27-10-2011, 01:16
Je me collais à l’édito du match de Dijon et bien sûr rien ne me venait.
Je labourais mon cerveau à la recherche d’un germe d’hypothèse valable, mais mon bulbe se trouva aussi fertile qu’un champ de topinambour en lisière de Tchernobyl. Je creusais, mais buttais invariablement sur une chape en béton armé. J’avais l’imagination aussi débordante qu’une passe en retrait de Lucho Gonzales.
Zéro idée, le vide, sec, nada … Drrrrriiiing !
Et c’est évidemment quand j’avais zéro idée que Bouli débarquait à la maison, excité tel la puce (comparaison osée vu la corpulence du bonhomme). Le rituel était immuable. Mon cher voisin, à qui il en arrivait toujours une bien bonne, et qui avant toute chose commença par me taxer un pack de bière et un sac de chips. Ensuite j’eus droit à son emblématique : « Tu sais quoi ? » alors qu’il s’asseyait sur mon canapé, non sans me faire savoir que ce n’était pas sa marque préférée de chips et qu’il n’y avait plus de Knaki Balls dans le frigo.
Ma réponse fut immuable itou: Un regard hébété à son endroit suivi d’un massage compulsif de mes sourcils
-« J’ai fait un casse ! » Lâcha-t-il.
Pardon ? Un casse ? Là ce fut une attaque de panique qui m'étreignit. Je blêmis, tournai la tête à droite et à gauche comme si je fus entouré tout à coup de mille paires d’yeux. Je ne pus m'interdire de jeter un oeil par la fenêtre pour savoir si Bouli n'était pas poursuivi par une meute de fourgons bardés de gyrophares, si le GIGN et ses tireurs d’élite étaient sur le toit d’en face, s’il avait du sang sur les mains ou je ne sais quelles autres idées saugrenues.
Totalement crétin je le concède, réflexe pavlovien d'une imagination conditionnée par des années de séries télévisées sans doute, mais je ne me sentais pas très bien, suant des tempes, à deux doigts de lever les mains en l’air et clamer à l’inspecteur imaginaire qui me braquait dans le dos que je n’avais jamais vu ce type de ma vie.
Bouli connais pas!
Il est parfois terrifiant de constater que le penchant naturel de l’être humain est de s’en laver les mains illico presto. Surtout s'il s'agit de son voisin de palier. Hors la loi de surcroit.
N’étant pas très fier de cet empressement pour le moins collaborationniste, je me penchais vers lui avec un air désolé et écoutais la suite avec plus de compassion.
Bouli m’expliqua qu’il avait braqué un pressing.
-« Un pressing ? »
-Le Pressing de la Place. L’impec à Sec. Tu vois ?
Je voyais très bien j’y laissais mon linge de temps en temps. Du coup j’essayais de me rappeler si j’avais récupéré mes chemises. Oui, tout allait bien… Il pouvait continuer. L’égoïsme c’est comme l’envie de pisser, vous avez beau lutter, ça ne vous lâche pas vraiment.
On se retient, c’est tout.
Bouli avait fait le coup avec son cousin Nono, intermittent du spectacle en cafétéria d’entreprise, dont vous vous rappelez peut-être. Tous deux s'étaient mis en tête de récupérer coûte que coûte le costume de clown du dit Nono, pris en gage par le patron du pressing. Et pour cause.
Deux ans de factures impayées par Bouli.
Deux putains d’années que vous me devez ! C’est un punaise de record à la con, et c’est moi le con! Qu’il avait gueulé le patron en confisquant le pantalon bouffant et la gabardine sous cellophane.
Evidemment aucun des cousins ne pouvait régler la note. Le hic c’est que Nono avait préparé un numéro exceptionnel pour le festival de Cannes.
-« Cannes ? M’étonnai-je.
-Cannes-Ecluse en Seine-et-Marne. me précisa mon voisin. »
C'est le festival des clowns d’entreprise, La biennale du rire événementiel qui se tenait après-demain. Une manifestation incontournable et il ne pouvait décemment pas y aller sans costume. L’habit fait le clown, qu’il dit toujours Nono. Son bel habit à carreaux écossais avec jabot intégré, ses gants à trois doigts et sa cape électrifiée à pois vert clignotant … sans compter ses mocassins-pantoufles en 62. Non, il ne fallait pas s'y tromper, le rapt inopiné du costume par le patron du pressing représentait un handicap majeur pour le cousin.
Une véritable catastrophe pour ma carrière internationale ! Qu’il avait gueulé Nono.
Bouli me sortit de sa poche un plan dessiné au feutre sur une serviette en papier à l’effigie du KFC.
-« Regarde… Ca, c’est mon plan. Le rond c’est la bouche d’ égout. La croix noire c’est la remise du pressing. Avec un mouvement frénétique de son index boudiné Bouli surligna virtuellement une flèche orange transversale censée représenter la canalisation souterraine qui reliait les deux points.
Tu vois le truc : Pile poil en ligne. Droit devant ! M’expliqua-t-il sans sourciller. »
Selon les dires de Bouli, il n’ y avait qu’à suivre le collecteur et on se retrouvait au-dessous de la remise du pressing.
-« On s’est dit qu’ensuite il suffirait de remonter par la conduite des eaux usées. Celle d’une laverie devrait être bien large, on passerait facile qu’on s’est dit aussi…et.
-Et donc ? Je l’encourageais à accélérer le récit alors que Bouli s’enfilait sa troisième Kro.
-Je te passe les détails du tout à l’égout. L'obscurité qui sent la bouse, l’humidité qui sent la bouse et des rats gros comme des marcassins et qui sentent la bouse aussi et…
-Tu devais pas me passer les détails ?
-Si, bref, on s’est pas vraiment retrouvé dans la remise du Pressing. M’avoua-t-il. On s’était bien gouré. On a pas dû bien suivre mon plan !»
Là j’ai souri.
« Avec Nono, poursuivit-il, on a émergé dans un endroit tout propre, une grande salle climatisée et tout, avec des étagères jusqu’au plafond. Mais il n’y avait pas d’habit sur ces étagères. Non, on aurait dit comme des boites superposées. Des centaines et des centaines. En fait c'était pas vraiment des boites, juste des parallélépipèdes parfaits, tous bien rangés et alignés, empilés les uns sur les autres. Tous exactement de la même taille et de la même couleur. Une couleur incroyable qui brillait dans la pénombre.
Un jaune vif et luisant comme celui de l’or qu’on s’est dit en braquant la lampe frontale dessus et… »
Bouli eut un relent de bière.
-« ET DONC!
-Et donc rien… On est reparti. Nono était furax.
-Vous êtes parti comme ça ? Vous n’avez rien pris ?
-Rien…
-Rien de rien ? Insistai-je
-C’était pas à nous !
- … Incontestablement ! Répondis-je, en parfait faux cul…
-En plus, c’est pas là qu’on trouverait son habit de clown qu’on s’est dit.
-Bien sûr… soupirai-je avec la même hypocrisie de façade.
-Mais ne t’inquiète pas … J’ai trouvé une idée de remplacement pour son costume de clown.
-Ah ?
-Tu sais quoi ? Ben, Le maillot de l’OM que tu m’avais offert pour mon anniv. Bon il est trop grand pour Nono, mais pour le coup ça fait la blague, en plus ça évite d’acheter le short.
-Tu es en train de me dire que ton cousin, Nono le clown, sera habillé en joueur de L’OM au festival de Cannes Ecluse?.
-Pas mal mon idée non ? Soit pas mauvais joueur… c’est le concept du numéro. Un truc à faire tordre un séminaire de cadre sup ça, non ?
-C’est vrai qu’en Seine-et-Marne ça peut bien faire marrer. Grimaçai-je
-Bon c’est pas tout ça ! J’y vais moi. Si on veut gagner la Palme en caoutchouc, faut que je lui fasse répéter son 4-4-2. Nono il y connaît rien en footballistique.
Je me contentai d’un regard torve pour toute réponse et l’accompagna sur le seuil de mon logis.
-Dis donc ?
-Quoi ?
-Tu crois que j’ai pas vu ta tête quand je t’ai dit qu’on avait rien pris. Me lança-t-il
-N’importe quoi… Dis-je en refermant la porte. »
Bouli m’avait menti.
Je le découvris un peu plus tard en ouvrant mon réfrigérateur. Il avait bien ramené quelque chose de son escapade dans les égouts et le bougre m’en avait fait cadeau.
Son butin trônait sur la clayette du milieu et scintillait d’une lueur jaune vif sous la loupiotte grillagée du frigo.
Sacré Bouli, pensais-je, en approchant mon visage du lingot emballé dans un plastique transparent.
Mon voisin avait cent fois raison: j’étais bel et bien dépité à l’idée qu'il ne fût pas un voleur d’or. Moi, le pleutre qui était prêt à le jeter aux forces de l’ordre peu de temps auparavant.
La conscience était effectivement une matière molle, une matière à tartiner comme la …
J’étais face au précieux parallélépipède étincelant.
Devant mes yeux incrédules, collé à l’emballage sous vide, un post-it sur lequel on pouvait lire:
Ca ira très bien avec les Knaki-balls ;-)
De la moutarde... 5 Kilos au bas mot. Bouli et Nono le clown avaient braqué la chambre froide d’un grossiste en moutarde de Dijon.
Voici enfin le rapport trivial avec le match qui vous saute aux yeux et me monte au nez.
Fly.
M... j’allais oublier les pronos du Loto et Colle.
Sans commentaire promis juré ! @ Cynik
Dijon-OM. 2
QSG- Caen. 1
Montpellier-Nancy. N
Evian-Auxerre. 1
Brest-Lorient . N
Lyon- Saint-Etienne. 1
Ajaccio-Bordeaux. 2
Toulouse-Rennes. 2
Nice-Sochaux. N
Valenciennes-Lille. 2
PS : C’est Nono qui a rempli la grille en guise de training. Je dis ça, je dis rien…
En cas de morsure de vipère, sucez-vous le genou, ça fait marrer les écureuils