13-02-2010, 09:34
Ah mon dieu, quest-ce que je suis bien !
Au chaud, lové sur ce doux canapé rouge à côté de celui que jaime, le bonheur tout simplement. Je ne sais pas vous, mais moi cest toujours dans ces moments de béatitudes que je me remémore le chemin parcouru, afin de ne jamais oublier doù je viens.
Croyez-le ou pas, ma vie na pas toujours été ainsi.
Ma peau porte encore les stigmates du temps passé.
Abandonné dès mon plus jeune âge, jai dû apprendre à me débrouiller par moi-même. Je me revois errant seul dans les ruelles sombres afin déviter les « sent-bons ».
Peu dentre eux osaient mapprocher, repoussés par lodeur crasse qui émanait de moi.
Cétait ma meilleure protection, mon arme la plus fidèle. Elle agissait telle une armure invisible, un champ de répulsion envers les attaques extérieures.
A cette époque, ma seule occupation était de survivre. Raser les murs, attendre, tapi dans lombre dun conteneur mal refermé.
Attendre les sens en éveils la moindre opportunité pour me nourrir et atténuer enfin cette sempiternelle douleur qui me rongeait de lintérieur.
Malheureusement pour moi, ou plutôt heureusement devrais-je dire avec le recul, jétais incapable de me procurer de la nourriture autrement.
Incapable de chasser mes propres proies, de ma survie dépendait uniquement ma faculté à être au bon moment, au bon endroit.
Cest ainsi que ma vie prit une tournure bien particulière, cétait il y a sept ans de ça.
Le monde nétait plus celui que je connaissais, une chaleur lourde écrasait mes épaules, le goudron me brûlait, les rues étaient vides, désertées par les « sent-bons » et je sentais mes maigres force mabandonner au fil de leau qui sétait tout simplement évaporer.
Cest ici à lombre dune rue que je lai rencontré, en dautres circonstances je ne me serais jamais laissé approcher mais assommé par la chaleur je navais plus la force de menfuir.
Il me prit dans ses bras, faisant fi de lodeur pestilentielle et me ramena dans sa tanière.
Comme toute chose qui est nouvelle, nous avons eu besoin dun temps dadaptation.
Jai dû apprendre un nouveau code de conduite.
Ce nétait pas simple tout ceci était tellement nouveau, tellement effrayant et en même temps tellement excitant.
Je crois que le plus dur à comprendre pour moi était que tout nétait pas comestible.
Trois romans (très bon, je les ai dévorés), deux paires de rideaux, une housse de canapé, trois chaises, un fax et dix-huit paires de pantoufles plus tard je compris que je devais faire la part des choses.
Je crois que le plus dur à comprendre pour lui était que le lever du soleil était un excellent moyen mnémotechnique pour ma détente matinale. 4687 coups de gueules, 65 crottes dont 5 dans ses pantoufles et 87 pipis plus tard il comprit la nécessité de se réveiller aux aurores.
Nous nous étions apprivoisés.
Me voici donc, après des années de galères, au chaud sur un canapé avec mon « sent- bon », mon ami, mon compagnon. Il me restait cependant un mystère que je navais pas résolu. Quest-ce que cette boîte lumineuse avait de si particulier pour le transformer à ce point ?
Étaient-ce les variations quasis épileptiques des images qui le chamboulaient ?
Étaient-ce le cri de ces bêtes féroces qui émanaient de cette étrange boite qui le tétanisait ?
Pourquoi sinfligeait-il pareil supplice ?
Cétait toujours le même scénario qui se répétait, la même histoire qui se déroulait.
Premier chat pitre : le bruit strident à sen faire vriller les tympans signe que quelquun est derrière la porte.
Un « sent-bon », un « sent-très-très-très-très-bon » devrais-je dire, apporte une galette aplatie dans laquelle on aurait emprisonné mille et une saveurs.
Deuxième chat pitre : lodeur.
A linstar de mes anciennes techniques pour me protéger des autres, il va accentuer son odeur en saffublant dune vieille toile bleu et blanche qui na pas dû être toilettée depuis 17 ans.
De quoi a-t-il peur ?
Troisième chat pitre : son pouls saccélère. Il ne tient plus en place, fait des allers-retours vers une autre boite lumineuse sur laquelle il va tapoter frénétiquement dans un cliquetis assourdissant.
Quatrième chat pitre : la démence.
Tantôt debout sur le canapé hurlant, boisson amère à la main, tantôt à genou devant cette boite priant tous les saints pour un sacrifice de chèvre. Tantôt prostré, son front enfoncé dans ses genoux, secrétant une eau salée qui coule le long de ses mollets que je mefforce de nettoyer.
Cinquième chat pitre : Le retour à la réalité.
Le pouls ralentit mais lexcitation demeure.
Ça peut durer 5 minutes comme ça peut durer toute la nuit.
Mais il seffectue toujours au rythme des cliquetis plus ou moins soutenus de la deuxième boite lumineuse.
Effrayant nest-ce pas ?
Il devenait urgent dagir. Je lui devais bien ça après tout ce quil avait fait pour moi.
Il ma libéré de ma misérable vie, je vais le libérer de lemprise de cette boîte.
Mon instinct me dictait dagir vite, les cliquetis se faisaient de plus en plus fréquents, la grande mascarade approchait à grand pas.
Dès le lendemain, je profite de sa longue absence journalière pour mettre mon plan à exécution.
Je me place devant la boîte endormie qui német aucun son, aucune lumière.
Babines retroussés, je me fends dun grognement sourd pour lintimider. Aucune réaction, elle nest pas effrayée, elle veut mimpressionner, me narguer !
Je bondis sur elle pour lui asséner des coups de pattes, de griffes.
Elle est coriace !!!
Mes coups semblent navoir aucun impact sur ce démon je la contourne, attrape sa queue et la mord frénétiquement.
Mauvaise idée une vibration parcourt tout mon corps, je sens mes poils se dresser de tout leur long, mes muscles se tétanisent. Ne pas céder, ne pas céder, se battre jusquau bout. Je tire dun coup sec (on appelle ça la méthode Pénélope) je sens la bête faiblir, mes muscles se détendent, mes poils se recouchent, ma victoire et proche...il ne me reste plus quà achever la bête.
Méthodique, mes deux pattes sur son dos, jentreprends denfoncer mes crocs dans cette carcasse inerte à la carapace aussi dure que les containers contre lesquels javais lhabitude de me cacher durant ma période sombre. La bataille est rude, je prends donc mon temps pour lachever et apprécier chaque craquement de carcasse broyée dans mes mâchoires puissantes.
Mon ami sera fier de moi sur cette agréable pensée que je mendors sur ma victime en signe de victoire et de domination.
Mes oreilles se dressent. Je lentends, il arrive enfin.
Je me place sur ma proie, assis, les oreilles dressées, la queue battant au rythme dun orchestre Wagnérien. La porte souvre, comme souvent il parle tout seul.
-Ok Fly, pas de problème tu peux passer à la maison voir le match. Je commande les pizzas, tu amènes la bière. On va les poutrer ces ambassadeurs du Rocher !
Stupéfait devant ce spectacle, un court instant tétanisé, il assimile lentement la situation, partagé entre colère et désespoir ses yeux hagards parcourent la pièce...mais lémotion de se sentir libre est trop forte, ses jambes ne le porte plus et comme moi tantôt, il sendort sur les restes fumants et funestes de la bête blotti contre lui je me rendors à mon tour bercé par le sentiment du devoir accompli, le plus beau de tous mes combats
Caveman
Mon copain Caveman étant retenu à un concours de dressage de chiennes, une de ses nombreuses spécialités, j'ai endossé son costume pour vous faire parvenir son édito digne des plus belles chroniques d'Hervé Mathoux ...
Léon Camé, l'homme protée.
Au chaud, lové sur ce doux canapé rouge à côté de celui que jaime, le bonheur tout simplement. Je ne sais pas vous, mais moi cest toujours dans ces moments de béatitudes que je me remémore le chemin parcouru, afin de ne jamais oublier doù je viens.
Croyez-le ou pas, ma vie na pas toujours été ainsi.
Ma peau porte encore les stigmates du temps passé.
Abandonné dès mon plus jeune âge, jai dû apprendre à me débrouiller par moi-même. Je me revois errant seul dans les ruelles sombres afin déviter les « sent-bons ».
Peu dentre eux osaient mapprocher, repoussés par lodeur crasse qui émanait de moi.
Cétait ma meilleure protection, mon arme la plus fidèle. Elle agissait telle une armure invisible, un champ de répulsion envers les attaques extérieures.
A cette époque, ma seule occupation était de survivre. Raser les murs, attendre, tapi dans lombre dun conteneur mal refermé.
Attendre les sens en éveils la moindre opportunité pour me nourrir et atténuer enfin cette sempiternelle douleur qui me rongeait de lintérieur.
Malheureusement pour moi, ou plutôt heureusement devrais-je dire avec le recul, jétais incapable de me procurer de la nourriture autrement.
Incapable de chasser mes propres proies, de ma survie dépendait uniquement ma faculté à être au bon moment, au bon endroit.
Cest ainsi que ma vie prit une tournure bien particulière, cétait il y a sept ans de ça.
Le monde nétait plus celui que je connaissais, une chaleur lourde écrasait mes épaules, le goudron me brûlait, les rues étaient vides, désertées par les « sent-bons » et je sentais mes maigres force mabandonner au fil de leau qui sétait tout simplement évaporer.
Cest ici à lombre dune rue que je lai rencontré, en dautres circonstances je ne me serais jamais laissé approcher mais assommé par la chaleur je navais plus la force de menfuir.
Il me prit dans ses bras, faisant fi de lodeur pestilentielle et me ramena dans sa tanière.
Comme toute chose qui est nouvelle, nous avons eu besoin dun temps dadaptation.
Jai dû apprendre un nouveau code de conduite.
Ce nétait pas simple tout ceci était tellement nouveau, tellement effrayant et en même temps tellement excitant.
Je crois que le plus dur à comprendre pour moi était que tout nétait pas comestible.
Trois romans (très bon, je les ai dévorés), deux paires de rideaux, une housse de canapé, trois chaises, un fax et dix-huit paires de pantoufles plus tard je compris que je devais faire la part des choses.
Je crois que le plus dur à comprendre pour lui était que le lever du soleil était un excellent moyen mnémotechnique pour ma détente matinale. 4687 coups de gueules, 65 crottes dont 5 dans ses pantoufles et 87 pipis plus tard il comprit la nécessité de se réveiller aux aurores.
Nous nous étions apprivoisés.
Me voici donc, après des années de galères, au chaud sur un canapé avec mon « sent- bon », mon ami, mon compagnon. Il me restait cependant un mystère que je navais pas résolu. Quest-ce que cette boîte lumineuse avait de si particulier pour le transformer à ce point ?
Étaient-ce les variations quasis épileptiques des images qui le chamboulaient ?
Étaient-ce le cri de ces bêtes féroces qui émanaient de cette étrange boite qui le tétanisait ?
Pourquoi sinfligeait-il pareil supplice ?
Cétait toujours le même scénario qui se répétait, la même histoire qui se déroulait.
Premier chat pitre : le bruit strident à sen faire vriller les tympans signe que quelquun est derrière la porte.
Un « sent-bon », un « sent-très-très-très-très-bon » devrais-je dire, apporte une galette aplatie dans laquelle on aurait emprisonné mille et une saveurs.
Deuxième chat pitre : lodeur.
A linstar de mes anciennes techniques pour me protéger des autres, il va accentuer son odeur en saffublant dune vieille toile bleu et blanche qui na pas dû être toilettée depuis 17 ans.
De quoi a-t-il peur ?
Troisième chat pitre : son pouls saccélère. Il ne tient plus en place, fait des allers-retours vers une autre boite lumineuse sur laquelle il va tapoter frénétiquement dans un cliquetis assourdissant.
Quatrième chat pitre : la démence.
Tantôt debout sur le canapé hurlant, boisson amère à la main, tantôt à genou devant cette boite priant tous les saints pour un sacrifice de chèvre. Tantôt prostré, son front enfoncé dans ses genoux, secrétant une eau salée qui coule le long de ses mollets que je mefforce de nettoyer.
Cinquième chat pitre : Le retour à la réalité.
Le pouls ralentit mais lexcitation demeure.
Ça peut durer 5 minutes comme ça peut durer toute la nuit.
Mais il seffectue toujours au rythme des cliquetis plus ou moins soutenus de la deuxième boite lumineuse.
Effrayant nest-ce pas ?
Il devenait urgent dagir. Je lui devais bien ça après tout ce quil avait fait pour moi.
Il ma libéré de ma misérable vie, je vais le libérer de lemprise de cette boîte.
Mon instinct me dictait dagir vite, les cliquetis se faisaient de plus en plus fréquents, la grande mascarade approchait à grand pas.
Dès le lendemain, je profite de sa longue absence journalière pour mettre mon plan à exécution.
Je me place devant la boîte endormie qui német aucun son, aucune lumière.
Babines retroussés, je me fends dun grognement sourd pour lintimider. Aucune réaction, elle nest pas effrayée, elle veut mimpressionner, me narguer !
Je bondis sur elle pour lui asséner des coups de pattes, de griffes.
Elle est coriace !!!
Mes coups semblent navoir aucun impact sur ce démon je la contourne, attrape sa queue et la mord frénétiquement.
Mauvaise idée une vibration parcourt tout mon corps, je sens mes poils se dresser de tout leur long, mes muscles se tétanisent. Ne pas céder, ne pas céder, se battre jusquau bout. Je tire dun coup sec (on appelle ça la méthode Pénélope) je sens la bête faiblir, mes muscles se détendent, mes poils se recouchent, ma victoire et proche...il ne me reste plus quà achever la bête.
Méthodique, mes deux pattes sur son dos, jentreprends denfoncer mes crocs dans cette carcasse inerte à la carapace aussi dure que les containers contre lesquels javais lhabitude de me cacher durant ma période sombre. La bataille est rude, je prends donc mon temps pour lachever et apprécier chaque craquement de carcasse broyée dans mes mâchoires puissantes.
Mon ami sera fier de moi sur cette agréable pensée que je mendors sur ma victime en signe de victoire et de domination.
Mes oreilles se dressent. Je lentends, il arrive enfin.
Je me place sur ma proie, assis, les oreilles dressées, la queue battant au rythme dun orchestre Wagnérien. La porte souvre, comme souvent il parle tout seul.
-Ok Fly, pas de problème tu peux passer à la maison voir le match. Je commande les pizzas, tu amènes la bière. On va les poutrer ces ambassadeurs du Rocher !
Stupéfait devant ce spectacle, un court instant tétanisé, il assimile lentement la situation, partagé entre colère et désespoir ses yeux hagards parcourent la pièce...mais lémotion de se sentir libre est trop forte, ses jambes ne le porte plus et comme moi tantôt, il sendort sur les restes fumants et funestes de la bête blotti contre lui je me rendors à mon tour bercé par le sentiment du devoir accompli, le plus beau de tous mes combats
Caveman
Mon copain Caveman étant retenu à un concours de dressage de chiennes, une de ses nombreuses spécialités, j'ai endossé son costume pour vous faire parvenir son édito digne des plus belles chroniques d'Hervé Mathoux ...
Léon Camé, l'homme protée.