19-12-2013, 18:11
I
Je vous ferais grâce du c’est bon de te revoir, tu n’as pas changé, les cheveux peut être… On zappera sans vergogne les tu as l’air en forme, mes mensonges sur la reprise du jogging et les siens sur la pratique assidue du flying yoga.
On glissera facilement sur l'immanquable tu m’as manqué, le toi aussi et les draps s’en souviennent, le classique tu m’as toujours fait rire, l’admirable je n’ai rien oublié, suivi par le toujours payant te souviens-tu de cette chanson, oui c’était la notre, non elle est pas nase, et les éclats de rires pour rien.
Je passerais outre aussi les longues minutes de silences gênés et les soupirs gênants.
J’accélèrerais également les préliminaires à base du poignant je suis un peu perdu, les moi aussi, l’émoi aussi, survolerais le splendide j’ai pensé à toi tous les jours, le toi aussi, le toit aussi, le running-gag de surtout la nuit, le bien placé Pénélope saleté , et de rire encore, les yeux rouges, les mains qui se frôlent et le baiser volé.
On en était déjà plus là.
Ses doigts contournaient le creux de mes épaules, lissaient ma nuque pour se perdre dans mes cheveux, concurremment, à l’instar de Shiva ou une déesse poulpe des abysses, d’autres doigts envahissaient déjà mes hanches, palpaient mon ventre, escaladaient mon ceinturon, appuyaient sur des boutons qui font tomber l’éclair.
Pénélope avait pris les choses en main et je ne vous passerai pas les détails.
Ses cheveux balayèrent mon visage, puis mon torse jusqu’à picoter mon nombril semblable au grouillement d’une colonie de fourmis processionnaires, une de ces espèces mangeuses d’homme et suceuse de sang.
Délicieux supplice en pointillés brulants. Un souffle de miel me dressa bientôt l’échine dans un va et vient ouaté.
Je me vis décoller avec le plein d’érogène. Je me vis satellisé en exosphère. Je me vis vaisseau en orbite sous les étoiles, abouché à un sas de décompression, arrimé à une station extraterrestre au septième étage du ciel, là où plus rien ne pèse, et on tambourina à la porte. Non.
punaise non!
Pénélope releva sa tête vers moi en souriant.
-Ton voisin je présume ? Lança-t-elle avec zéro gravité.
-Je vais le tuer. Enrageai-je.
-Laisse, je m’en occupe ! Dit-elle en reboutonnant son chemisier, puis non finalement. Elle se ravisa et laissa très visible ce débraillé mammaire. Il s’agissait de signifier clairement à l’importun qu’il tombait mal. Paradoxalement, la perspective décolletée d’où pointait son désir servirait d’arme de répulsion massive.
Le plan de Pénélope fût un fiasco.
Le cyclope la fixait de son énorme œil vitreux de la taille d’une balle de base-ball couturée de sang. Sa bouche adipeuse laissait entrevoir un sourire édenté à base d’incisives cariées et de canines déchaussées longues comme des pics à saucisses.
Le regard de Pénélope ne put longtemps soutenir cette vision d’horreur et s’abaissa le long du manteau en peau de chèvre de l’immonde créature pour tomber sur un troll pas plus haut que trois pommes pourries.
Le petit accroché aux poils longs des basques de l’ogre ne valait pas mieux en terme d’apparence, arborant des oreilles en pointe dentelées, un bonnet rouge à pompon et sous ses narines ornées d’un mickey de morve gélifiée, une barbe cotonneuse qui se terminait sur ses pieds crochus comme des patins à glace.
-Des bonbons ou un sort! Piailla le gnome en crachant de l’hémoglobine couleur grenadine.
Un ogre de Noël et sa progéniture, s’en était trop pour ma belle rousse. Je vis nettement ses jambes flageoler ne plus la porter. Tel le preux Aragorn secourant la princesse Arwen, je bondis du canapé pour amortir sa chute. Pénélope s’évanouit dans mes bras. Son teint vira livide et pareille à la lumière des étoiles mortes, je crus voir s’éteindre une à une ses constellations d’éphélides.
II
« Noëlween...?, c’est quoi ce truc que tu m’as encore inventé ? »
Après avoir ôté sa hotte en carton et ficelles pleine de boîtes (vides) de Knakis Balls, Bouli m’expliqua que son petit neveu, dont il avait la garde ce week-end, n’avait pas fêté la Toussaint avec ses parents.
Sont pas très fun, surtout son pater, me glissa Bouli en douce.
Bref son petit neveu qui est aussi son filleul était fort marri de ne pas s’être déguisé pour la fête des morts. Aussi, pour lui faire plaisir il avait mélangé les costumes des deux évènements et frappé à ma porte vu que je n’avais pas de cheminée.
« Mais Allo, Noël c’est Noël et Halloween c’est Hallo… ween … Quoi! On ne mélange pas les plaisirs, surtout avec le mien ! » Bouillai-je dans un élan conjugué de conformisme aigu et d’égoïsme adultère.
-Va expliquer ça à un enfant de 4 ans et demi ? Rétorqua Bouli à travers son masque en caoutchouc et en perdant un pic à saucisse qui lui servait de ratiche.
-«punaise c’est pas difficile !
Toi comprendre notre langue ? Dis-je en toisant le troll.
Toi comprendre que Père Noël pas être un Zombie assoiffé de sang! Toi comprendre qu’on ne fait pas peur aux honnêtes gens avec du coton hydrophile collé sur le masque de maître Yoda à qui on a crevé un œil de surcroit .
Toi comprendre bordel de bouse que Noël c’est joie, bonheur et félicité. Et c’est pourquoi, je ne te félicite pas!
Mes vociférations l’avaient passablement effrayé, du coup le petit neveu éclata en sanglots et se mit à geindre à chaudes larmes.
-Toi comprendre petit couillon, ou pas ? » Répétais-je au nain pétrifié.
-T’as pas bientôt fini de martyriser cet enfant ?
Qu’est-ce que tu peux être réac parfois, et arrête de dire des gros mots s’il te plait ! S’interposa Pénélope qui avait depuis peu retrouvé des couleurs à grand renfort de compresses froides et de paires de claques.
Elle lui ouvrit ses bras avec cet appel de tendresse que seules savent émettre les mères louve, le gnome courut vers elle pour se faire câliner, se mélangea les patins à glace et finit les deux fers en l’air dans mon ficus.
Je me dis que parfois il y avait une justice divine et que, le glaive amer du coït interrompu avait logiquement frappé. On appelle ça à juste raison le manque de cul.
III
Le miracle de la nativité eût lieu un peu en avance. L’épisode des ogres de Noël ne fit pas fuir Pénélope comme je l’avais craint. Non. Au contraire. Après avoir réconforté, douché, mouché et peigné le petit neveu ; elle proposa sans rire, d’aller acheter des pizzas pour le match de ce soir.
Et oui, ce n’est pas à une fiancée de supporter qu’on apprend à faire la grimace; surtout quand le calendrier de L1 est collé au frigo sous un magnet OM.
Elle rajouta qu’elle regarderait le match avec nous.
Pénélope y posa cependant ses conditions. Pas folle la guêpe. Nous promettions de ne pas descendre les packs de bières en une mi-temps, de ne pas jurer -même devant les tirs de Cheyrou et de ne surtout pas lui réexpliquer la règle du hors jeu. Bouli accepta sans coup férir vu qu’il ne l’avait jamais comprise non plus et proposa de rajouter aux pizzas des Knakis Balls en seau familial, vu que le petit adorait ça.
-Tu veux vraiment voir OM-Bordeaux? M’assurais-je une fois encore tout en me pinçant l’avant bras.
-Ben oui, répliqua-t-elle avec un sourire à ébranler au moins cinq ascètes. Puis elle enfila son manteau, le petit sous le bras, direction le camion à pizza du coin de la rue.
Bouli et moi en restâmes comme deux ronds de flans.
-Elle est cool ta meuf !
-Je sais, répliquai-je, en bombant le torse comme si j’y étais pour quelque chose.
Je me levais pour nous servir des bières. Il s’agissait de prendre un peu d’avance avant le retour de Pénélope.
-Ah c’est l’autre beau gosse qui commente. Tu le kiffes pas trop non ? J’ai jamais compris pourquoi ? Dit Bouli en reposant la télécommande.
-Quoi ? Dis-je en revenant de la cuisine comme un fou.
Face à moi, en gros plan la gueule du consultant ex champion du monde de mes deux avec son sourire à damner tous les cocus de la terre.
Là il m’est venu les abeilles.
J’avais compris le soudain intérêt de Pénélope pour ce match. Pénélope saleté . Le relent d’un vieux Truc jamais digéré.
Les abeilles, puis le bourdon, et enfin le cafard, forcément j’ai pris la mouche. Comme ça d’un coup d’un seul.
Imaginez au ralenti la bière en boîte lancée par un australopithèque en fureur, entendez les timbales de Strauss, voyez la canette d’Heineken tel l’os de 2001 traversant le salon en auto rotation devant le regard écarquillé de Bouli, envisagez un pavé de contestation et de colère qui vient s’écraser sur sa belle gueule de Saint Christophe pixellisée.
Inutile de vous dire que le plasma n’aima pas des masses et la vitre s’étoila salement sous l’impact, l’appareil de télévision grésilla un peu avant de rendre son dernier souffle à travers une fumée épaisse à l’odeur âcre de plastique brulé.
Ce ne fût pas l‘émanation blanche de « l’Abemus Papam » Non, plutôt celle du :
« Quia zelus et furor viri non parcet in die vindicta » *
(*Car la jalousie met un homme en fureur, Et il est sans pitié au jour de la vengeance)
Je pouvais mirer mon reflet fendu en scapulaire dans le noir de l’écran esquinté.-Elle va moins bien marcher… forcément. Dit Bouli qui connaissait ses classiques.
Je restai coi sans interruption.
« C’est un peu du gâchis, non ? » Rajouta mon voisin.
-Du gâchis et pas un mot à la patronne ! Coupai-je court.
Le voilà le rapport caché, je le tenais mon parallèle éditorial avec l’OM.
IV
Nous passâmes une soirée délicieuse sans match, ni télé.
Nous décorâmes le ficus en sapin de noël avec les emballages de bonbons et autres papillotes que Pénélope avait acheté au petit. Nous mélangeâmes les quatre saisons aux quatre fromages, changeâmes les garnitures sans frein, ajoutâmes des pétales de chorizo à la Margherita et des bouchées doubles à la Reine, regonflâmes une Calzone aux chips paprika, confectionnâmes une crèche conceptuelle à base de cartons à pizza, de cure-dents et de noyaux d’olive, imaginâmes des santons en images Panini, mîmes Messi sur la paille, Francky en Ravi et CR7 en Roi Mage avec des ballons d’Or. Nous improvisâmes une bataille de Knakis Balls à la moutarde au grand dam de Bouli. Nous jouâmes à se tirer la barbichette au premier qui rirait à une blague Carambar.
Nous fûmes royaux au bar en dégottant au fin fond de ma cave un Bordeaux Chasse-Spleen de circonstance. Nous bûmes le nectar à grand renfort d’extases et personne ne nota qu’il était bouchonné. Le petit neveu s’endormit comme un ange au pied du ficus qui sentait le Chamallow. Bouli comme une brique sur le sofa qui sentait la saucisse.
Enfin seuls. J’emmenai Pénélope sur la couche nuptiale. Nous ôtâmes nos souliers. Il s’agissait enfin de déballer nos cadeaux.
La magie de Noël je vous dis…
Epilogue
Où en étions nous ? Là non ? Là plutôt ? A moins que ce fût là ? Ou là… Nous tâtonnâmes à tâtons en comptant sur nos doigts et en riant sous couette. Chut on va réveiller le nain. On s’en fout. Chut je te dis.
On était à deux doigts quand il se pointa comme une fleur.
-Veux dormir avec vous, chougna le petit neveu qui se tenait au pied de notre lit. bouse. Hors de question mon Jésus. Mais Non. Mais si. Va jouer.
-J’ai mal au ventre, enchérit-il. Faut pas rester là bonhomme. File. Non. Allez ouste je te dis.
Trop tard.
J’étais maudit jusqu’à la deuxième génération des Bouli ! Le troll venait de régurgiter un mix ignoble de Carambar, chorizo et fromage à pizza sur le lit conjugal aux draps blancs. Drôle de conception de l’immaculé.
Quoique…
La couche changée, l’enfant s’endormit entre nous. Le miracle de la nativité donc...
Fly
PS: Bonnes fêtes à toute la fumerie. Et en bon fils de l’OM gardez foi et bon foie.
En cas de morsure de vipère, sucez-vous le genou, ça fait marrer les écureuils