08-02-2024, 12:11
Morceaux choisis (par mes soins) de son interview du mois chez So Foot, je me suis concentré sur des cas sportifs concrets plutôt que sur sa philosophie générale, l'idée étant de ne pas tout transposer non plus (il y a une trentaine de questions au total) :
Pourquoi n'est-il (Sampaoli) pas resté, alors ?
Je vous explique le processus parce que je comprends que ça puisse nourrir une certaine incompréhension. L'évolution du jeu de Jorge demandait d'avoir des joueurs de plus grande qualité, et à ce moment du projet, on ne pouvait pas se le permettre financièrement. Donc on s'est dit: avec les moyens qu'on a à disposition, comment peut-on être plus compétitifs ? J'ai alors présenté ceci à Frank McCourt: un football physique, avec un marquage individuel, comme celui d'Igor Tudor, qui allait nous permettre d'être plus compétitifs. Parce que les joueurs pour produire ce genre de football coûtent moins cher.
Vous êtes arrivé à l'OM avec votre réputation de fin connaisseur du marché, votre talent pour dénicher des jeunes joueurs, et au final, vous avez plutôt construit des équipes pour obtenir des résultats à court terme, avec des effectifs qui changent beaucoup…
Il y a du mouvement pour deux raisons. Premièrement: les changements d'entraîneur, qui font que tu dois t'adapter. Et il se trouve qu'on a eu trois changements d'entraîneur non souhaités. Ensuite, quand je suis arrivé, on devait demander de l'argent tous les mois au propriétaire. Cela fait deux ans qu'on ne lui a pas demandé un euro. L'achat-vente de joueurs permet d'assurer cette stabilité économique. Si tu perds de l'argent tous les jours, c'est très difficile de construire quelque chose de solide. Après, je ne suis pas d'accord pour dire que c'est du court terme. L'OM, c'est spécial. C'est un très grand club, tu as besoin d'avoir dans ton effectif des joueurs de plus de 26 ans, qui ont déjà joué à ce niveau, qui ont déjà connu la pression qu'il y a ici. Et en même temps, tu dois créer de la valeur dans ton effectif. Je peux te le montrer sur papier (il prend un stylo). On construit tout avec une pyramide des âges. Exemple, en défense: on a deux joueurs de 93 et 94, Samuel Gigot et Chancel Mbemba, et deux joueurs de moins de 25 ans, Leo Balerdi et Bamo Meïté. C'est pour ça que, pour nous, Bamo était indispensable, on voulait avoir un jeune pour créer de la valeur. Milieux de terrain: Veretout 93, Kondogbia 93, Rongier 94. De l'autre côté, l'année dernière, Amine Harit avait moins de 25 ans, on a signé Ounahi et parié sur le développement de Bilal Nadir. En attaque: on a Aubameyang, et on a parié sur Vitinha. Faire une équipe très jeune à Marseille serait pour moi une grande erreur. De même qu'une équipe trop vieille, parce que tu ne penses qu'au lendemain et tu te suicides financièrement.
(Dans une autre question, il évoquera l'arrivée de Merlin en indiquant qu'il a demandé à Benatia un joueur de -23 ans sachant que Garcia et Murillo sont des 1996 et Clauss un 1992)
(Sur le deal CVC) : C'est un beau discours, mais concrètement, comment on fait? Sachant que l'accord avec CVC est un deal “à vie”, ce qui semble complètement fou. Je ne siégeais pas dans les instances au moment de sa signature, et on ne peut pas réécrire l'histoire. L'accord avec CVC est la double conséquence du Covid et de l'échec Mediapro, qui mettaient les clubs en grand danger de mort. La question, c'est qu'est-ce qu'on fait de cet argent versé par ce fonds? Nous, par exemple, on l'a utilisé pour contribuer à la transformation du club. On a mis 10 millions d'euros dans nos infrastructures, on a investi dans nos projets communautaires… Si tu places tout cet argent juste pour couvrir des dettes, ou pour acheter des joueurs, alors tu raisonnes à court terme, et ce n'est pas notre philosophie. (...) il faut aussi prendre en compte le fait que le foot français a désormais accès aux équipes d'un fonds qui peut améliorer nettement son produit, en le valorisant mieux, en attirant de nouveaux investisseurs… Aujourd'hui, cette valorisation est indispensable pour booster nos résultats économiques.
Les groupes ont quand même eu la peau de Marcelino, Ribalta et Iriondo (respectivement entraîneur, directeur sportif et directeur de la stratégie), non ? C'est encore un peu tôt pour analyser les conséquences de la réunion de septembre, mais me concernant, cette réunion a renforcé ma détermination.
Vous comprenez quand même que les gens s'interrogent sur votre futur après le départ de tous vos proches ? Ça, c'est un discours narratif parallèle. Je me suis rendu compte ces derniers mois qu'il y a beaucoup de gens qui pensent me connaître, mais qui en réalité ne me connaissent absolument pas.
Il y aurait aussi cette clause, selon laquelle vous seriez obligé de rembourser une partie de votre contrat en cas de départ. C'est une des raisons pour lesquelles vous n'avez pas quitté le club en septembre ? Cela fait encore partie de cette fameuse narration parallèle ! Premièrement, dans le droit du travail français, une clause de cet ordre est illégale. Deuxièmement, quand on m'a proposé d'être président de l'OM, j'ai moi-même suggéré d'intégrer cette clause. Pourquoi? Parce que si on regarde mon CV, on se rend compte qu'avant l'OM, je n'avais jamais duré plus de trois ans dans le même club. Moi, je voulais que le propriétaire soit convaincu de mon investissement total dans ce projet. L'idée de cette clause, c'était aussi que si un jour je prenais individuellement la décision de profiter de ma position de président de l'OM pour partir prendre plus d'argent ailleurs, qu'au moins le club en sorte gagnant économiquement. Comme c'était illégal, ce n'est pas allé plus loin. Voilà d'où vient cette histoire de clause, complètement détournée.
Le seul joueur de niveau international à être sorti du centre ces dernières années, c'est Boubacar Kamara. Et il est parti gratuitement. Ça me frustre terriblement, même si, plus que la question économique, je pense à celle de l'amour du club, à celle de l'impact psychologique de ce type de joueur dans le vestiaire. Je me rappelle qu'à Valence, dans un moment compliqué sportivement, Jaume Doménech et José Luis Gaya, formés au club, ont tapé du poing sur la table et ont dit: “On est Valencians, on va pas se faire marcher dessus!” C'était naturel, ils portaient ce maillot depuis tout-petits. Ça, c'est encore plus important à mes yeux que la plus-value que tu peux faire en les revendant plusieurs millions d'euros.
Pourquoi n'est-il (Sampaoli) pas resté, alors ?
Je vous explique le processus parce que je comprends que ça puisse nourrir une certaine incompréhension. L'évolution du jeu de Jorge demandait d'avoir des joueurs de plus grande qualité, et à ce moment du projet, on ne pouvait pas se le permettre financièrement. Donc on s'est dit: avec les moyens qu'on a à disposition, comment peut-on être plus compétitifs ? J'ai alors présenté ceci à Frank McCourt: un football physique, avec un marquage individuel, comme celui d'Igor Tudor, qui allait nous permettre d'être plus compétitifs. Parce que les joueurs pour produire ce genre de football coûtent moins cher.
Vous êtes arrivé à l'OM avec votre réputation de fin connaisseur du marché, votre talent pour dénicher des jeunes joueurs, et au final, vous avez plutôt construit des équipes pour obtenir des résultats à court terme, avec des effectifs qui changent beaucoup…
Il y a du mouvement pour deux raisons. Premièrement: les changements d'entraîneur, qui font que tu dois t'adapter. Et il se trouve qu'on a eu trois changements d'entraîneur non souhaités. Ensuite, quand je suis arrivé, on devait demander de l'argent tous les mois au propriétaire. Cela fait deux ans qu'on ne lui a pas demandé un euro. L'achat-vente de joueurs permet d'assurer cette stabilité économique. Si tu perds de l'argent tous les jours, c'est très difficile de construire quelque chose de solide. Après, je ne suis pas d'accord pour dire que c'est du court terme. L'OM, c'est spécial. C'est un très grand club, tu as besoin d'avoir dans ton effectif des joueurs de plus de 26 ans, qui ont déjà joué à ce niveau, qui ont déjà connu la pression qu'il y a ici. Et en même temps, tu dois créer de la valeur dans ton effectif. Je peux te le montrer sur papier (il prend un stylo). On construit tout avec une pyramide des âges. Exemple, en défense: on a deux joueurs de 93 et 94, Samuel Gigot et Chancel Mbemba, et deux joueurs de moins de 25 ans, Leo Balerdi et Bamo Meïté. C'est pour ça que, pour nous, Bamo était indispensable, on voulait avoir un jeune pour créer de la valeur. Milieux de terrain: Veretout 93, Kondogbia 93, Rongier 94. De l'autre côté, l'année dernière, Amine Harit avait moins de 25 ans, on a signé Ounahi et parié sur le développement de Bilal Nadir. En attaque: on a Aubameyang, et on a parié sur Vitinha. Faire une équipe très jeune à Marseille serait pour moi une grande erreur. De même qu'une équipe trop vieille, parce que tu ne penses qu'au lendemain et tu te suicides financièrement.
(Dans une autre question, il évoquera l'arrivée de Merlin en indiquant qu'il a demandé à Benatia un joueur de -23 ans sachant que Garcia et Murillo sont des 1996 et Clauss un 1992)
(Sur le deal CVC) : C'est un beau discours, mais concrètement, comment on fait? Sachant que l'accord avec CVC est un deal “à vie”, ce qui semble complètement fou. Je ne siégeais pas dans les instances au moment de sa signature, et on ne peut pas réécrire l'histoire. L'accord avec CVC est la double conséquence du Covid et de l'échec Mediapro, qui mettaient les clubs en grand danger de mort. La question, c'est qu'est-ce qu'on fait de cet argent versé par ce fonds? Nous, par exemple, on l'a utilisé pour contribuer à la transformation du club. On a mis 10 millions d'euros dans nos infrastructures, on a investi dans nos projets communautaires… Si tu places tout cet argent juste pour couvrir des dettes, ou pour acheter des joueurs, alors tu raisonnes à court terme, et ce n'est pas notre philosophie. (...) il faut aussi prendre en compte le fait que le foot français a désormais accès aux équipes d'un fonds qui peut améliorer nettement son produit, en le valorisant mieux, en attirant de nouveaux investisseurs… Aujourd'hui, cette valorisation est indispensable pour booster nos résultats économiques.
Les groupes ont quand même eu la peau de Marcelino, Ribalta et Iriondo (respectivement entraîneur, directeur sportif et directeur de la stratégie), non ? C'est encore un peu tôt pour analyser les conséquences de la réunion de septembre, mais me concernant, cette réunion a renforcé ma détermination.
Vous comprenez quand même que les gens s'interrogent sur votre futur après le départ de tous vos proches ? Ça, c'est un discours narratif parallèle. Je me suis rendu compte ces derniers mois qu'il y a beaucoup de gens qui pensent me connaître, mais qui en réalité ne me connaissent absolument pas.
Il y aurait aussi cette clause, selon laquelle vous seriez obligé de rembourser une partie de votre contrat en cas de départ. C'est une des raisons pour lesquelles vous n'avez pas quitté le club en septembre ? Cela fait encore partie de cette fameuse narration parallèle ! Premièrement, dans le droit du travail français, une clause de cet ordre est illégale. Deuxièmement, quand on m'a proposé d'être président de l'OM, j'ai moi-même suggéré d'intégrer cette clause. Pourquoi? Parce que si on regarde mon CV, on se rend compte qu'avant l'OM, je n'avais jamais duré plus de trois ans dans le même club. Moi, je voulais que le propriétaire soit convaincu de mon investissement total dans ce projet. L'idée de cette clause, c'était aussi que si un jour je prenais individuellement la décision de profiter de ma position de président de l'OM pour partir prendre plus d'argent ailleurs, qu'au moins le club en sorte gagnant économiquement. Comme c'était illégal, ce n'est pas allé plus loin. Voilà d'où vient cette histoire de clause, complètement détournée.
Le seul joueur de niveau international à être sorti du centre ces dernières années, c'est Boubacar Kamara. Et il est parti gratuitement. Ça me frustre terriblement, même si, plus que la question économique, je pense à celle de l'amour du club, à celle de l'impact psychologique de ce type de joueur dans le vestiaire. Je me rappelle qu'à Valence, dans un moment compliqué sportivement, Jaume Doménech et José Luis Gaya, formés au club, ont tapé du poing sur la table et ont dit: “On est Valencians, on va pas se faire marcher dessus!” C'était naturel, ils portaient ce maillot depuis tout-petits. Ça, c'est encore plus important à mes yeux que la plus-value que tu peux faire en les revendant plusieurs millions d'euros.