08-02-2010, 09:45
Pénélope avait un peu biaisé et posé la ligne de son regard vers la périphérie mouvante du mug quelle portait à ses lèvres. Elle évoqua sans ciller son aventure avec un homme de l'âge de Pierre, son jeune frère, et ce détail salé matteint aux tempes. Entre deux gorgées de café, elle déclina linventaire des pervers.
Il fût question pêle-mêle : d'un grand avatar masqué à lemploi du temps troué, mais à lEspi de synthèse, dun Cris, hanté de maux toujours finauds à terme, et d'un éléphant trompeur au petit oiseau de paradis. Elle me parla aussi avec des trémolos d'un érudit des grands fonds à la caudale puissante et à ladage avancé...
-C'est assez, murmurais-je en interceptant dun claquement de doigt la ligne bleue des Vosges qu'elle fixait telle une ravie au lit. Elle serra du poing le mug à lanse ébréchée et son ongle nerveux en écailla un peu plus la céramique. Le café long prenait le goût des discours amers, aussi lui ai-je dit de partir dune voix blanche et polie. Elle déposa mon mug où elle avait lhabitude de boire depuis tous les matins du monde et resta plantée devant moi. Mon Mug OM à la terre cuite apparente sur le pourtour de lanse. Je le fixai à mon tour et lui demandai de partir une deuxième fois, ce fût la bonne.
Partir fut le concept fondateur de cette journée frisquette de février. Mon Patron, nayant qu'assez peu apprécié mon congé pour maladie foudroyante un jour de match, menvoyait en mission à létranger. Il mavait concocté une destination pas piquée des verts horizons. Un voyage vivifiant pour la grise mine et la délocalisation sauvage. Une contrée que nous appellerons la Mochdavie pour ne froisser personne. Un sombre pays du Grand Nord pas câlin, où la nuit séternise, et laurore se suicide. Un No Mans land à lorée des taïgas givrées où les loups des steppes nont rien bouffé depuis des lustres Plus Mochdavie tu meurs.
Double peine, je devais au trou du cul du monde, me faire le suppôt de la mondialisation sodomite tout en ressassant le facteur de crise conjugale qui ne létait pas moins. Chérie sur lautre cake, je devrais finir ce parcours initiatique par la route. La région à prospecter étant ravitaillée par les pingouins, elle nétait desservie par aucune compagnie, même celle de la liste noire.
05H23. Aube blême. Arrivée à laéroport Mochdave. 2h dattente pour récupérer une valise qui arriva à moitié défoncée en bout dun tapis roulant crasseux. Impossible de la mettre en mode trolley, la poignée resta coincée. Je pestai déjà. Une fois dehors, ça klaxonne à qui mieux meugle. Une bonne douzaine de types patibulaires me proposèrent un taxi. Je refusai presque à regret à la vue du véhicule censé me conduire à destination. Un Car de touristes daprès-guerre froide, affichant sur ses flancs un improbable Toundra Tour rose pétard. Voilà, le seul moyen de transport quavait trouvé ma boîte pour me faire rejoindre le bled perdu. Je les soupçonnais de navoir pas beaucoup cherché.
Le chauffeur du car vint à ma rencontre avec ce qui pouvait être mon nom écrit sur un papier gras. Le type ressemblait au sosie de Gengis Khan. Il bouffait un sandwich à la seiche séchée, qui chlinguait à dix mètres. Un liquide jaunâtre apparenté à de la mayo dégoulinait de sa barbichette frisée sur ses sandalettes en peau. Le Mongol me reconnut au débotté malgré ma tête de deux pieds de long, et me serra la main dune poigne visqueuse avant de minviter prestement au voyage. Je fus le dernier à intégrer le bus. La porte arrière se referma dans une flatulence électropneumatique et je me vis apparaître furtivement dans les vantaux vitrés, couperet de ma réflexion. De ma désillusion aussi. Ray Ban de pilote de chasse libyen, barbe de trois jours et quelques semaines, un accent circonflexe en guise de sourire. Le car démarra à la ramasse dun moteur hoquetant.
Je me retrouvai carré sur un siège en peau de vache famélique, juste au-dessus de l'essieu arrière, sursautant à chaque nid-de-poule, maudissant les ponts et chaussées de cette contrée hostile et l'amortissement raide des bus mochdaves.
La route fut pénible à plus dun titre et je ne tardai pas à découvrir les joyeusetés des voyages en groupe. Je confisquai dès les premiers kilomètres la cloche à vache dun berger slave parkinsonien voisin de banquette. Dans le même temps, je m'apprêtai à émasculer le chauffeur Mongol qui bâfrait un sandwich aux relents ammoniaqués surpuissants. Du rognon de Yack, jen aurais mis ses coroñes à couper.
Je me détendis soudain des glandes lorsque mon regard torve se porta sur la cheftaine de l'expédition, une guide en jupe et chemisier rose de chez Toundra Tour. La fille était plutôt jolie, et dotée du surpoids dune paire de pêches proche de lobus de douze. Le tout prêt à exploser sa boutonnière. Elle se tenait déhanchée à lavant du bus, micro en main droite, lautre à la barre chromée de maintien. La vision dune stripteaseuse de bar à gogo me traversa locciput. Pas étonnant, vu que la fille était gaulée comme un zinc de chasse, avec des cheveux teintés au dioxyde de fer qui tombaient en cascade sur une chute de rein qui me laissa pantois dadoration Un cul divin mes frères, une nef de labbaye du verso, on y brûlerait son cierge à genoux.
Le larsen un peu sciant de son micro me coupa de la vision antérieure de son postérieur et me fendit louïe pour un nom orthodoxe. Au travers de la lunette, filèrent des bas-reliefs déglise germano-byzantine dont je vis que le haut. La rousse callipyge entonna létrange musique au nom de Popes à mon conduit meurtri. Je vous passe le couplet sur le piédestal dune statue déboulonnée attendant patiemment le prochain dictateur local pour retrouver une érection à la place Tout me sortait des yeux jusquaux orbites de cheval cosaque en bronze. Une mémé emperlousée fayottait au premier rang, vérifiant au doigt et à loeil sur sa brochure la véracité historique des commentaires de notre rousse accorte. Nous quittâmes la ville sans regret pour entrer dans la morosité. Un peu comme si vous fixiez une page en panne dinspiration. Le paysage devint graduellement une ligne grisâtre à la démarcation incertaine. Le ciel, cétait lhorizon. La terre, cétait le charbon de mes verres fumés sur le reflet des vitres embuées. Des champs désolés pas très entraînants à perte de vue qui laissaient rêveur sur la générosité des terres agricoles de ce coin du monde.
Notre chauffeur attaqua un autre sandwich à lodeur pestilentielle, de la tripe de mammouth dégelé peut-être. Je compatis cette fois et entrai en apnée.
Un nouveau nid-de-poule de la taille dun cratère atomique me fendit le crâne contre le porte-bagages. Je maudissais derechef lingénieur automobile responsable de cette hérésie hydraulique. En parlant damortir le voyage, encore une bosse. Mauvais souvenir.
On arrivait.
Fausse joie. Une simple halte. La mémé à la perle avance à la vitesse dun gastéropode en béquille et obstrue lallée centrale. Notre guide laide à descendre du marchepied, pas rancunière la rouquine. J'aperçois ce qui pourrait être un bar où je voudrais me rendre illico presto Ouilleeeeak cria le Mongol. Dans mon piaffement pour mextraire de ce bus, jécrase le pied du chauffeur goinfre, ce qui a le double effet salvateur de lui couper lappétit et de lui apprendre à ne pas conduire en tongues. Je mexcuse mollement en lui tapotant la chapka et sors à lair libre.
Dehors Il y a comme un soleil vague après la pluie et tout pour faire croire quon peut prendre un verre en terrasse, des parasols, un barbecue, mais cest du leurre en broche, un vent glacial vous poinçonne les oreilles jusquau rouge sang, et hors de question dy laisser un lobe lifté Jenfile le seul couvre-chef disponible de ma panoplie de grand voyageur, à savoir un bonnet de notre équipe fanion, un grotesque à pompon, cadeau de feue Pénélope la saleté . En bras de chemise, le futal enfoncé dans des après-ski de mes années Moon Boots, et le grelot en laine qui ballotte sur mes Ray Ban aviateur, je dois avoir lair dun débile profond. Je me détourne dune famille mochdave dont laîné acnéique mitraille tout le monde avec son numérique acheté au duty-free. Cest le genre de petit con à avoir un Travel-blog et à y mettre ses photos de voyage, genre soirée diapo mondiale. Lidée que je sois au vu et au su de la planète accoutré de la sorte, mest tout à fait déplaisante. Une photo qui pourrait se retrouver par pure couardise sur le forum dOpiOM avec un smiley mort de rire, sous le Topic, Opiomanes Trotteurs, ou comment le ridicule tue lamour du maillot.
Jentre dans le bar, enfin la taverne, la décoration en pierre de taille toi dici, fait plus penser à la résidence secondaire de Dracula quà un petit troquet sympa. Une tête dours à la canine cariée vous souhaite la bienvenue, sans parler des têtes de cerfs, et autres ongulés de chaque race disparue depuis lantédiluvien crétacé. Javise le barman derrière son samovar.
-Un café please. Le gars comprend pas. Jy mets du mien.
-Un coffee siouplé mon brave Il comprend toujours pas.
-Je veux un Kawa. Le gars me regarde avec le même il mort que le yack empaillé qui nous surplombe. Je suis à bout de nerf et en profite pour ôter mon bonnet ridicule.
-Fregh nkoui, ,kitec ? intervient la rousse aux beaux roberts.
-Ruykjlm ubi hyre el kitec !, répond le gars au samovar.
-Court ou long votre café ?, me demande-t-elle avec un air de bienveillance qui dhabitude irradie des madones de piéta.
Je métonne que le gars, au physique de yéti, puisse me proposer ce choix qui me semble tout à coup le comble du raffinement au vu de lendroit. Je réponds long pour faire court.
-Arhklmlsa ubi Roolkihjjusta ? ajoute le yéti.
-Arabica ou Robusta ?, me traduit encore laimable guide roucmoute .
Là, je suis las et me masse les sinus.
Quelques borborygmes plus tard me voilà attablé avec la jolie rousse, prénommée France comme lindique son Badge de guide accrédité dun léger embonpoint. Je sirote un café qui ne ressemble à aucun breuvage connu. Tout ce pataquès pour me servir une infusion au goût de sac de jute qui lui-même naurait jamais contenu de café.
-Je ne remonte pas dans ce bus, dis-je, grimaçant entre deux gorgées de linfâme breuvage.
-Vous êtes supporter de lOM ?, me répondit sa bouche ourlée déphélides.
bouse cest le pompon, elle a vu mon bonnet ridicule. Mon premier réflexe est de me justifier, de lui dire que cest le bonnet de mon petit frère et que je ne peux décemment pas refuser de le porter, que ça une valeur sentimentale surtout que ce petit frère est trisomique, non, aveugle de naissance, enfin les deux Je renonce devant le pathétisme de ce mensonge éhonté et assume avec un demi-sourire qui ne veut rien dire.
-LOM Oui javoue, jen ai bavé Pas vous ?
Le tout dit, en déchaussant mes verres fumés et en plongeant furtivement un regard sombre dans son décolleté au mont fendu Le cerveau masculin se réduisant très vite à sa plus simple expression dinstinct lubrique, jimaginais son valseur, fendu et arrondi pareillement. Lobotomisé par un afflux de testostérone. Javais déjà fait le tour de France à la vitesse dun stéroïde anabolisant.
-Non pas vraiment, enfin, cest-à-dire Pas moi La douce France ne finit pas sa phrase. Petite gêne Je ne la relance pas à dessein. Inutile de vous faire un dessin. Sinon elle va me parler de son mec, et elle nen a pas plus envie que moi. Ne provoquons pas la colère de lau-delà. Les absents ont toujours tort. Article Premier, du type qui part à la chasse et se place.
-Avec vos cheveux sang et or, jimagine Lens dans votre coeur, me trompe-je ?
France rougit. Jai fait mouche. Je la regarde avec la malice du rabatteur spécialiste de lappeau à bécasse. À ce moment, je suis le meilleur public de France.
Je pense à mon Mug OM à lanse ébréchée et la devise inscrite dessus. Ces droits obus minspirent, la croupe de France aussi...
-Saviez-vous que parmi les 193 espèces vivantes de primates, une seule, lespèce humaine, possède des fesses. Cest une caractéristique anatomique unique. Lapparition des fesses date dil y a trois ou quatre millions dannées quand laustralopithèque adopte la marche bipède, lance-je à la lensoise dun docte ton.
De deux choses lune, ou elle est sur le cul, ou je prends une tarte maison.
-Lghjtregj nuy revbki koul ? demande-t-elle au yeti près du samovar.
-Yep
-Quest-ce que vous lui avez demandé ?
-Sil avait une chambre de libre, me répond-elle.
Elle était sur le cul. Aucun doute nétait plus permis.
La guide me montra le chemin, me précédant dans le colimaçon dun escalier qui promettait de hautes volées.
-Et Yep ça veut dire oui je parie, dis-je, en matant à chaque marche son temple dArtémis pas laid.
-Vous voyez que vous êtes doué pour les langues
Nous en dirons autant pour notre guide qui me séquestra dans une chambre qui sentait le fauve et le musc. Je passe les détails du grisou préliminaire, sachez quà ce stade de nos rapports, ce fût un hymne enchanteur de variétés. Au nord cétait son corps rond et le septième ciel mon horizon. Un majeur de fond entreprit, séant tenu, une descente tactile de la face boréale du mont des merveilles jusquà lexploration minière de ses moindres sentiers vicinaux. Il faut dire que la croupe de France méritait le détour et cest dix fois que je lai brandie à bout de bras et de souffle.
Dix fois, vous certifie-je. Les annales sont formelles.
Lépilogue fut cocasse à deux pas du Caucase.
Au pied de notre lucarne adultère, le car klaxonnait dimpatience tel un yack en rut tandis que la France en bas recouvrait son popotin en rose uniforme de guide accrédité. Il fallait se dépêcher ou lautre abruti de Mongol partirait sans nous. Je détournais le regard de ses joues dorées au four pour enfiler le mou lin de ma chemise
Le Po Popopopo Po des White Strippes en version sonnerie de portable retentit comme un cheveu roux dans la soupe à ma grimace de surprise. Son mobile, qui avait dû choir durant nos ébats, se manifesta au pied du lit où je me rhabillais.
-Cest rien Cest mon fiancé, me dit la belle aux mèches sang et or, en repositionnant sa barrette de chic devant le miroir de la salle deau attenante.
Jétais dans mes petits souliers, et cherchais à tâtons mes chaussettes. Bip caractéristique dun message. Elle nen fit pas cas davantage et continua de lisser ses épis dor. Je ne pus mempêcher, tout en relaçant mes boots, de scruter lécran illuminé dun MMS à deux pas de mes semelles.
Je fis le rapport et compris que le fiancé, supporter olympien, évoquait avec grâce et esprit dà propos le match de ce soir contre Lens. Nonobstant la délicatesse toute relative du message, cest limage jointe qui me glaça.
Plein écran saffichait clairement la photo dun Mug. Un Mug avec le logo de lOM. Je vous le donne en mille, un mug avec lanse entaillée deux fois. Il y a un seul Mug OM comme ça dans le monde. Mon Mug.
Un nid-de-poule plus tard, mon bleu au cur me lance au sang, et encor... Le car traçait sa route minée à travers des champs pendus dans la brume. La voix de France au micro du bus berçait mes funestes pensées dun grésillant charabia.
Ce type était venu chez moi, la preuve par mon Mug pas neuf était faite. Ainsi le fiancé de France était un des amants de Pénélope. Jen tenais au moins un, les doigts dans lanse écaillée de mon pot à déconfiture. La vengeance a parfois larrière-goût des coings perdus, ironisais-je en regardant France pas dans les yeux. Derrière son beau derrière, défilait la morne plaine de vide, le quasi rien sibérien.
Ma coupe à lanse esquintée me jouait un drôle tour et me faisait gagner et perdre le Nord en pleurant deux fois. France que ta croupe soit ma consolante
Il fût question pêle-mêle : d'un grand avatar masqué à lemploi du temps troué, mais à lEspi de synthèse, dun Cris, hanté de maux toujours finauds à terme, et d'un éléphant trompeur au petit oiseau de paradis. Elle me parla aussi avec des trémolos d'un érudit des grands fonds à la caudale puissante et à ladage avancé...
-C'est assez, murmurais-je en interceptant dun claquement de doigt la ligne bleue des Vosges qu'elle fixait telle une ravie au lit. Elle serra du poing le mug à lanse ébréchée et son ongle nerveux en écailla un peu plus la céramique. Le café long prenait le goût des discours amers, aussi lui ai-je dit de partir dune voix blanche et polie. Elle déposa mon mug où elle avait lhabitude de boire depuis tous les matins du monde et resta plantée devant moi. Mon Mug OM à la terre cuite apparente sur le pourtour de lanse. Je le fixai à mon tour et lui demandai de partir une deuxième fois, ce fût la bonne.
Partir fut le concept fondateur de cette journée frisquette de février. Mon Patron, nayant qu'assez peu apprécié mon congé pour maladie foudroyante un jour de match, menvoyait en mission à létranger. Il mavait concocté une destination pas piquée des verts horizons. Un voyage vivifiant pour la grise mine et la délocalisation sauvage. Une contrée que nous appellerons la Mochdavie pour ne froisser personne. Un sombre pays du Grand Nord pas câlin, où la nuit séternise, et laurore se suicide. Un No Mans land à lorée des taïgas givrées où les loups des steppes nont rien bouffé depuis des lustres Plus Mochdavie tu meurs.
Double peine, je devais au trou du cul du monde, me faire le suppôt de la mondialisation sodomite tout en ressassant le facteur de crise conjugale qui ne létait pas moins. Chérie sur lautre cake, je devrais finir ce parcours initiatique par la route. La région à prospecter étant ravitaillée par les pingouins, elle nétait desservie par aucune compagnie, même celle de la liste noire.
05H23. Aube blême. Arrivée à laéroport Mochdave. 2h dattente pour récupérer une valise qui arriva à moitié défoncée en bout dun tapis roulant crasseux. Impossible de la mettre en mode trolley, la poignée resta coincée. Je pestai déjà. Une fois dehors, ça klaxonne à qui mieux meugle. Une bonne douzaine de types patibulaires me proposèrent un taxi. Je refusai presque à regret à la vue du véhicule censé me conduire à destination. Un Car de touristes daprès-guerre froide, affichant sur ses flancs un improbable Toundra Tour rose pétard. Voilà, le seul moyen de transport quavait trouvé ma boîte pour me faire rejoindre le bled perdu. Je les soupçonnais de navoir pas beaucoup cherché.
Le chauffeur du car vint à ma rencontre avec ce qui pouvait être mon nom écrit sur un papier gras. Le type ressemblait au sosie de Gengis Khan. Il bouffait un sandwich à la seiche séchée, qui chlinguait à dix mètres. Un liquide jaunâtre apparenté à de la mayo dégoulinait de sa barbichette frisée sur ses sandalettes en peau. Le Mongol me reconnut au débotté malgré ma tête de deux pieds de long, et me serra la main dune poigne visqueuse avant de minviter prestement au voyage. Je fus le dernier à intégrer le bus. La porte arrière se referma dans une flatulence électropneumatique et je me vis apparaître furtivement dans les vantaux vitrés, couperet de ma réflexion. De ma désillusion aussi. Ray Ban de pilote de chasse libyen, barbe de trois jours et quelques semaines, un accent circonflexe en guise de sourire. Le car démarra à la ramasse dun moteur hoquetant.
Je me retrouvai carré sur un siège en peau de vache famélique, juste au-dessus de l'essieu arrière, sursautant à chaque nid-de-poule, maudissant les ponts et chaussées de cette contrée hostile et l'amortissement raide des bus mochdaves.
La route fut pénible à plus dun titre et je ne tardai pas à découvrir les joyeusetés des voyages en groupe. Je confisquai dès les premiers kilomètres la cloche à vache dun berger slave parkinsonien voisin de banquette. Dans le même temps, je m'apprêtai à émasculer le chauffeur Mongol qui bâfrait un sandwich aux relents ammoniaqués surpuissants. Du rognon de Yack, jen aurais mis ses coroñes à couper.
Je me détendis soudain des glandes lorsque mon regard torve se porta sur la cheftaine de l'expédition, une guide en jupe et chemisier rose de chez Toundra Tour. La fille était plutôt jolie, et dotée du surpoids dune paire de pêches proche de lobus de douze. Le tout prêt à exploser sa boutonnière. Elle se tenait déhanchée à lavant du bus, micro en main droite, lautre à la barre chromée de maintien. La vision dune stripteaseuse de bar à gogo me traversa locciput. Pas étonnant, vu que la fille était gaulée comme un zinc de chasse, avec des cheveux teintés au dioxyde de fer qui tombaient en cascade sur une chute de rein qui me laissa pantois dadoration Un cul divin mes frères, une nef de labbaye du verso, on y brûlerait son cierge à genoux.
Le larsen un peu sciant de son micro me coupa de la vision antérieure de son postérieur et me fendit louïe pour un nom orthodoxe. Au travers de la lunette, filèrent des bas-reliefs déglise germano-byzantine dont je vis que le haut. La rousse callipyge entonna létrange musique au nom de Popes à mon conduit meurtri. Je vous passe le couplet sur le piédestal dune statue déboulonnée attendant patiemment le prochain dictateur local pour retrouver une érection à la place Tout me sortait des yeux jusquaux orbites de cheval cosaque en bronze. Une mémé emperlousée fayottait au premier rang, vérifiant au doigt et à loeil sur sa brochure la véracité historique des commentaires de notre rousse accorte. Nous quittâmes la ville sans regret pour entrer dans la morosité. Un peu comme si vous fixiez une page en panne dinspiration. Le paysage devint graduellement une ligne grisâtre à la démarcation incertaine. Le ciel, cétait lhorizon. La terre, cétait le charbon de mes verres fumés sur le reflet des vitres embuées. Des champs désolés pas très entraînants à perte de vue qui laissaient rêveur sur la générosité des terres agricoles de ce coin du monde.
Notre chauffeur attaqua un autre sandwich à lodeur pestilentielle, de la tripe de mammouth dégelé peut-être. Je compatis cette fois et entrai en apnée.
Un nouveau nid-de-poule de la taille dun cratère atomique me fendit le crâne contre le porte-bagages. Je maudissais derechef lingénieur automobile responsable de cette hérésie hydraulique. En parlant damortir le voyage, encore une bosse. Mauvais souvenir.
On arrivait.
Fausse joie. Une simple halte. La mémé à la perle avance à la vitesse dun gastéropode en béquille et obstrue lallée centrale. Notre guide laide à descendre du marchepied, pas rancunière la rouquine. J'aperçois ce qui pourrait être un bar où je voudrais me rendre illico presto Ouilleeeeak cria le Mongol. Dans mon piaffement pour mextraire de ce bus, jécrase le pied du chauffeur goinfre, ce qui a le double effet salvateur de lui couper lappétit et de lui apprendre à ne pas conduire en tongues. Je mexcuse mollement en lui tapotant la chapka et sors à lair libre.
Dehors Il y a comme un soleil vague après la pluie et tout pour faire croire quon peut prendre un verre en terrasse, des parasols, un barbecue, mais cest du leurre en broche, un vent glacial vous poinçonne les oreilles jusquau rouge sang, et hors de question dy laisser un lobe lifté Jenfile le seul couvre-chef disponible de ma panoplie de grand voyageur, à savoir un bonnet de notre équipe fanion, un grotesque à pompon, cadeau de feue Pénélope la saleté . En bras de chemise, le futal enfoncé dans des après-ski de mes années Moon Boots, et le grelot en laine qui ballotte sur mes Ray Ban aviateur, je dois avoir lair dun débile profond. Je me détourne dune famille mochdave dont laîné acnéique mitraille tout le monde avec son numérique acheté au duty-free. Cest le genre de petit con à avoir un Travel-blog et à y mettre ses photos de voyage, genre soirée diapo mondiale. Lidée que je sois au vu et au su de la planète accoutré de la sorte, mest tout à fait déplaisante. Une photo qui pourrait se retrouver par pure couardise sur le forum dOpiOM avec un smiley mort de rire, sous le Topic, Opiomanes Trotteurs, ou comment le ridicule tue lamour du maillot.
Jentre dans le bar, enfin la taverne, la décoration en pierre de taille toi dici, fait plus penser à la résidence secondaire de Dracula quà un petit troquet sympa. Une tête dours à la canine cariée vous souhaite la bienvenue, sans parler des têtes de cerfs, et autres ongulés de chaque race disparue depuis lantédiluvien crétacé. Javise le barman derrière son samovar.
-Un café please. Le gars comprend pas. Jy mets du mien.
-Un coffee siouplé mon brave Il comprend toujours pas.
-Je veux un Kawa. Le gars me regarde avec le même il mort que le yack empaillé qui nous surplombe. Je suis à bout de nerf et en profite pour ôter mon bonnet ridicule.
-Fregh nkoui, ,kitec ? intervient la rousse aux beaux roberts.
-Ruykjlm ubi hyre el kitec !, répond le gars au samovar.
-Court ou long votre café ?, me demande-t-elle avec un air de bienveillance qui dhabitude irradie des madones de piéta.
Je métonne que le gars, au physique de yéti, puisse me proposer ce choix qui me semble tout à coup le comble du raffinement au vu de lendroit. Je réponds long pour faire court.
-Arhklmlsa ubi Roolkihjjusta ? ajoute le yéti.
-Arabica ou Robusta ?, me traduit encore laimable guide roucmoute .
Là, je suis las et me masse les sinus.
Quelques borborygmes plus tard me voilà attablé avec la jolie rousse, prénommée France comme lindique son Badge de guide accrédité dun léger embonpoint. Je sirote un café qui ne ressemble à aucun breuvage connu. Tout ce pataquès pour me servir une infusion au goût de sac de jute qui lui-même naurait jamais contenu de café.
-Je ne remonte pas dans ce bus, dis-je, grimaçant entre deux gorgées de linfâme breuvage.
-Vous êtes supporter de lOM ?, me répondit sa bouche ourlée déphélides.
bouse cest le pompon, elle a vu mon bonnet ridicule. Mon premier réflexe est de me justifier, de lui dire que cest le bonnet de mon petit frère et que je ne peux décemment pas refuser de le porter, que ça une valeur sentimentale surtout que ce petit frère est trisomique, non, aveugle de naissance, enfin les deux Je renonce devant le pathétisme de ce mensonge éhonté et assume avec un demi-sourire qui ne veut rien dire.
-LOM Oui javoue, jen ai bavé Pas vous ?
Le tout dit, en déchaussant mes verres fumés et en plongeant furtivement un regard sombre dans son décolleté au mont fendu Le cerveau masculin se réduisant très vite à sa plus simple expression dinstinct lubrique, jimaginais son valseur, fendu et arrondi pareillement. Lobotomisé par un afflux de testostérone. Javais déjà fait le tour de France à la vitesse dun stéroïde anabolisant.
-Non pas vraiment, enfin, cest-à-dire Pas moi La douce France ne finit pas sa phrase. Petite gêne Je ne la relance pas à dessein. Inutile de vous faire un dessin. Sinon elle va me parler de son mec, et elle nen a pas plus envie que moi. Ne provoquons pas la colère de lau-delà. Les absents ont toujours tort. Article Premier, du type qui part à la chasse et se place.
-Avec vos cheveux sang et or, jimagine Lens dans votre coeur, me trompe-je ?
France rougit. Jai fait mouche. Je la regarde avec la malice du rabatteur spécialiste de lappeau à bécasse. À ce moment, je suis le meilleur public de France.
Je pense à mon Mug OM à lanse ébréchée et la devise inscrite dessus. Ces droits obus minspirent, la croupe de France aussi...
-Saviez-vous que parmi les 193 espèces vivantes de primates, une seule, lespèce humaine, possède des fesses. Cest une caractéristique anatomique unique. Lapparition des fesses date dil y a trois ou quatre millions dannées quand laustralopithèque adopte la marche bipède, lance-je à la lensoise dun docte ton.
De deux choses lune, ou elle est sur le cul, ou je prends une tarte maison.
-Lghjtregj nuy revbki koul ? demande-t-elle au yeti près du samovar.
-Yep
-Quest-ce que vous lui avez demandé ?
-Sil avait une chambre de libre, me répond-elle.
Elle était sur le cul. Aucun doute nétait plus permis.
La guide me montra le chemin, me précédant dans le colimaçon dun escalier qui promettait de hautes volées.
-Et Yep ça veut dire oui je parie, dis-je, en matant à chaque marche son temple dArtémis pas laid.
-Vous voyez que vous êtes doué pour les langues
Nous en dirons autant pour notre guide qui me séquestra dans une chambre qui sentait le fauve et le musc. Je passe les détails du grisou préliminaire, sachez quà ce stade de nos rapports, ce fût un hymne enchanteur de variétés. Au nord cétait son corps rond et le septième ciel mon horizon. Un majeur de fond entreprit, séant tenu, une descente tactile de la face boréale du mont des merveilles jusquà lexploration minière de ses moindres sentiers vicinaux. Il faut dire que la croupe de France méritait le détour et cest dix fois que je lai brandie à bout de bras et de souffle.
Dix fois, vous certifie-je. Les annales sont formelles.
Lépilogue fut cocasse à deux pas du Caucase.
Au pied de notre lucarne adultère, le car klaxonnait dimpatience tel un yack en rut tandis que la France en bas recouvrait son popotin en rose uniforme de guide accrédité. Il fallait se dépêcher ou lautre abruti de Mongol partirait sans nous. Je détournais le regard de ses joues dorées au four pour enfiler le mou lin de ma chemise
Le Po Popopopo Po des White Strippes en version sonnerie de portable retentit comme un cheveu roux dans la soupe à ma grimace de surprise. Son mobile, qui avait dû choir durant nos ébats, se manifesta au pied du lit où je me rhabillais.
-Cest rien Cest mon fiancé, me dit la belle aux mèches sang et or, en repositionnant sa barrette de chic devant le miroir de la salle deau attenante.
Jétais dans mes petits souliers, et cherchais à tâtons mes chaussettes. Bip caractéristique dun message. Elle nen fit pas cas davantage et continua de lisser ses épis dor. Je ne pus mempêcher, tout en relaçant mes boots, de scruter lécran illuminé dun MMS à deux pas de mes semelles.
CE SOIR ON VA VOUS POUTRER
Plein écran saffichait clairement la photo dun Mug. Un Mug avec le logo de lOM. Je vous le donne en mille, un mug avec lanse entaillée deux fois. Il y a un seul Mug OM comme ça dans le monde. Mon Mug.
Un nid-de-poule plus tard, mon bleu au cur me lance au sang, et encor... Le car traçait sa route minée à travers des champs pendus dans la brume. La voix de France au micro du bus berçait mes funestes pensées dun grésillant charabia.
Ce type était venu chez moi, la preuve par mon Mug pas neuf était faite. Ainsi le fiancé de France était un des amants de Pénélope. Jen tenais au moins un, les doigts dans lanse écaillée de mon pot à déconfiture. La vengeance a parfois larrière-goût des coings perdus, ironisais-je en regardant France pas dans les yeux. Derrière son beau derrière, défilait la morne plaine de vide, le quasi rien sibérien.
Ma coupe à lanse esquintée me jouait un drôle tour et me faisait gagner et perdre le Nord en pleurant deux fois. France que ta croupe soit ma consolante
En cas de morsure de vipère, sucez-vous le genou, ça fait marrer les écureuils