérant lendroit dun air de madone auréolée par londée. Elle secoua délicatement ses cheveux mouillés dans la lueur turquoise du bar et jeus la vision subliminale des ailes frissonnantes dun ange sébrouant dans lEden; un ange véritable. Pas un ersatz à roulette.
Le seul ange que nait jamais vu le paradis.
Cétait Elle.
Cétait
-« Pénélope saleté !, sécria le chur des opiomanes susnommés.
-« Non ! Non, déconnez pas !, clamai-je à la cantonade.
Je vous demande de vous arrêter ! Vous êtes lourds là ,», suppliai-je avant de mapercevoir que je parlais tout seul, seul debout parmi les tablées, soliloquant tel un demeuré sous le regard mi gêné mi goguenard de parfaits inconnus.
Pénélope repéra mes gestes sémaphoriques quelle imagina lui être destinés et se fraya un chemin jusquà moi.
-Je suis trempée, me dit-elle en arrivant à ma table.
Je ne pouvais rêver meilleure entrée en matière.
Sinon je vous passe les inévitables avant-propos de politesse chiants à mourir où il est question pêle-mêle de la santé de chacun, de la climatologie déglinguée, du tri sélectif, des copains mariés, des divorcés, du tri sélectif donc, de la couleur de son pull, de la blancheur grandissante de ma pilosité et du dernier Woody Allen.
Nous bouclâmes finalement le dernier cercle concentrique des civilités qui tournent autour du pot et en arrivâmes enfin à la confiture. Nous.
-« Jai bien aimé ce que tu mas envoyé. Merci, me dit-elle en ramenant ses cheveux derrière ses oreilles.
Je suis resté stoïque. Jai perdu mon regard dans le sien tout en sirotant un peu de pastis pour me donner un semblant de contenance. Mais soyons clair je ne savais pas du tout de quoi elle parlait.
« Ça ma touché vraiment continua-t-elle.
Je souriais, mais nen menais pas large.
Mon téléphone vibra dans ma poche intérieure et ce fût une espèce de petit miracle de diversion. Bouli mappelait.
Il tombait à pic celui là.
Je mexcusai auprès de Pénélope lui signifiant que je navais pas dautre choix que de répondre.
Je me levai et méloignai de quelques pas, le portable plaqué sur loreille droite, lindex enfoncé dans lautre.
-« Je voulais te demander un service commença Bouli
-« Cest quoi cette histoire! Tu ne mas pas tout dit ? Tu as répondu à Pé à Eve ?, le coupai-je.
Bouli mexpliqua quil avait juste renvoyé un morceau de musique en fichier MP3,
« Aint No Sunshine When Shes Gone La version Live de Bill Whiters au Carnegie Hall pas la reprise de Mickael Jackson époque Motown, précisa-t-il. Tu connais lhistoire de cette chanson lors de l'enregistrement, Withers travaillait à l'usine comme »
- « Stop Bouli. Jai compris.
Mais Bouli était intarissable lorsquil parlait de musique noire américaine des 70. Sa connaissance de la Soul était encyclopédique. Il continua son récit alors que je regardais Pénélope en coin, genre type agacé par son interlocuteur mais qui na pas le choix. Jen savais plus que nécessaire.
« Merci Bouli. Pardon ? Oui Eve2chezEve, elle est b intéressante. Bouli mannonça que lui et Dondon27 cétait comme un coup de foudre foudroyant. « Je suis content pour toi Bouli mais... Quoi encore ? Sil restait dans mon frigo des Knaki Balls de la dernière fois histoire de fêter ça ? Je crois bien oui mais fais gaffe à la date de Clic péremption. »
Bouli avait déjà raccroché. Question Knaki Balls, il était également intarissable le Bouli.
-Désolé, cétait ma mère !, soupirai-je tout en me rasseyant en face de Pénélope.
-Comment va-elle?
Il était hors de question de parler de ma mère. Jembrayai direct sur Aint No Sunshine quelle avait tant aimé. Me surprenant en mon for intérieur à féliciter Bouli pour cette initiative.
- Tu sais que lors du premier enregistrement de la chanson, Whiters bossait encore à la chaîne dans une usine fabricant des sièges de toilettes pour des Boeing 747.
Il avait initialement l'intention d'écrire davantage de paroles pour le passage où il répète l'expression « I know » vingt-six fois, mais les autres musiciens lui ont conseillé de laisser la chanson en l'état. Amusant non ?, dis-je, répétant sans vergogne lanecdote narrée par Bouli. Et tout à fait satisfait de mon petit effet.
Il y eût comme un blanc.
- Manque plus quun Jingle, dit-elle sans se départir dun sourire à tomber par terre. Tu me fais quoi là au juste? Le coup de lAnimateur radio, mélomane vintage tout content de son intro décalée?
Glups !
-Rassure-moi, tu ne chercherais pas à mimpressionner avec une répartie de disquaire?
Oups et Glups.
-On se dit un truc pour ce soir, si on essayait juste dêtre nous-même?, poursuivit-elle.
Le sens de la répartie de Pénélope était pour moi dun sex-appeal indiscutable, bien plus que son sourire ravageur, ses yeux vert-noisette en amande, ses boucles vénitiennes ou la perfection extraterrestre de sa rotondité mammaire. Enfin tout autant.
Illumination.
- Si je commandais du Champagne ça timpressionnerait plus?, proposai-je.
Elle me conforta par un sourire radieux et affirmatif.
Ouf.
R2D2 fût convoqué pour la mission. Je demandai la carte des champagnes. Le choix fût vite fait. Il ny en avait quun dispo daprès son bracelet tactile. Mais R2D2 tiqua et je pus aisément imaginer quelques diodes alarmées agiter son intellect binaire. La vérité cest que le droïde à roulette était terrorisé à lidée que je comptasse les bulles de Veuve Clicquot, il dégagea illico toute responsabilité quant à la probabilité dun multiple exact de 100 par bouteille. Je le regardai comme sil était tombé de la lune, faisant mine devant Pénélope de ne rien comprendre à ce que racontait ce pauvre garçon.
Elle eût du mal à contenir un début de fou rire.
Je laissai R2D2 délirer à pleins tubes sur larithmomanie gazéifiée relative au Champagne.
Cétait trop bon de la voir rire.
Et selon le précepte Femme qui rit
Ce fût une soirée délicieusement émoustillante, avec lâché de phéromones sauvages.
Nous sifflâmes deux ou trois Veuves avant de réclamer la note (multiple de 100 que je réglai dun il presbyte et aviné, mescrimant à insérer ma carte dans lavant-bras clignotant de R2D2 au détriment du sabot quil me tendait). Nous vidâmes les lieux, bras dessus bras dessous en riant aux anges. Jembrassais Pénélope à pleine bouche sous lenseigne lumineuse de lEden.
Une voiture en trombe sous les trombes déclencha un tsunami sur notre passage et nous rîmes de plus belle, inondés dun bonheur dégoulinant.
Nous pataugeâmes dans les flaques comme des enfants terribles. Nous piétinâmes dimprobables anguilles fluorescentes et autres serpents trop tentants reflétés par les néons du paradis.
Notre désir était si brûlant que même les gouttières débordantes ne purent le refroidir.
« Et si on » Le reste de la phrase expira dans mon oreille. Après elle grignota mon lobe.
Nous nous frottâmes lun à lautre avec lardeur des amants affamés sous londée redoublée. Ça devenait chaud bouillant. Une escadrille de canadairs naurait pas suffi à éteindre le feu rejailli de lancien volcan.
A la faveur de ma porte cochère, je la plaquai contre le digicode, soulevai son manteau et plongeai mes doigts dans sa
[FONT="]
[/FONT]- CE PASSAGE PAS SAGE a été censuré par le C.S.O -
[/FONT]- CE PASSAGE PAS SAGE a été censuré par le C.S.O -
Pour toutes réclamations veuillez adresser vos posts à qui de droit
Arcbouté à la rampe de mon pallier, je fouraillai fiévreusement mes poches alors que Pénélope dévorait mon cou, cramponnée à la manière dun koala lubrique. Je réussis à extirper mes clés et ouvris la porte de lappart.
Chaque seconde séparé de ses lèvres devenait un supplice. Nous déboulâmes dans ma chambre à reculons, reconstituâmes cette créature bicéphale mi homme mi femme pour la énième fois depuis la nuit des temps, nos bouches toujours aimantées, nos corps toujours enlacés, nos poitrines toujours greffées, battant à lunisson dun même cur emballé.
Nous nous débarrassâmes à la hâte de nos manteaux trempés par des gestes emphatiques et maladroits dans la pénombre avant denvoyer valser nos oripeaux par dessus-tête.
Cest à moitié nu que nous atterrîmes dun plongeon dorsal sur mon lit où il était douillettement question de chavirer dans lextase dune étreinte siamoise.
En lieu et place de lamortissement moelleux de mon sur-matelas en plume doie et du nirvana annoncé, je tombais sur un os.
Un os tout dur et cagneux.
Un os qui bien sûr ne mappartenait pas, pas plus quà Pénélope.
Javais un gros genou en travers des lombaires.
Pénélope se tendit sur son string. Bouli se réveilla en sursaut et lâcha un son rauque dans sa tessiture proche de linfrabasse. Pénélope se mit à hurler en cachant ses seins. Bouli se redressa contre la tête de lit.
Je me dépêchai à tâtons de trouver linterrupteur du chevet et me rendis compte quune autre personne occupait ma couche. La lumière allumée me révéla la présence dune créature échouée et baveuse sur mon oreiller qui sappelait à coup sûr Dondon 27. Pénélope hurla de plus belle. Bouli tenta de mexpliquer. Dondon souleva une paupière adipeuse. Pénélope montait dans les tours. Bouli me regardait avec un air de veau désolé. Dondon émettait des borborygmes improbables dun monstre marin proche du morse. Je ne savais plus ou donner de la tête.
Le cauchemar absolu.
Pénélope recouvra à peu près ses esprits, et furax se leva dun bond pour se rhabiller. Je tentai de la retenir. Elle me traita de gros vicelard partouzeur zoophile.
Comme quoi je lui aurais tendu un piège dégoutant.
Je sentis le coup venir.
Lanticipation par recul express du buste me fit éviter de justesse la gifle de lange exterminateur.
Le coup ne fût pas perdu pour tout le monde. Bouli se mangea la tarte pleine poire.
Pénélope récidiva, comme je my attendais encore, rotation rapide du cou vers larrière et cest le morse à peine ranimé qui prit cher. Dondon, le regard révulsé et tournant, retomba comme une masse. Pénélope agacée et un peu trop pompette pour être efficace dans son dernier geste, préféra en rester là et déguerpit talons à la main. Quelques noms doiseaux fusèrent avant le Big Bang de la porte claquée qui sonna le glas dune renaissance sentimentale et dun rapport sexuel cosmique.
Un ange passe.
Je me retrouvai planté une fois de plus.
Dénudé dans mon lit, encadré par mon abruti de voisin et une espèce déléphant de mer aux ronflements insoutenables.
Jenrageai.
Je ne voulais plus personne chez moi, plus de Bouli, ni du monstre marin.
Nonobstant le fait quil était hautement question de récupérer lusage exclusif de mon lit à 4H du matin, je devais confesser quelle me flanquait un peu la pétoche la Dondon.
Allez Ouste ! Tout le monde dehors.
« Froid cest pas bon, tu comprends On a dû les manger chez toi les Knaki parce que mon micro-onde est HS.», mexpliqua Bouli, alors que nous évacuions la Dondon tel un sac de ciment, lui les jambes, moi les bras.
Elle pesait pas loin du double quintal. Un calvaire. Nous risquions le tour de rein en la déménageant de ma chambre. Bouli soufflait comme un buf.
« On a écouté un peu de musique sur ton ordi en grignotant à la cool punaise cest du lourd » Bouli fit une pause en sessuyant le front dans la manche de son tee-shirt à leffigie de Sly Stone.
Je lincitai vivement à reprendre le transport de la Dondon.
Il sexécuta en grimaçant « Le truc cest quelle aime vraiment bien ça les Knaki Balls, elle a quasi boulotté les 3 seaux le temps de dire Ouf Javais jamais vu ça de ma vie.
Puis elle est devenue blanche comme un bidet Cest à cause des saucisses que je me suis dit. Elle sest sentie mal la Dondon et après elle est partie dans les pommes vapeurs et elle est tombée comme une mouche. Paf ! »
Une mouche. Tu parles. Une espèce mutante alors, un spécimen échappé de lîle du Docteur Moreau, grommelai-je intérieurement. Enfin passons.
A bout de forces et faute de mieux nous la déposâmes en vrac sur le pallier, adossée au local à poubelles. Bouli se démerderait avec le SAMU qui nallait plus tarder et diagnostiquerait sans surprise une intoxication alimentaire.
Bouli mexpliqua en gros quil lui fût impossible de la porter tout seul jusquà chez lui, quil lavait alors traînée dans mon lit pour quelle récupère.
Idée Géniale. Sauf quelle sétait endormie et lui aussi. Il reconnut quil aurait dû regarder la date de péremption.
« Mais quand même On na pas idée de garder des trucs comme ça dans le frigo, cest dangereux. Cest comme une bombe à retardement de destruction des masses !» ajouta-t-il.
Je me contentai dun rictus amer et dopiner nerveusement du chef avant de rentrer chez moi passablement las et déjà un peu ailleurs.
-« Ah sinon Jtai pas tout dit poursuivit-il dun ton doucereux en me talonnant dans lescalier.
Il na pas eu le temps de finir. Je lui ai lancé lil du tigre:
-« Si là, tu as tout dit Bouli !
Jai pris un ton sec et cassant, léquivalent verbal dun tacle à la De Jong et je lui ai claqué ma porte au nez.
Une porte dont on avait pas mal brisé les gonds ce soir.
Ne pas se laisser abattre.
Le meilleur antidote au désespoir était encore la vanité. Cest pourquoi, malgré lheure tardive, je me décidai à poster mon édito sublime séance tenante.
Mon Foot Requiem.
Mon chef duvre. Jen attendais un peu de réconfort. Du smiley en jackpot, ébahi, baveux, ravi, en boule rieuse, ailé, hilare, applaudissant, chinois, leveur de pouce.
Bref je mimaginai rempli de la reconnaissance opiomane qui irait cicatriser mon cur fendu.
Retrouver un peu de fierté et peu importe quelle soit bien placée.
Edit du C.S.O- Il est fortement conseillé aux âmes sensibles de la fumerie, aux mineurs pré-pubères et femmes enceintes de sauter les lignes du paragraphe qui suit.
Le désespoir est cependant un combattant tenace, parfois il avait même un parfum de revenez-y.
Un parfum étrangement âcre alors que japprochai de mon bureau.
Bouli ne mavait pas tout dit.
Bouli était un impitoyable garant de désillusions.
Bouli était au désespoir ce que cerbère est à lenfer.
Lécran de mon portable affichait désormais un wallpaper aux motifs abstraits qui nétaient pas sans rappeler laction painting, une technique de projection de peinture très en vogue dans lart contemporain.
A y regarder de plus près, mon écran était constellé déclaboussures formant une pellicule opaque aux tons sanguins zébrée par des coulures de glaire séchée tirant sur le jaune duf pourri.
Les touches de mon clavier, elles, avaient totalement disparu sous un monticule informe de rejet gastrique. Un rendu sophagien que je naurai cru possible que par lautopsie de lintestin grêle dun brontosaure.
Un salmigondis immonde de bile grumeleuse où surnageait un ornement de boulettes rose pâle qui ressemblaient fort à des Knaki en première phase de décomposition digestive.
[FONT="]EPILOGUE[/FONT]
Jouvris la fenêtre et pris un grand bol dair frais qui soulagea un haut-le-cur spasmodique incontrôlable.
Je nosai plus regarder vers mon bureau.
De toutes les manières, mon ordi était mort. Dondon la tué. Il était la victime collatérale de guerres intestines, mort et enterré sous des bombes stomacales.
Adieu édito sublime, adieu smileys de bonheur qui embaument le cur.
Le désespoir avait lodeur du parmesan putréfié.
Je considérai lavenue détrempée où se reflétait le gyrophare tapageur du SAMU, linfortuné brancardier y chargeait le morse stéatopyge à grand peine; cela ne marracha aucun sourire. Je reportai mon regard dans le prolongement du trottoir désert jusquau quartier des bars de nuits où palpitaient encore de vagues lueurs.
Lenseigne de lEden séteignit brusquement dans lair humide tel un clin dil moqueur à mes amours reperdues.
Le ciel ne pleurait plus et la démarcation bleu-clair du jour naissant me rappelait nos grognards olympiens encore plus à lest, dans le froid moscovite.
De ma fenêtre, jy vis comme un rapport avec cette funeste histoire. Il sagissait de se sortir dune poule mal emmanchée et retrouver à lest, un peu dEden en huitième ciel.
Du Sublime au Ridicule, il n'y a qu'un pas!, disait lempereur.
Fly&Stone
En cas de morsure de vipère, sucez-vous le genou, ça fait marrer les écureuils