25-02-2011, 03:16
Note de l’auteur (qui n’en mène pas large) : Si vous n’avez pas lu la Part 1 vous risquez de trouver les lignes qui suivent pour le moins absconses. Mais bien sûr chacun fait comme il veut.
Résumé de l’épisode précédent: Vous pouvez vous brosser il est encore en une.
Je me retournai péniblement dans ma couche trempée de sueur, tremblotant, à demi-comateux, le son des voix m’arrivait déformé comme au bout d’un tuyau.
Une masse en bermuda surgit dans mon champ de vision, et cette fois, malgré mes souvenirs incertains je reconnus Bouli, mon voisin du dessous. Il conversait avec l’homme au gilet jacquard qui ouvrait à présent la poche frontale d’une valisette en cuir. Bouli prenait une attitude faussement décontractée, posture déhanchée, sourire navré, et mains dans le dos où il escamotait mon mug OM entre ses grosses pognes potelées tout en faisant tourner son pouce dans l’anse ébréchée.
Des connexions neuronales éparses éclairèrent mes pensées enfumées à l’instar d’arcs électriques provocant des courts circuits dans une usine à gaz.
Je me rappelle le soir du match et Bouli qui débarque. Je me rappelle qu’il était tout penaud de la mésaventure de l’autre fois*. Je me rappelle aussi qu’il était accompagné d’une vieille dame au regard écarquillé et drôlement grossi par des lunettes épaisses…
Je me rappelle …
C’en était trop pour ma mémoire vive, je replongeai au stade où je me vis débouler en zone mixte et emprunter un couloir en sous-sol, je me vis faire face à des lumières de mini-projecteurs virevoltant comme des lucioles frénétiques. Je me vis traverser une haie de journalistes, des micros tendus et des caméras qui filmaient. Je me vis passer vite devant la presse qui m’interpellait :
Lucho por favor, Lucho…Una pregunta por favor !
Je m’entendis répondre avec un vache d’accent espagnol, moi qui avais pris teuton en deuxième langue.
Hola… Con permiso… Gracias… Cuanto cuesta los castagnettos ? Je m’entendis déblatérer des phrases toutes faites de guides touristiques, mon subconscient peu polyglotte me souffla de ne pas insister. Sans compter que tout ce barnum médiatique me faisait plus suer que le match, moi qui était pourtant un indécrottable cabot, j’avais tout dit, ou presque …
Hasta la vista journalistos !
Je me vis croiser ensuite des fans euphoriques et là, je tombais sur cette fille aux cheveux blond-vénitien et yeux vert-noisette en amande. Je la vis me sauter au cou et ne pus m’empêcher un regard fugace dans son palpitant décolleté qui aurait converti sans peine de saints ascètes au cinq à sept. Je me sentis troublé au plus profond de moi, mais me surpris à penser à une certaine Paméla, ma femme, que je ne connaissais pas, et à mes trois enfants que je n’aurais pas reconnus d’avantage. Je me vis donc dans l’obligation conjugale de passer rapidement mon chemin et de planter la plantureuse, non sans un pincement au cœur vu que cette rousse aux beaux roploplos enjolivés d’éphélides me disait furieusement quelque chose. Je l’entendis me crier que son fiancé m’aimait beaucoup, ce qui me procura une joie tout à fait démesurée.
Toujours cette douleur cuisante à ma fesse droite et ces convulsions secouant mon squelette. Je luttais contre mes paupières lourdes. Je tentais de renaître, de retrouver malgré mes tremblements sporadiques un semblant de psychomotricité et quelques capacités intellectuelles élémentaires. Je ne percevais pas distinctement ses propos, mais l’homme chauve au gilet jacquard et stéthoscope en cravate avait un mouvement de tête négatif, une moue dubitative et un froncement des plis frontaux trahissant une perplexité certaine. Bouli, lui affichait toujours cet air désolé qui m’inquiéta d’avantage.
Profitant d’un détour de tête du docteur chauve, il fourra subrepticement mon mug OM dans la poche latérale de son bermuda.
Oui… je me rappelle Bouli débarquant chez moi. Je me rappelle que Bouli, à peine entré, s’était rué sur mon frigo pour voir si j’avais bien fait les courses. Je me rappelle sa joie devant le seau de Knaki Balls tout neuf qui trônait sur la clayette du haut, signifiant concurremment qu’il allait s’empiffrer de saucisses et que je ne lui en voulais plus.
Je me rappelle qu’il était tout content de ne pas être venu les mains vides et qu’il a tout de suite cherché mon mug OM pour me faire goûter la spécialité de sa mamie. Je me rappelle que la vieille dame aux gros yeux de chouette était venu de sa campagne visiter son garnement de petit fils et quelle tenait fièrement entre ses mains un thermos en fer blanc au liseré fleuri.
Je me vis sortir du stade et me dépêcher de rejoindre ma voiture de sport avant d’être arrêté par un groupe de supporters qui tenaient un forum, certains chantaient et brandissaient des fanions argentins. Il y avait pêle-mêle agglutinés aux barrières de sécurité, une petite famille arménienne en goguette, un drôle d’oiseau éméché venu d’Espagne draguant sans vergogne des touristes asiatiques sous l’œil pessimiste d’un type à tête de basset hound, il y avait aussi cet homme mur, à la barbe longue de vieux sage, qu’on nommait pépé, un syndicaliste niçois toujours à l’apéro, un artiste sculpteur trimbalant un pic à glace, et une religieuse en cornette à l’esprit très cassant qui prenait des notes sur son livre de psaumes… Je saluais tout ce petit monde et me prêtais de bonne grâce à des photos avec une mamie aux lunettes comiques avant de signer un autographe à un type rondouillard en bermuda qui parlait la bouche pleine.
Des bribes de conversation me parvinrent :
Intoxication… … injection de Valium … syndromes post-hallucinatoire persistants … effets psychotropes hyperesthésiques … jamais vu ça.
Ensuite je me rappelle Bouli me tenir la main pour me faire signer un chèque à l’ordre de SOS médecins troqué contre une page d’ordonnance d’anti-diarrhéiques.
L’homme au gilet jacquard rangea son stéthoscope, m’observa encore une fois en penchant sa tête sur le coté. Le docteur chauve resta bouche bée, tel un nigaud, plissa son front sans sourcil en guise d’incompréhension avant de déguerpir sa valisette sous le bras, secouant à nouveau son crâne luisant.
Jamais vu ça… Jamais ! Qu’il répétait en boucle.
Je me rappelle Mémé m’assurer que je lui en dirais des nouvelles de son remède miracle, véritable baume à l’âme et que dans mon état dépressif cela serait tout indiqué. Je me rappelle avoir regardé Bouli l’air mauvais en me demandant ce qu’il avait encore bien pu lui raconter. Je me rappelle Bouli faire comme si de rien n’était, s’emparer du thermos et remplir généreusement mon mug OM du breuvage fumant.
Bouli avait beaucoup joué dans le jardin potager de sa mémé.
Vous me direz, comme tout le monde.
Sauf que Bouli, enfant précoce s’il en est, a très tôt développé un penchant naturel pour la boulette en série. Fasciné par les étiquettes des herbacées aux noms rigolos comme Thymus vulgaris, Calendula officinalis, Astragalus membranaceus, ou encore Trifolium pratense, Mentha citrata, voir l’Hypercum perforatum, le garnement s’était joyeusement essayé à la biodiversité en mélangeant les semis de Mémé à des graines échangées avec le jardinier pakistanais de son collège. Graines au nom rigolo aussi : Sativa Kafiristanica, de l’ordre des urticacées, espèce autrement appelée chanvre ou cannabis afghan, une variété dosée à 30% de composé psychoactif.
Le Bouli n’en resta pas là.
Une idée à la con germa dans son cerveau singulier, véritable alambic à stupidités. Ce petit gredin se mit en tête de croiser les espèces afin d’obtenir quelques greffons stupéfiants.
Voilà donc le Bouli mué en apprenti jardinier bouturant et marcottant à tout va dans les herbes folles. Cependant, le résultat de ces mariages forcés se faisant trop attendre, sa vocation horticole tourna court. Bouli laissa tout en plant, et se désintéressa subitement de la botanique pour Monique, fille du tripier, avec qui il préféra jouer à cache-cache dans les garde-mangers de papa.
Pendant ce temps dans la Nature, c’est connu, rien ne se perd, tout se transforme.
Surtout les soirs de pleine lune.
Et manque de pots, le mal avait pris à la racine. Serpolet, Verveine, Astragale, Trèfle rouge, Millepertuis et autre Menthe bergamote avaient salement muté.
Sans le savoir, le bambin avait réussi le prodige scientifique de métamorphoser ces pacifiques herbacés en variétés inconnues aux vertus hallucinantes bien que moins appropriées à l’infusion digestive.
Mémé Bouli possédant l’acuité visuelle d’une taupe n’y vit que du feu et continua joyeusement à les récolter pour ses décoctions. C’est ainsi que durant des années la vieille dame mitonna une drôle de potion magique.
Récemment, le suicide inexpliqué de colonies de chauve-souris qui à l’instar d’une escadrille de kamikazes s’étaient crashées par vagues dans son potager alerta le voisinage. Une descente des services vétérinaires dévoila le pot aux baies roses de l’herbier aux pouvoirs chamaniques.
Du coup, Mémé est repartie entre deux gendarmes et suit actuellement une cure de désintoxication en urgence. Bouli, lui, a été déclaré irresponsable au moment des faits. Les médecins ne se prononcent cependant pas sur les dommages collatéraux des infusions de mamie sur sa croissance et l’évolution de son système neuronal.
Je me rappelle pourtant avoir considéré le mug tendu par Bouli avec défiance.
Je me rappelle m’être dit que ça ne pourrait pas me faire de mal à défaut d’autre chose. Je me rappelle une odeur d’herbe envoutante comme la pelouse au stade du paradis.
Après je ne me rappelle plus de rien, sinon que j’étais dans la peau de Lucho Oscar Gonzales.
J’appris au hasard de lectures éclectiques que le nom Canebière viendrait de cannabis, et qu’il existait sur la carte lunaire un endroit bien nommé Lac des Songes. Je me rappelais n’y avoir vu aucun rapport de cause à effet immédiat en déposant le journal sur mon plateau de petit déjeuner. Pourtant le lendemain de la rencontre, sur l’avenue de la cité phocéenne, on évoquait ce but splendide du meneur de jeu argentin de l’Olympique de Marseille.
Une reprise de volée qui avait fini dans le petit filet.
Celui des pêcheurs de Lune qui sait ?
Allez ! Retour au Théâtre des Rêves… Me dis-je, en dévissant le bouchon en fer blanc du thermos au liseré fleuri.
Fly
Crédits à Franz Kafka et Lucho Oscar Gonzales qui chacun à leur façon m’ont prêté la tête et les jambes de ce texte en deux parties. Un emprunt sans autre intérêt que de faire sourire le ban et l’arrière banc de touche opiomane. Ceux qui comme moi ont parfois ce sentiment récurent de manque de peau.
* cf. Edito Spartak-OM du 24-11-2010
Résumé de l’épisode précédent: Vous pouvez vous brosser il est encore en une.
Je me retournai péniblement dans ma couche trempée de sueur, tremblotant, à demi-comateux, le son des voix m’arrivait déformé comme au bout d’un tuyau.
Une masse en bermuda surgit dans mon champ de vision, et cette fois, malgré mes souvenirs incertains je reconnus Bouli, mon voisin du dessous. Il conversait avec l’homme au gilet jacquard qui ouvrait à présent la poche frontale d’une valisette en cuir. Bouli prenait une attitude faussement décontractée, posture déhanchée, sourire navré, et mains dans le dos où il escamotait mon mug OM entre ses grosses pognes potelées tout en faisant tourner son pouce dans l’anse ébréchée.
Des connexions neuronales éparses éclairèrent mes pensées enfumées à l’instar d’arcs électriques provocant des courts circuits dans une usine à gaz.
Je me rappelle le soir du match et Bouli qui débarque. Je me rappelle qu’il était tout penaud de la mésaventure de l’autre fois*. Je me rappelle aussi qu’il était accompagné d’une vieille dame au regard écarquillé et drôlement grossi par des lunettes épaisses…
Je me rappelle …
C’en était trop pour ma mémoire vive, je replongeai au stade où je me vis débouler en zone mixte et emprunter un couloir en sous-sol, je me vis faire face à des lumières de mini-projecteurs virevoltant comme des lucioles frénétiques. Je me vis traverser une haie de journalistes, des micros tendus et des caméras qui filmaient. Je me vis passer vite devant la presse qui m’interpellait :
Lucho por favor, Lucho…Una pregunta por favor !
Je m’entendis répondre avec un vache d’accent espagnol, moi qui avais pris teuton en deuxième langue.
Hola… Con permiso… Gracias… Cuanto cuesta los castagnettos ? Je m’entendis déblatérer des phrases toutes faites de guides touristiques, mon subconscient peu polyglotte me souffla de ne pas insister. Sans compter que tout ce barnum médiatique me faisait plus suer que le match, moi qui était pourtant un indécrottable cabot, j’avais tout dit, ou presque …
Hasta la vista journalistos !
Je me vis croiser ensuite des fans euphoriques et là, je tombais sur cette fille aux cheveux blond-vénitien et yeux vert-noisette en amande. Je la vis me sauter au cou et ne pus m’empêcher un regard fugace dans son palpitant décolleté qui aurait converti sans peine de saints ascètes au cinq à sept. Je me sentis troublé au plus profond de moi, mais me surpris à penser à une certaine Paméla, ma femme, que je ne connaissais pas, et à mes trois enfants que je n’aurais pas reconnus d’avantage. Je me vis donc dans l’obligation conjugale de passer rapidement mon chemin et de planter la plantureuse, non sans un pincement au cœur vu que cette rousse aux beaux roploplos enjolivés d’éphélides me disait furieusement quelque chose. Je l’entendis me crier que son fiancé m’aimait beaucoup, ce qui me procura une joie tout à fait démesurée.
Toujours cette douleur cuisante à ma fesse droite et ces convulsions secouant mon squelette. Je luttais contre mes paupières lourdes. Je tentais de renaître, de retrouver malgré mes tremblements sporadiques un semblant de psychomotricité et quelques capacités intellectuelles élémentaires. Je ne percevais pas distinctement ses propos, mais l’homme chauve au gilet jacquard et stéthoscope en cravate avait un mouvement de tête négatif, une moue dubitative et un froncement des plis frontaux trahissant une perplexité certaine. Bouli, lui affichait toujours cet air désolé qui m’inquiéta d’avantage.
Profitant d’un détour de tête du docteur chauve, il fourra subrepticement mon mug OM dans la poche latérale de son bermuda.
Oui… je me rappelle Bouli débarquant chez moi. Je me rappelle que Bouli, à peine entré, s’était rué sur mon frigo pour voir si j’avais bien fait les courses. Je me rappelle sa joie devant le seau de Knaki Balls tout neuf qui trônait sur la clayette du haut, signifiant concurremment qu’il allait s’empiffrer de saucisses et que je ne lui en voulais plus.
Je me rappelle qu’il était tout content de ne pas être venu les mains vides et qu’il a tout de suite cherché mon mug OM pour me faire goûter la spécialité de sa mamie. Je me rappelle que la vieille dame aux gros yeux de chouette était venu de sa campagne visiter son garnement de petit fils et quelle tenait fièrement entre ses mains un thermos en fer blanc au liseré fleuri.
Je me vis sortir du stade et me dépêcher de rejoindre ma voiture de sport avant d’être arrêté par un groupe de supporters qui tenaient un forum, certains chantaient et brandissaient des fanions argentins. Il y avait pêle-mêle agglutinés aux barrières de sécurité, une petite famille arménienne en goguette, un drôle d’oiseau éméché venu d’Espagne draguant sans vergogne des touristes asiatiques sous l’œil pessimiste d’un type à tête de basset hound, il y avait aussi cet homme mur, à la barbe longue de vieux sage, qu’on nommait pépé, un syndicaliste niçois toujours à l’apéro, un artiste sculpteur trimbalant un pic à glace, et une religieuse en cornette à l’esprit très cassant qui prenait des notes sur son livre de psaumes… Je saluais tout ce petit monde et me prêtais de bonne grâce à des photos avec une mamie aux lunettes comiques avant de signer un autographe à un type rondouillard en bermuda qui parlait la bouche pleine.
Des bribes de conversation me parvinrent :
Intoxication… … injection de Valium … syndromes post-hallucinatoire persistants … effets psychotropes hyperesthésiques … jamais vu ça.
Ensuite je me rappelle Bouli me tenir la main pour me faire signer un chèque à l’ordre de SOS médecins troqué contre une page d’ordonnance d’anti-diarrhéiques.
L’homme au gilet jacquard rangea son stéthoscope, m’observa encore une fois en penchant sa tête sur le coté. Le docteur chauve resta bouche bée, tel un nigaud, plissa son front sans sourcil en guise d’incompréhension avant de déguerpir sa valisette sous le bras, secouant à nouveau son crâne luisant.
Jamais vu ça… Jamais ! Qu’il répétait en boucle.
Je me rappelle Mémé m’assurer que je lui en dirais des nouvelles de son remède miracle, véritable baume à l’âme et que dans mon état dépressif cela serait tout indiqué. Je me rappelle avoir regardé Bouli l’air mauvais en me demandant ce qu’il avait encore bien pu lui raconter. Je me rappelle Bouli faire comme si de rien n’était, s’emparer du thermos et remplir généreusement mon mug OM du breuvage fumant.
EPILOGUE :
Bouli avait beaucoup joué dans le jardin potager de sa mémé.
Vous me direz, comme tout le monde.
Sauf que Bouli, enfant précoce s’il en est, a très tôt développé un penchant naturel pour la boulette en série. Fasciné par les étiquettes des herbacées aux noms rigolos comme Thymus vulgaris, Calendula officinalis, Astragalus membranaceus, ou encore Trifolium pratense, Mentha citrata, voir l’Hypercum perforatum, le garnement s’était joyeusement essayé à la biodiversité en mélangeant les semis de Mémé à des graines échangées avec le jardinier pakistanais de son collège. Graines au nom rigolo aussi : Sativa Kafiristanica, de l’ordre des urticacées, espèce autrement appelée chanvre ou cannabis afghan, une variété dosée à 30% de composé psychoactif.
Le Bouli n’en resta pas là.
Une idée à la con germa dans son cerveau singulier, véritable alambic à stupidités. Ce petit gredin se mit en tête de croiser les espèces afin d’obtenir quelques greffons stupéfiants.
Voilà donc le Bouli mué en apprenti jardinier bouturant et marcottant à tout va dans les herbes folles. Cependant, le résultat de ces mariages forcés se faisant trop attendre, sa vocation horticole tourna court. Bouli laissa tout en plant, et se désintéressa subitement de la botanique pour Monique, fille du tripier, avec qui il préféra jouer à cache-cache dans les garde-mangers de papa.
Pendant ce temps dans la Nature, c’est connu, rien ne se perd, tout se transforme.
Surtout les soirs de pleine lune.
Et manque de pots, le mal avait pris à la racine. Serpolet, Verveine, Astragale, Trèfle rouge, Millepertuis et autre Menthe bergamote avaient salement muté.
Sans le savoir, le bambin avait réussi le prodige scientifique de métamorphoser ces pacifiques herbacés en variétés inconnues aux vertus hallucinantes bien que moins appropriées à l’infusion digestive.
Mémé Bouli possédant l’acuité visuelle d’une taupe n’y vit que du feu et continua joyeusement à les récolter pour ses décoctions. C’est ainsi que durant des années la vieille dame mitonna une drôle de potion magique.
Récemment, le suicide inexpliqué de colonies de chauve-souris qui à l’instar d’une escadrille de kamikazes s’étaient crashées par vagues dans son potager alerta le voisinage. Une descente des services vétérinaires dévoila le pot aux baies roses de l’herbier aux pouvoirs chamaniques.
Du coup, Mémé est repartie entre deux gendarmes et suit actuellement une cure de désintoxication en urgence. Bouli, lui, a été déclaré irresponsable au moment des faits. Les médecins ne se prononcent cependant pas sur les dommages collatéraux des infusions de mamie sur sa croissance et l’évolution de son système neuronal.
Je me rappelle pourtant avoir considéré le mug tendu par Bouli avec défiance.
Je me rappelle m’être dit que ça ne pourrait pas me faire de mal à défaut d’autre chose. Je me rappelle une odeur d’herbe envoutante comme la pelouse au stade du paradis.
Après je ne me rappelle plus de rien, sinon que j’étais dans la peau de Lucho Oscar Gonzales.
POST SCRIPTUM :
J’appris au hasard de lectures éclectiques que le nom Canebière viendrait de cannabis, et qu’il existait sur la carte lunaire un endroit bien nommé Lac des Songes. Je me rappelais n’y avoir vu aucun rapport de cause à effet immédiat en déposant le journal sur mon plateau de petit déjeuner. Pourtant le lendemain de la rencontre, sur l’avenue de la cité phocéenne, on évoquait ce but splendide du meneur de jeu argentin de l’Olympique de Marseille.
Une reprise de volée qui avait fini dans le petit filet.
Celui des pêcheurs de Lune qui sait ?
Allez ! Retour au Théâtre des Rêves… Me dis-je, en dévissant le bouchon en fer blanc du thermos au liseré fleuri.
Fly
Crédits à Franz Kafka et Lucho Oscar Gonzales qui chacun à leur façon m’ont prêté la tête et les jambes de ce texte en deux parties. Un emprunt sans autre intérêt que de faire sourire le ban et l’arrière banc de touche opiomane. Ceux qui comme moi ont parfois ce sentiment récurent de manque de peau.
* cf. Edito Spartak-OM du 24-11-2010
En cas de morsure de vipère, sucez-vous le genou, ça fait marrer les écureuils