12-01-2008, 22:48
« Le tabac, c'est mauvais pour l'état général mais, pour l'État en particulier, excellent pour le coffre. » faisait finement remarquer Roland Bacri bien avant quun récent texte de loi sépare la population en deux catégories, le fumeur sans-gêne et lamateur dair pur qui lui, au contraire, tient à ses gènes
Cette bataille dair na ni queue ni tête et le manichéisme outrancier qui caractérisa longtemps les débats, attisa les braises, ranima la flamme en condamnant au bûcher dans un désir de vengeance ces insolents fumeurs est bien le vil reflet dune société qui prohibe sans coup férir avec autant de célérité quelle sextasie pour un chanteur de pacotille, futur oublié de cette génération kleenex où la seule politique est celle de la terre brûlée.
On nentendra plus notre voisin de table réclamer un cigare en fin de repas alors que lon sapprête à déguster notre île flottante.
Fini le : Un café et laddiction !
Ah, la dépendance qui nous isole, lassuétude qui nous lie, nous séquestre, nous kidnappe
Mais comment faire pour sarrêter ?
La méthode la plus classique consiste à éteindre sa dernière clope et à avoir suffisamment de volonté pour ne pas en allumer une suivante. C'est la voie choisie avec succès, parait-il, par quatre-vingt pour cent de fumeurs qui acceptent en général de passer quelques semaines difficiles, pour ensuite constater avoir de moins en moins souvent envie de fumer.
Mais, on ne combat pas un désir avec une interdiction et il est probable qu'un jour cette soif se réactive et induise la récidive.
La méthode la plus certaine pour passer une envie sans en devenir obsédé consiste à ne pas chasser cette pensée mais au contraire à laccepter. Après des années de tabagisme, le souvenir de la cigarette reste normalement présent. Et cette pensée ne fait pas mal. Si l'on chasse brusquement la pensée, elle reviendra comme un ressort tendu qui soudain se relâche. Il convient plutôt de l'accueillir amicalement, comme tout ce qui peut sortir de notre esprit.
Il en est de même pour notre relation avec notre club chéri.
Après des années de victoires et malgré quatorze années de sevrages le souvenir de la Coupe aux grandes oreilles reste étonnamment présent.
Il existe des techniques supplémentaires, des astuces permettant parfois de passer l'envie tranquillement :
Croquer une pomme (très efficace, notamment quand on a été gros supporteur si l'heure du match approche).
Boire un grand verre d'eau.
Respirer des arômes, du parfum ... ou le bon air, avec le nouveau Vélodrome cette méthodologie semble inefficace.
Prendre trois profondes inspirations.
Passer quelques instants ses avant-bras sous l'eau bien froide.
Ces astuces ne réduisent pas le désir : elles minimisent la tension associée lorsque l'on y fait face sans sy abandonner.
Mais cette dépendance à la victoire passée se double pour les plus jeunes dune addiction à la défaite, au ventre mou, à la médiocrité ordinaire.
Nous sommes tous victimes de lassuétude olympienne.
Notre envie première cest lOM, elle est constante et irrépressible et malgré nos efforts on ne peut y échapper, provoquant des joies immenses en cas de succès et des abîmes de douleurs en cas de revers.
La gravité naturellement croissante de notre addiction se traduit par une dégradation progressive et continue à tous les niveaux, rendant le retour à l'équilibre de plus en plus difficile.
Certains ont une dépendance à la télévision, au jeu vidéo, au sexe, à lalcool, à Internet Je connais même des cumulards
D'une manière générale, n'importe quel comportement compulsif pourra être considéré comme addictif. Observons-nous lorsque notre équipe favorite joue pour être convaincu du phénomène.
Les symptômes classiques et communs sont présents.
On est dans limpossibilité de résister à l'impulsion de passage à l'acte. On ressent une sensation croissante de tension précédant immédiatement le début du comportement, un soulagement, parfois un plaisir durant la période, une perte de contrôle dès le début de la crise.
Notre pensée est monopolisée par le projet de comportement addictif particulièrement exacerbé en période mercatale, on se lève en se précipitant sur les médias disponibles pour guetter le moindre mouvement.
On ne compte pas les nombreuses tentatives répétées pour réduire, contrôler ou abandonner le comportement. Combien de cris suivants les défaites où lon promet de déchirer la carte dabonné ou de ne plus regarder « cette bande de chèvres ».
Cet engagement dans le comportement nous conduit vers un désinvestissement social, professionnel et familial. Le match du samedi ou du dimanche soir du mari contre le prime time ou le film de TF1 de son épouse. La haine du patron qui nous consigne au travail un soir de finale. La tolérance est marquée, on ressent le besoin d'augmenter l'intensité ou la fréquence pour obtenir l'effet désiré, la moindre trêve de la Ligue Orange peut nous être fatale. Lagitation est grande, lirritabilité constante et surtout langoisse permanente si le passage à l'acte addictif est différé, empêché, un terrain suspendu, un match remis pour des conditions météorologiques.
Nous voila bien ennuyé par ce mal profond qui nous ronge.
Lopiomanie nétant pas la moindre des addictions où lon guette fébrile lavancée tubulaire et laborieuse dun trait linéaire porteur despoir.
Ce nest pas le moment de lâcher les rênes
Tiens, à propos, on va tenter chez les celtiques déviter le coup de tabac, celui qui, de manière récurrente, éteint nos ambitions.
Nos sélectionnés sont partis vers dautres luttes, lAfrique est bonne hôtesse, remplacés par des compatriotes revanchards et un Argentin dont le patronyme, bien placé, rapporte un max au scrabble.
Autant dire que nous nageons en pleine incertitude, nos espoirs se portant sur notre buteur peroxydé pour la réussite duquel Mama a brûlé un cierge, elle qui aime tant les buts à Cissé
Pendant ce temps, dans les troquets, devant les télévisions allumées, fumeurs et non-fumeurs collégialement associés, joints par leur amour commun, fumerons le calumet de la paix en évoquant le prix du tabac
Quy a-t-il de mieux pour détendre latmosphère que dévoquer le pétun coût ?