02-09-2013, 10:59
MORTEL TRANSFERT
Le feuilleton de l'été. Une exclusivité OpiOM. Extrait du script vendu à Canal plus.
Intérieur Soir. Petit Salon privé. Palace Parisien, étage confidentiel accessible par ascenseur VIP.
Vincent se dit que le plafond a été repeint avec du Winsborne White de chez Farrow & Ball, très classe ce blanc, il en mettrait bien chez lui. Les moulures et corniches crénelées typiques du style haussmannien sont nickels, refaites à neuf aussi et ornées de motifs fruitiers aux angles. Son œil s’attarde sur une rosace en stuc avec grappe de raisins en bas-relief et une paire de feuilles de vigne enroulées.
Ca doit valoir une blinde de restaurer ces trucs là pensa-t'il.
Histoire de pas tomber dans l’auto-hypnose, Vince s’accroche à ces grappes de raisins comme un touareg mort de soif garde en vue l’oasis sur l’horizon car le reste du plafond est un désert blanc immaculé et malgré la qualité de la peinture, Vince a du mal à y trouver un point d’appui visuel qui dépasse la minute.
A l’autre bout de la table de réunion, Michel lui, a choisi de fixer la pointe de ses pompes. Un mocassin New Yorker de chez Weston, grainé noir qui rappelle la texture « caviar » du galuchat. C’est sa chaussure droite et il se demande avec un brin de curiosité si l'autre est aussi impeccablement cirée.
Ca fait bien 10 minutes qu’un silence de plomb s’est abattu entre les deux hommes. Aucune stratégie, ni pensée profonde ne leur traversent plus l’esprit. Aucune fulgurance ne s’échappe de leur cerveau amorphe à cette heure avancée. Ils évitent juste de croiser leur regard pour les porter selon des angles opposés sur d’indicibles détails, s’enfermant chacun dans l’observation mutique d’une rosace de plafond du 19ème siècle ou les reflets mats d’un cuir pleine fleur.
-Tu me files ces 15 patates, oui ou bouse Vince ? Dit Michel qui choisit de briser le silence tout en décroisant ses jambes de façon à avoir à présent son pied gauche en visu.
-Non Michel, tu sais très bien que le gamin ne les vaut pas… dit Vince en lâchant sa grappe des yeux pour les planter dans les lunettes de Michel où se reflète le contrat posé sur la table.
-Il ne les vaut pas, mais tu le veux, alors il le vaut bien.
Michel est content de son trait d’esprit et lâche un sourire furtif à Vince qui le lui rend. Peut-être est ce l’allusion à cette pub pour laque, toujours est-il que Vince se passe machinalement la main dans ses mèches et retourne à la contemplation de la vigne sculptée au plafond, il remarque une mini fissure à la pointe d’une des feuilles. Michel semble repérer une imperfection sur son mocassin et époussette une peluche microscopique du revers de l’index.
Dehors l’après-midi était déjà bien entamée, les volets à persiennes laissent filtrer des rais aux teintes imperceptiblement ambrées. Pour autant, La situation entre les deux hommes reste au summum du statu quo et n’a toujours pas évolué d’un iota.
-Je rajoute Amalfitano, lance Vince en posant ses coudes sur la table et en joignant ses doigts à hauteur de son nez.
-Tu me prends pour un rosbif Vince. Il a quasi le salaire et le rendement de Kalou. J'ai déjà donné. Si tu me proposes le petit frère Ayew c’est niet aussi, j’ai m’a dose de petits cons. Le grand frère à la rigueur… mais je garde les bonus.
Là, comment dire, il y a bien une réponse qui traverse l’esprit de Vince. Un truc dans le genre : « … et puis quoi encore mon chti père, un back room dans une boîte à strip avec en sus une pipe au Get 27, Hein t’en dis quoi Michou ? »
Mais il s’abstint car ce soir en terme de relation sexuelle tarifée, Vince ne connaissait que trop bien le prix de la vaseline.
-Ok pour Quinze, bonus compris, à prendre ou à laisser Michel, après tu te démerdes avec le gamin et bonjour l’ambiance dans ton vestiaire et les tribunes. Si tu le ramènes à l'entrainement avec Balmont et Rio, je parie que le petit finit avec le genou dans la boite à gant. Je ne te parle pas non plus des supporters qui voudront le lyncher voire lui enfiler une corne de brume dans le fondement à la sortie du stade. Si t’engages pas le RAID ou les tortues Ninja pour le protéger, ben ta pépite vaudra tripette. Avec tout ça si à la fin de la saison, ton équipe finit devant Guingamp tu pourras t’estimer heureux. Bref je te prédis un joyeux bordel au LOSC. Je te parle pas non plus des traites et des loyers pour ton stade tout neuf. Aubry attend que ça pour dénoncer le foot buisness et lancer un plan d'urbanisme révolutionnaire et transformer ton joujou en logements sociaux avec espace vert privatif. Au final, la Martine se fait réélire en fanfare et toi tu perds une tonne.
Michel fait une moue signe que Vince avait touché un point sensible et ramène ses deux mocassins au sol tout en fixant son interlocuteur pour la première fois depuis des plombes. Michel renonça à mieux voir le visage de Vince dans la pénombre naissante du soir, seule sa tignasse poivre et sel flambait dans un éclat de soleil couchant.
-Je prends Vincent. Dit Michel tout en se saisissant de son iphone5 qui jusqu’à lors faisait office de presse papier au contrat posé sur la table.
Pas trop tôt.
Vince en avait plein la mise en plis de ce transfert à la con. Fin des négociations. Si après tout ce merdier, Baup me fait entrer le gamin à la 89ème minute à tous les matchs, je lui fais bouffer sa collection de casquettes par la visière.
Il y eut une poignée de mains pas franche ni virile entre les deux hommes et un rictus constipé réciproque qui ne donna pas le change non plus.
Vince avait obtenu le joueur pourtant il se sentait comme après une partie de poker perdue. Il s’était fait enflé, ratiboisé, plumé, par le vieux et il le savait. Vince soupira tout en ramenant ses mèches sur sa nuque. Un mouvement de tête qui reporta immanquablement la ligne de son regard vers le plafond mouluré.
L’ultime contemplation de la feuille de vigne en stuc lui rappela que malgré tout, même à poil le premier venu pouvait rester digne.
Etre ou ne pas être digne telle est la question qui tard ou tôt vint à l’esprit de tous les présidents.
D’ailleurs, 15 millions c'est le prix semblerait-il pour être Digne cette année.
Post Scriptum :
Intérieur soir. Un liftier appuie sur le bouton lobby. Les portes se referment sur les deux hommes aux traits tirés.
-Pour l’annonce Michel, c’est moi qui appelle l’Equipe et l’AFP, dit Vince en ajustant son écharpe Paul Smith dans le miroir de l’ascenseur.
-Si tu veux. Mais j’ai déjà twitté, répondit Michel en rangeant son mobile dans sa poche intérieure.
Fly
Le feuilleton de l'été. Une exclusivité OpiOM. Extrait du script vendu à Canal plus.
Intérieur Soir. Petit Salon privé. Palace Parisien, étage confidentiel accessible par ascenseur VIP.
Vincent se dit que le plafond a été repeint avec du Winsborne White de chez Farrow & Ball, très classe ce blanc, il en mettrait bien chez lui. Les moulures et corniches crénelées typiques du style haussmannien sont nickels, refaites à neuf aussi et ornées de motifs fruitiers aux angles. Son œil s’attarde sur une rosace en stuc avec grappe de raisins en bas-relief et une paire de feuilles de vigne enroulées.
Ca doit valoir une blinde de restaurer ces trucs là pensa-t'il.
Histoire de pas tomber dans l’auto-hypnose, Vince s’accroche à ces grappes de raisins comme un touareg mort de soif garde en vue l’oasis sur l’horizon car le reste du plafond est un désert blanc immaculé et malgré la qualité de la peinture, Vince a du mal à y trouver un point d’appui visuel qui dépasse la minute.
A l’autre bout de la table de réunion, Michel lui, a choisi de fixer la pointe de ses pompes. Un mocassin New Yorker de chez Weston, grainé noir qui rappelle la texture « caviar » du galuchat. C’est sa chaussure droite et il se demande avec un brin de curiosité si l'autre est aussi impeccablement cirée.
Ca fait bien 10 minutes qu’un silence de plomb s’est abattu entre les deux hommes. Aucune stratégie, ni pensée profonde ne leur traversent plus l’esprit. Aucune fulgurance ne s’échappe de leur cerveau amorphe à cette heure avancée. Ils évitent juste de croiser leur regard pour les porter selon des angles opposés sur d’indicibles détails, s’enfermant chacun dans l’observation mutique d’une rosace de plafond du 19ème siècle ou les reflets mats d’un cuir pleine fleur.
-Tu me files ces 15 patates, oui ou bouse Vince ? Dit Michel qui choisit de briser le silence tout en décroisant ses jambes de façon à avoir à présent son pied gauche en visu.
-Non Michel, tu sais très bien que le gamin ne les vaut pas… dit Vince en lâchant sa grappe des yeux pour les planter dans les lunettes de Michel où se reflète le contrat posé sur la table.
-Il ne les vaut pas, mais tu le veux, alors il le vaut bien.
Michel est content de son trait d’esprit et lâche un sourire furtif à Vince qui le lui rend. Peut-être est ce l’allusion à cette pub pour laque, toujours est-il que Vince se passe machinalement la main dans ses mèches et retourne à la contemplation de la vigne sculptée au plafond, il remarque une mini fissure à la pointe d’une des feuilles. Michel semble repérer une imperfection sur son mocassin et époussette une peluche microscopique du revers de l’index.
Dehors l’après-midi était déjà bien entamée, les volets à persiennes laissent filtrer des rais aux teintes imperceptiblement ambrées. Pour autant, La situation entre les deux hommes reste au summum du statu quo et n’a toujours pas évolué d’un iota.
-Je rajoute Amalfitano, lance Vince en posant ses coudes sur la table et en joignant ses doigts à hauteur de son nez.
-Tu me prends pour un rosbif Vince. Il a quasi le salaire et le rendement de Kalou. J'ai déjà donné. Si tu me proposes le petit frère Ayew c’est niet aussi, j’ai m’a dose de petits cons. Le grand frère à la rigueur… mais je garde les bonus.
Là, comment dire, il y a bien une réponse qui traverse l’esprit de Vince. Un truc dans le genre : « … et puis quoi encore mon chti père, un back room dans une boîte à strip avec en sus une pipe au Get 27, Hein t’en dis quoi Michou ? »
Mais il s’abstint car ce soir en terme de relation sexuelle tarifée, Vince ne connaissait que trop bien le prix de la vaseline.
-Ok pour Quinze, bonus compris, à prendre ou à laisser Michel, après tu te démerdes avec le gamin et bonjour l’ambiance dans ton vestiaire et les tribunes. Si tu le ramènes à l'entrainement avec Balmont et Rio, je parie que le petit finit avec le genou dans la boite à gant. Je ne te parle pas non plus des supporters qui voudront le lyncher voire lui enfiler une corne de brume dans le fondement à la sortie du stade. Si t’engages pas le RAID ou les tortues Ninja pour le protéger, ben ta pépite vaudra tripette. Avec tout ça si à la fin de la saison, ton équipe finit devant Guingamp tu pourras t’estimer heureux. Bref je te prédis un joyeux bordel au LOSC. Je te parle pas non plus des traites et des loyers pour ton stade tout neuf. Aubry attend que ça pour dénoncer le foot buisness et lancer un plan d'urbanisme révolutionnaire et transformer ton joujou en logements sociaux avec espace vert privatif. Au final, la Martine se fait réélire en fanfare et toi tu perds une tonne.
Michel fait une moue signe que Vince avait touché un point sensible et ramène ses deux mocassins au sol tout en fixant son interlocuteur pour la première fois depuis des plombes. Michel renonça à mieux voir le visage de Vince dans la pénombre naissante du soir, seule sa tignasse poivre et sel flambait dans un éclat de soleil couchant.
-Je prends Vincent. Dit Michel tout en se saisissant de son iphone5 qui jusqu’à lors faisait office de presse papier au contrat posé sur la table.
Pas trop tôt.
Vince en avait plein la mise en plis de ce transfert à la con. Fin des négociations. Si après tout ce merdier, Baup me fait entrer le gamin à la 89ème minute à tous les matchs, je lui fais bouffer sa collection de casquettes par la visière.
Il y eut une poignée de mains pas franche ni virile entre les deux hommes et un rictus constipé réciproque qui ne donna pas le change non plus.
Vince avait obtenu le joueur pourtant il se sentait comme après une partie de poker perdue. Il s’était fait enflé, ratiboisé, plumé, par le vieux et il le savait. Vince soupira tout en ramenant ses mèches sur sa nuque. Un mouvement de tête qui reporta immanquablement la ligne de son regard vers le plafond mouluré.
L’ultime contemplation de la feuille de vigne en stuc lui rappela que malgré tout, même à poil le premier venu pouvait rester digne.
Etre ou ne pas être digne telle est la question qui tard ou tôt vint à l’esprit de tous les présidents.
D’ailleurs, 15 millions c'est le prix semblerait-il pour être Digne cette année.
Post Scriptum :
Intérieur soir. Un liftier appuie sur le bouton lobby. Les portes se referment sur les deux hommes aux traits tirés.
-Pour l’annonce Michel, c’est moi qui appelle l’Equipe et l’AFP, dit Vince en ajustant son écharpe Paul Smith dans le miroir de l’ascenseur.
-Si tu veux. Mais j’ai déjà twitté, répondit Michel en rangeant son mobile dans sa poche intérieure.
Fly
En cas de morsure de vipère, sucez-vous le genou, ça fait marrer les écureuils