04-08-2004, 07:25
Des quintets de cigales qui stridulent à rendre sourd dans le décor asséché mais pas trop révolutionnaire, il n’y a plus de repos à l’ombre des jeunes filles en fleur, rien que des pistils brûlés et du temps perdu. C’est le moment où tout s’emballe et se déballe, et d’étalages en détalages, on accuse les esprits qui s’échauffent et la nature qui s’enflamme.
C’est d’abord le marché aux couleurs de la Provence, du soleil et du sang. Les maraîchers et les agriculteurs à l’assaut de la bonne olive et de l’oseille. Mais qu’on ne s’étonne pas si la cueillette est difficile, à offrir la monnaie du pape en préambule. “Je ne suis pas intéressé” sont les mots qui se cachent sous un tel bouquet. Néanmoins le panier se rempli de produits plus ou moins frais, de bons pois a prix cassés, de jeunes pousses prêtes à mousser et de boutures semi aoûtées. Il est fini le temps des mangues et des kiwis. Plus jamais les caisses de melons égyptiens qui au lieu de sucrées avaient tourné amères, et tous les autres légumes qui n’ont su que végéter sous l’olivier. Et qu’ils ne nous parlent pas de l’arrosage ces incontinents, l’eau si rare leur fut versée plus que de raison. Alors des pommes, des poires et des scoubidous. C’est de l’ancien sans fioritures, mais toujours classieux en smoking blanc, disent-elles. Une salade de fruit jolie, jolie, qui ne plait pas à tous nos pairs. Mais il faudra bien qu’on nous marie et je vous parle d’aristoloches plutôt que d’azalées, la passion du jasmin rouge dans le langage des fleurs. Car il n’est point de mariages blancs chez les bleu ciel, pour le meilleur et souvent pour le pire, mais jusqu’à la couronne quoi qu’il advienne.
Si l’on a déjà trop vu de dahlias flotter dans l’eau lasse, ici l’on autorise les mauvais foies et les bouchées doubles. Et que tombent du ciel les paroles vertes et les pas mûres plutôt que les fruits déjà gâtés. Le goût rappelle le festival de l’éternelle cité des papes, où le gogo éberlué voit fleurir à chaque coin de rue des énormités spectaculaires, compositions de freesia blanc, pavot, choux verts, rose jaune ou hortensia bleu. On annonce des représentations exceptionnelles, du vu nulle part ailleurs et qu’on ne verra plus d’un ton railleur. C’est le temps des cerises et des poires. Lorsque chaque lendemain est une pensée offerte, la promesse d’une ère nouvelle. En voilà des tulipes et du lilas. Et tout le monde applaudit, çà colore la foule et colore le monde en un peu cramoisi. Un pot-pourri aux senteurs de tout et de rien qui finit par lasser et par passer.
Pendant ce temps-là les feuilles de choux en font des gras à pleines poignées de graines de la discorde. Elles font pousser quoi? Du vent qui enivre ceux qui veulent bien les suivre. Les pires manies qui rallument les incendies dans les pinèdes. On fout le feu aux folles haies, et il n’en faut pas plus pour calciner des calanques. La flore déjà fanée des frasques de la belle trinité n’attendais rien d’autre que de fondre en flammes. L’effet de groupe est saisissant alors il n’y a qu’à jouer le roseau, laisser tomber les chaînes et passer loutre, au fond de l’eau il y a le silence et l’attente. Laisser courir… Toutes les gueules de loup, des oeillets aux coins des yeux, se lasseront peut-être des grenades et des renoncules. Pourvu que l’on veuille bien échanger les raisins de la colère contre un bon verre de Bordeaux, en évitant les vendanges trop tardives qui ne sauraient tourner qu’au vinaigre. D’ici là on aura sûrement oscillé du rouge vermillon au grenat tuilé… Il faut prier pour ne pas finir pivoines.
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