19-11-2012, 14:11
Le film du match.
« C’était un gros bus bleu et blanc, avec sièges assortis, la clim, les vitres fumées, même blindées à ce qui paraît, la moquette au sol, un mini bar et tout. Y avait même des télés accrochées au plafond de l’allée.
Fatche de con...J’étais comme un dingue. C’était trop beau. Je me suis assis en pinçant le cuir pleine fleur de la sellerie pour être sûr que je ne rêvais pas.
Ah la vache ! Si mon beauf m’avais vu, lui et sa pauvre Clio Sport intérieur skaï et son déo OM qui pendouille au rétro…
C’est là qu’un grand black appelé Souley m’a mis abruptement la main sur l’épaule, il a froncé les sourcils et m’a demandé avec l’air engatsé si ça me gênait pas de prendre la place des pros… ?
punaise de con, j’ai bondi du siège pour lui laisser la place en balbutiant que j’étais désolé, rouge comme une tomate de cavaillon.
-C’est le melon à Cavaillon Papy ! Lança une petite fille espiègle à l’encontre du narrateur.
-Oui, t’as raison ma petitoune. Rouge comme un Melon que j’étais. dit le vieil homme tout en portant à ses lèvres rabougries un peu de camomille brûlante.
-Bon et Alors? Relança une des têtes blondes assises en arc de cercle autour de lui.
-Ben Alors … le gars Souley est parti d’un grand éclat de rire et m’a dit qu’il plaisantait. Il m’a fait remarqué que le bus était à moitié vide et qu’il y avait de la place pour tout le monde. C’était sympa de sa part. J’ai fait un clin d’œil à Bilel, un joueur du centre, qui s’en foutait un peu. Il avait plus l’habitude lui et il s’est remis à pioncer sous son bonnet D&G.
-Mais sinon le match... T’es rentré ou pas? S’enthousiasma la petite.
Quand le coach m’a dit: "Allez Laurent va t’échauffer!", j’ai pas osé lui dire que je m’appelais Fabrice, faut dire que le coach, il me connaissait pas bien. C'est même la première fois qu'il me voyait.
- Mais t’as joué ou pas ? Alors ? S’impatienta le petit garçon tout en mâchouillant une tétine en chair synthétique.
-Ouais mon petit gars, 20 minutes que j’ai joué… Sur un terrain avec du vrai gazon bien tondu comme dans le jardin des riches… je m’en souviens comme si c’était hier. Le stade était plein de gens qui avaient payé leur place. Mon cœur faisait des bonds de koala.
-Kangourou papy…
-Ah?…Bon. Bref, Je n’en revenais pas les enfants. Des gens avaient payé pour me voir jouer au foot. Vous vous rendez compte? Des vrais supporters professionnels, des ultras avec casquettes, maillots à 80 boules, écharpes tifos et tout le bazar... Ca gueulait de partout. Une ambiance de feu qui me changeait de la corne de brume enrouée de mon beauf qui venait me voir jouer tous les dimanches après-midi à Consolât. Parfois même qu'il me faisait un peu honte à lancer le barbecue derrière les buts avant la fin du match. Il disait que ça faisait fumigène. Ca puait la merguez rance de chez ED.
-Et Après papy ? Et Après ? Quémandèrent en cœur les petits enfants.
Là, Papy Fab a embronché son thermos de camomille en faisant de grands gestes incertains.
- J'étais à donf. J'ai couru comme un dératé pour toucher le ballon. punaise con... ça allait vite... au bout de cinq minutes je tirais déjà une de ces punaise de langue de boeuf. Mais je me suis accroché les enfants... Et ça a payé...
-Raconte! Raconte !???? S'exclama la marmaille subjuguée.
Le vieil homme leva péniblement son bras droit. Ses doigts crochus d’arthrose s'écartèrent lentement avant de se détacher, telle une fourche édentée à contre-jour du plafonnier fluorescent.
-Trois ballons que j’ai touché ! Reprit-il. Vous entendez… Oui, Trois ballons avec le logo Ligue 1 dessus, j’ai même voulu le garder à la fin du match mais l’arbitre m’a dit que non. C’était la crise à l’époque.
-C’est vrai que t’as pris un carton Papy Fab?
-Ah oui un joli petit jaune des familles. Je l’ai gardé celui là, il restera à jamais dans les annales. En fait, j’ai voulu faire une reprise de volée. J’ai pas eu le ballon mais j’ai pas loupé Planus. Je lui ai mis un punaise de caramel à Planus. Ah, Planus ! Vous savez plus qui sait hein ? Planus Premier comme on l’appelait. L’empereur. Un colosse de près de 2m, un des meilleurs défenseurs de l’époque.
Je peux te dire qu’il s’en souvient encore… j’en ai fait du petit bois dont on fait les flûtes…
Papy Fab s’emballait à l’évocation de ses souvenirs et commença à parler de son passage à la télé, que c’était pas comme avec son beauf qui pour se marrer l’interviewais avec son Samsung. Là c’était la vrai télé, la radio, la presse internationale….
Il fut interrompu par une dame en blouse blanche qui déclara à la petite famille que la visite était terminée.
Papy devait se reposer à présent.
« Faudra nettoyer », soupira-t-elle en pointant la flaque de camomille explosée qui faisait comme une tache en étoile dorée sur le lino. Il y dansaient des arcs en ciels poisseux comme aux confins des mondes perdus.
Elle débloqua le frein et fit faire un prompt demi-tour à la chaise à roulettes où se tenait Monsieur Apruzesse.
Faut dire qu’après 20 ans de football sur des terrains aux surfaces improbables, l’ancien joueur amateur avait le cartilage des genoux en sciure. Le vieil homme ne pouvait plus marcher. Elle le raccompagna à sa chambre.
La 73, comme sa minute de gloire du 18 novembre 2012.
-Et Papy Fab comment il s’appelait ton club ? Demanda le petit en voyant son grand-père s’éloigner dans le couloir qui sentait l’ammoniaque.
-L’OM petit, il s’appelait l’OM!
Extrait du journal de Fabrice Apruzesse.
Maison de retraite « Le banc de touche » Novembre 2062
Les Notes :
Zéro pointé à tout le monde. Un double à Amalfitano et Cheyrou, un plat du pied à Ayew, un au cul pour Omrani, du Ginseng pour Dieu, et un maillot floqué à Fabrice Apruzesse.
Triple zéro au Club pour l’avoir invité à ce dîner de cons. Toute la France du foot a bien ri. T’inquiète Fab, en quelque sorte on a été tous conviés. Et je pèse ce mot.
Le lot de Consolât, c’est qu’en un seul soir t’as dû gagné deux ans de course chez ED, c’est ton beauf qui va être content.
Sinon un Grand Merci à la Commanderie Suprême, La Blonde et Labrune, d’avoir ouvert un salon de coiffeurs. Un pelé pour trois tondus. Ca c’est de la formation qui rapporte. On l’appellera « Chez José ».
A présent : Chauve qui peut ! Pas vrai Elie ?
Conclusion
En compassion d’habitude je m’y connais pas mal les pioupious . Mais c’est la première fois que j’ai pitié en braillant des insultes.
« C’était un gros bus bleu et blanc, avec sièges assortis, la clim, les vitres fumées, même blindées à ce qui paraît, la moquette au sol, un mini bar et tout. Y avait même des télés accrochées au plafond de l’allée.
Fatche de con...J’étais comme un dingue. C’était trop beau. Je me suis assis en pinçant le cuir pleine fleur de la sellerie pour être sûr que je ne rêvais pas.
Ah la vache ! Si mon beauf m’avais vu, lui et sa pauvre Clio Sport intérieur skaï et son déo OM qui pendouille au rétro…
C’est là qu’un grand black appelé Souley m’a mis abruptement la main sur l’épaule, il a froncé les sourcils et m’a demandé avec l’air engatsé si ça me gênait pas de prendre la place des pros… ?
punaise de con, j’ai bondi du siège pour lui laisser la place en balbutiant que j’étais désolé, rouge comme une tomate de cavaillon.
-C’est le melon à Cavaillon Papy ! Lança une petite fille espiègle à l’encontre du narrateur.
-Oui, t’as raison ma petitoune. Rouge comme un Melon que j’étais. dit le vieil homme tout en portant à ses lèvres rabougries un peu de camomille brûlante.
-Bon et Alors? Relança une des têtes blondes assises en arc de cercle autour de lui.
-Ben Alors … le gars Souley est parti d’un grand éclat de rire et m’a dit qu’il plaisantait. Il m’a fait remarqué que le bus était à moitié vide et qu’il y avait de la place pour tout le monde. C’était sympa de sa part. J’ai fait un clin d’œil à Bilel, un joueur du centre, qui s’en foutait un peu. Il avait plus l’habitude lui et il s’est remis à pioncer sous son bonnet D&G.
-Mais sinon le match... T’es rentré ou pas? S’enthousiasma la petite.
Quand le coach m’a dit: "Allez Laurent va t’échauffer!", j’ai pas osé lui dire que je m’appelais Fabrice, faut dire que le coach, il me connaissait pas bien. C'est même la première fois qu'il me voyait.
- Mais t’as joué ou pas ? Alors ? S’impatienta le petit garçon tout en mâchouillant une tétine en chair synthétique.
-Ouais mon petit gars, 20 minutes que j’ai joué… Sur un terrain avec du vrai gazon bien tondu comme dans le jardin des riches… je m’en souviens comme si c’était hier. Le stade était plein de gens qui avaient payé leur place. Mon cœur faisait des bonds de koala.
-Kangourou papy…
-Ah?…Bon. Bref, Je n’en revenais pas les enfants. Des gens avaient payé pour me voir jouer au foot. Vous vous rendez compte? Des vrais supporters professionnels, des ultras avec casquettes, maillots à 80 boules, écharpes tifos et tout le bazar... Ca gueulait de partout. Une ambiance de feu qui me changeait de la corne de brume enrouée de mon beauf qui venait me voir jouer tous les dimanches après-midi à Consolât. Parfois même qu'il me faisait un peu honte à lancer le barbecue derrière les buts avant la fin du match. Il disait que ça faisait fumigène. Ca puait la merguez rance de chez ED.
-Et Après papy ? Et Après ? Quémandèrent en cœur les petits enfants.
Là, Papy Fab a embronché son thermos de camomille en faisant de grands gestes incertains.
- J'étais à donf. J'ai couru comme un dératé pour toucher le ballon. punaise con... ça allait vite... au bout de cinq minutes je tirais déjà une de ces punaise de langue de boeuf. Mais je me suis accroché les enfants... Et ça a payé...
-Raconte! Raconte !???? S'exclama la marmaille subjuguée.
Le vieil homme leva péniblement son bras droit. Ses doigts crochus d’arthrose s'écartèrent lentement avant de se détacher, telle une fourche édentée à contre-jour du plafonnier fluorescent.
-Trois ballons que j’ai touché ! Reprit-il. Vous entendez… Oui, Trois ballons avec le logo Ligue 1 dessus, j’ai même voulu le garder à la fin du match mais l’arbitre m’a dit que non. C’était la crise à l’époque.
-C’est vrai que t’as pris un carton Papy Fab?
-Ah oui un joli petit jaune des familles. Je l’ai gardé celui là, il restera à jamais dans les annales. En fait, j’ai voulu faire une reprise de volée. J’ai pas eu le ballon mais j’ai pas loupé Planus. Je lui ai mis un punaise de caramel à Planus. Ah, Planus ! Vous savez plus qui sait hein ? Planus Premier comme on l’appelait. L’empereur. Un colosse de près de 2m, un des meilleurs défenseurs de l’époque.
Je peux te dire qu’il s’en souvient encore… j’en ai fait du petit bois dont on fait les flûtes…
Papy Fab s’emballait à l’évocation de ses souvenirs et commença à parler de son passage à la télé, que c’était pas comme avec son beauf qui pour se marrer l’interviewais avec son Samsung. Là c’était la vrai télé, la radio, la presse internationale….
Il fut interrompu par une dame en blouse blanche qui déclara à la petite famille que la visite était terminée.
Papy devait se reposer à présent.
« Faudra nettoyer », soupira-t-elle en pointant la flaque de camomille explosée qui faisait comme une tache en étoile dorée sur le lino. Il y dansaient des arcs en ciels poisseux comme aux confins des mondes perdus.
Elle débloqua le frein et fit faire un prompt demi-tour à la chaise à roulettes où se tenait Monsieur Apruzesse.
Faut dire qu’après 20 ans de football sur des terrains aux surfaces improbables, l’ancien joueur amateur avait le cartilage des genoux en sciure. Le vieil homme ne pouvait plus marcher. Elle le raccompagna à sa chambre.
La 73, comme sa minute de gloire du 18 novembre 2012.
-Et Papy Fab comment il s’appelait ton club ? Demanda le petit en voyant son grand-père s’éloigner dans le couloir qui sentait l’ammoniaque.
-L’OM petit, il s’appelait l’OM!
Extrait du journal de Fabrice Apruzesse.
Maison de retraite « Le banc de touche » Novembre 2062
Les Notes :
Zéro pointé à tout le monde. Un double à Amalfitano et Cheyrou, un plat du pied à Ayew, un au cul pour Omrani, du Ginseng pour Dieu, et un maillot floqué à Fabrice Apruzesse.
Triple zéro au Club pour l’avoir invité à ce dîner de cons. Toute la France du foot a bien ri. T’inquiète Fab, en quelque sorte on a été tous conviés. Et je pèse ce mot.
Le lot de Consolât, c’est qu’en un seul soir t’as dû gagné deux ans de course chez ED, c’est ton beauf qui va être content.
Sinon un Grand Merci à la Commanderie Suprême, La Blonde et Labrune, d’avoir ouvert un salon de coiffeurs. Un pelé pour trois tondus. Ca c’est de la formation qui rapporte. On l’appellera « Chez José ».
A présent : Chauve qui peut ! Pas vrai Elie ?
Conclusion
En compassion d’habitude je m’y connais pas mal les pioupious . Mais c’est la première fois que j’ai pitié en braillant des insultes.